Drogba et Guardiola sont deux gros poissons

On gobe facilement ce qu’on souhaite croire. J’ai mordu à pleines dents à l’hameçon de France Football le…1er avril dernier, en y lisant que Didier Drogba avait déclaré vouloir jouer en défense centrale dès la saison prochaine.

Ça me semblait plausible et magnifique. Ce gars avait 33 ans, sa carrière sentait d’autant plus l’automne qu’il ne prestait pas sa meilleure saison et il disait avoir fait le tour des sensations que procure le poste d’attaquant de pointe. Mais il aimait toujours les duels où ça frotte et, pendant deux ou trois ans durant lesquels ses guibolles pourraient encore prester au top, il voulait s’offrir un truc pas banal : nous jouer la scène du braconnier devenant garde-chasse. Génial, j’en salivais déjà !

Nombre de défenseurs du top furent attaquants durant leur formation ou en début de carrière. Nombre d’attaquants du top redescendent en fin de carrière d’un cran sur l’échiquier, mais tout en demeurant des offensifs de l’entrejeu ; tandis que d’autres, qui terminent dans les petites divisions, s’y installent au libero pour diriger la man£uvre, peinards et techniques. Mais des attaquants au top durant plusieurs années et devenant ensuite des défenseurs axiaux du top durant quelques autres années, j’ai beau trifouiller ma mémoire qui adore ça, aucun nom n’en émerge.

La lubie du Blue était plaisante. Elle me semblait coller à la forte personnalité de l’homme, sans doute son éternel charisme au sein des Eléphants ivoiriens m’influençait-il. Après avoir mis les deux buts de la victoire contre le Bénin (*), Drogba ne venait-il pas d’encore jouer son rôle d’idole pacificatrice, arborant un T-shirt « Pour la paix en Côte d’Ivoire » ? Et surtout, il prenait une décision de vie si rare et fort chouette. Car autant il est habituel de traquer l’excellence dans la voie qu’on a choisie, autant il est insolite de souhaiter faire autre chose quand l’excellence est atteinte, et pratiquée avec succès depuis un certain temps. Insolite de vouloir faire autre chose, d’opter pour une autre passion, ou pour la même mais autrement…

Au bout d’un temps certain, pourquoi notre Eddy Merckx n’eut-il jamais envie de rouler avec des roues plus petites que celles des autres, au lieu de gagner sans cesse avec les mêmes roues qu’eux ? Ou pourquoi Rafael Nadal ne dispute-t-il pas le premier set du bras droit, qu’a-t-il encore comme plaisir à les dérouiller tous du bras gauche ? Briller des années sans discontinuité, c’est aimer la monotonie. Et je me disais que Drogba ne l’aimait pas.

Candide que je suis, le poisson était d’avril ! Retour sur terre, Drogba est une star à crampons comme les autres, il a même passé ses nerfs récemment sur un supporter des Blues face à Stoke City. Et, fucking disgrace, Luiz Felipe Scolari vient de porter un sale coup à son charisme légendaire, en caftant sur leur incessant conflit de 2009, tant Drogba l’empêchait de contrôler le vestiaire londonien ! Mais ça sent sa fin à Chelsea. L’Ivoirien va finir de s’y arracher (en vain hier à Man U ?) pour mériter ses 6 ou 7 millions d’euros annuels. L’an prochain, et puisqu’on lui préfère parfois ce gamin mou de Fernando Torres, Drogba ira palper ailleurs : aux States avec son pote Titi Henry, ou au Real because José Mourinho.. mais ne sont-ce pas encore des poissons menteurs ? En tout cas, ce sera toujours à la pointe de l’attaque, on refile bien moins de blé aux défenseurs axiaux !

Un autre qui veut changer de vie et briller autrement, et sans l’avoir dit un 1er avril, c’est Pep Guardiola : parlant de lassitude réciproque qui s’installe inévitablement, il penserait quitter le Barça en 2012, à l’issue de sa quatrième saison. Il a raison, il a des choses à se prouver. Pep n’a fait « que » reprendre un Barça mis en place par Frank Rijkaard : avec alors déjà une Ligue des Champions à la clé (2006), et remportée sans un Lionel Messi qui n’avait pas encore alors sa taille définitive. Si Guardiola est un vrai compétiteur avide de sensations inédites, il quittera le Barça : pas pour un géant comme l’Inter, mais pour Herculès, Osasuna ou Santander, et sans y exiger un seul nouveau joueur : pour se découvrir mieux, fût-ce à tarif moindre…

(*) délocalisé au Gabon, en raison de l’autre match, sanglant celui-là, entre Gbagbo et Ouattara…

PAR BERNARD JEUNEJEAN

Si Guardiola est un vrai compétiteur avide de sensations inédites, il quittera le Barça.

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