Drogba nous rassure

Didier Drogba et la télé ont écrit mercredi une page d’anthologie dans notre Grand Livre de l’Aigreur. Pendant des années et peut-être jusqu’à la mort, des milliers de petits Anglais raffolant de foot et de Chelsea, marqués au fer rouge par la spontanéité colérique de l’Ivoirien, vont se souvenir de Tommy Ovrebo comme de l’incarnation, en ce monde désormais pourri à leurs yeux, de l’Injustice et du Mal absolu. Moi aussi ? jadis, et les quinquas s’en souviennent, il m’a fallu un certain temps pour me remettre de José Barberan… Cela dit par rapport aux mômes. Par rapport aux grands, Drogba qui pète un câble pareil que celui pété hebdomadairement par des tas d’amateurs adultes pareillement frustrés, c’est moche pour nos valeurs, mais ça rassure. En foot, à l’issue d’une défaite ressentie comme arbitralement injuste, toutes ces stars indécemment friquées restent donc capables d’autant d’indignation que nous, les pauvres !

Barcelone n’a rien montré en 180 minutes (le mérite contrariant en revient à son adversaire) ; mais ce Barça qui gagne plus souvent qu’un autre en nous enchantant, a bien le droit de gagner parfois sans nous enchanter, non ? Si. Sa qualification n’a rien d’amorale. Chelsea a perdu en s’étant ménagé des occasions plus franches ? C’est banal comme une tartine. Oui, ça s’est joué sur un détail et ce détail, comme hélas trop souvent, a relevé de l’humeur  » arbitreuse  » : mais quitte à passer pour une Madame Soleil bouffie de fierté, je vous rappelle avoir flairé pareille issue voici trois semaines… A entendre les indignés londoniens, c’est 4-0 qu’ils se sont fait couillonner : quatre pénos flagrants non sifflés ! En toute neutralité, j’aimerais filer mon opinion. D’abord, c’est 4-1, car l’exclusion d’ Eric Abidal prête aussi à polémique. Ensuite, aucun des quatre pénos n’est flagrant, tous relèvent de phases douteuses mille fois vues, parfois sifflées et parfois pas. Mais il n’empêche que, quand tu te fais niquer 4-1 au marquoir final des bazars douteux dûment répertoriés, 4-1 est un gros écart qui te file une grosse amertume au cas où tu perds en ayant mieux joué que ton adversaire…

Quand Guus Hiddink suppute à mi-mot que l’UEFA pourrait avoir £uvré afin que la finale ne soit pas 100 % anglaise, il se demande ni plus ni moins si l’arbitre n’a pas sifflé sur recommandation plutôt qu’à l’instinct ! C’est grave, ça n’engage que lui, et va-t-en savoir si c’est tout à fait faux… Mais quand il reproche à l’UEFA d’avoir désigné un second couteau norvégien au lieu d’un arbitre expérimenté issu d’un des grands championnats européens, il croit encore au Père Noël, les arbitres les mieux cotés ne sont en rien garants de matches justes et pacifiques,… la preuve par l’autre éliminé illuminé, Arsène Wenger, à l’issue de l’autre demi-finale !

Elle était arbitrée par l’Italien Roberto Rosetti qui, lui, est un authentique roi du sifflet ! Et on y a vu, bien plus qu’à Chelsea-Barçelone un gros écart entre le vainqueur et son vaincu. Eh bien, ça n’a pas empêché Wenger de trouver à redire sur l’arbitrage du roi-siffleur :  » Il a sifflé des coups francs qui ne sont pas accordés en championnat d’Angleterre « , a pesté l’Arsène, à croire qu’Arsenal s’en serait sorti via l’arbitrage d’un second couteau… mais de Sa Majesté ! Hé, hé, les Lois du Jeu ne sont donc pas si universelles que ça, et on s’étonne qu’il y ait bordel ? ! En fait, l’arbitre de foot, quel qu’il soit, c’est l’échappatoire indispensable et idéale pour te sentir non coupable ou moins nul en cas de défaite : je me demande d’ailleurs de plus en plus si ce n’est pas là sa fonction principale… C’est vrai, Wenger m’aurait épaté si sa première réaction avait été de dire :  » Je dois maintenant me demander si mon ego coacheur ne me fait pas pousser un peu loin le bouchon du jeunisme performant.  » Mais faut pas trop demander aux hommes, la chair est faible et l’ego est fort…

A Arsenal enfin, ce fut tristounet de voir des gradins à moitié vides dès le 0-3 de l’heure de jeu. Déjà qu’après dix minutes, le vacarme d’avant-match avait laissé place aux gueules d’enterrement silencieuses…. D’accord, c’était déjà alors foutu de chez foutu du point de vue des probabilités. Mais autant je compatis à l’abattement et aux gueules d’enterrement, à l’incapacité physiologique de chanter pleins poumons en pleine débâcle (c’est pourquoi c’est tellement épatant les rares fois où cela se produit), autant il est horrible qu’un supporter battu sur deux se taille en plein match, comme s’il lâchait la main de sa vieille mère agonisante… Salaud ! Pseudo ! Supporter de la victoire !

par bernard jeunejean

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