« Drogba est mon modèle »

Le grand attaquant n’a pas raté ses débuts : trois buts dès son premier mois dans la Venise du Nord !

Les buts inscrits au MSV Duisburg (Allemagne) illustrent sa polyvalence. Il en a marqué six du pied droit, trois du gauche et cinq de la tête. Le plus beau est un rétro. Il n’a marqué de l’extérieur du rectangle qu’à deux reprises et préfère exploiter les passes des flancs, comme ce fut le cas lorsqu’il a marqué contre Westerlo, Zulte Waregem et Mouscron.

 » Je suis né à Bafang, un village situé à l’ouest du Cameroun « , raconte-t-il.  » Depuis ma tendre enfance, je veux devenir footballeur mais mon père a toujours souhaité que j’étudie et apprenne un métier, comme lui. Il a joué en D1 au Cameroun mais une blessure au genou l’a contraint à arrêter prématurément. Ses études lui ont permis de trouver un travail dans l’administration. Sans ce diplôme, nous aurions vécu dans la pauvreté. Mon père a sept fils. Je suis le quatrième. Un de mes frères aînés était un excellent footballeur, très doué techniquement mais peu enclin à travailler. Le cadet, âgé de 16 ans, est très doué également. J’aimerais lui dénicher un bon centre de formation ici.

Quand j’ai fêté mes 11 ans, ma mère a cédé à mon insistance et m’a inscrit au petit centre de formation du village. J’évoluais à l’arrière droit, au c£ur de la défense ou au milieu défensif. Je ne tenais pas tout un match. Quelques années plus tard, j’ai passé un test au centre qui a formé Samuel Eto’o mais je me suis blessé. Un ami jouait avec une machette et a malencontreusement sectionné mon tendon d’Achille. J’ai été sur la touche pendant un an. Je me suis alors tourné vers le volley mais mon envie de foot est revenue. J’ai rejoué sur le flanc droit à Lumière de Banka, un club de D2 et la saison suivante, Diap de Banja m’a enrôlé et m’a posté en attaque. J’ai vraiment percé lors de ma deuxième saison à Victoria United Limbé, une formation de D1. Je suis devenu meilleur buteur du Cameroun avec 24 réalisations et Aris Salonique m’a proposé d’effectuer un test. Ma mère n’a pas eu le bonheur de partager ces moments. Elle avait déjà succombé à une maladie…  »

Il est devenu travailleur immigré en Grèce

 » Dorge Kouemaha a immédiatement démontré sa valeur « , explique Giorgos Hatzaras, qui entraînait alors Aris Salonique.  » Il était capable de conserver le ballon, sa technique du droit était bonne et il se débrouillait bien du gauche. Son jeu de tête était excellent et il était rapide pour un homme de sa taille. Seule sa finition posait un peu problème. Je pense qu’en l’espace de trois mois et demi, il n’a inscrit que trois buts. Cette saison a été catastrophique, puisque nous avons été relégués mais Kouemaha a constitué une réelle éclaircie. Il ne manque pas de qualités humaines : il communique avec les autres, ne crée pas de problèmes et exécute les tâches que lui assigne l’entraîneur. Je pense qu’il va briller en championnat de Belgique.  »

Kouemaha :  » Je suis arrivé à Salonique en hiver et il faisait froid. Mes pieds étaient gelés. J’ai effectué un test de deux semaines, au terme duquel j’ai été titularisé. J’ai marqué dès mon premier match, ce qui m’a insufflé du courage. J’ai formé une famille avec deux compatriotes mais le club était en proie à des problèmes. Il y avait des clans dans le noyau, nous ne parvenions pas à former une vraie équipe. Beaucoup de joueurs voulaient se débarrasser de l’entraîneur et ne faisaient rien pour gagner. Le football était physique et le championnat très dur. J’ai dû m’y faire. J’ai été confronté au racisme pour la première fois de ma vie en Grèce. On a démoli nos voitures après un derby perdu contre PAOK. J’ai essayé de ne pas m’y attarder et de rester concentré sur le football. Je suis africain et je n’oublie pas d’où je viens. Je suis un travailleur immigré. Si je ne retrousse pas mes manches, je n’apporterai rien à ma famille, restée au Cameroun. Je ne l’oublie jamais et je suis conscient de ne pas être ici pour m’amuser mais pour travailler. Je veux atteindre le niveau de mon compatriote Eto’o mais j’évolue plutôt dans le registre de l’Ivoirien Didier Drogba, qui est mon modèle.

Mon aventure en Grèce n’a toutefois pas été négative : nous avons atteint la finale de la Coupe et j’ai été le seul Noir à y participer. L’Olympiacos, le champion, nous a battus 3-0. Aris a été rétrogradé tout en se qualifiant pour la Coupe UEFA. J’ai eu l’opportunité d’être transféré en Hongrie mais j’ai dû retourner six mois en Afrique, le temps que mon visa soit en ordre. Il n’y a pas de consulat de Hongrie au Cameroun et je devais me déplacer au Nigeria… « 

Le chouchou du public hongrois

 » Il est arrivé à Tatabànya durant l’hiver 2005-2006, en compagnie de trois autres Camerounais « , poursuit Attila Georgi, un manager hongrois.  » Il a inscrit deux buts en huit matches puis, la saison suivante, il a trouvé le chemin des filets à douze reprises. Le FC Tatabànya est un petit club que Dorge a aidé à maintenir parmi l’élite. Il était seul en pointe, le reste de l’équipe se consacrant à la défense et lui envoyant le ballon à grands coups de botte, à charge pour lui de tirer son plan. La saison suivante, il a rejoint Debrecen, pour lequel il a marqué 14 buts. Kouemaha est un attaquant qui exploite parfaitement ses qualités physiques. Selon moi, il peut devenir le meilleur buteur du Club Bruges. En outre, il est calme et se fait apprécier.  »

Kouemaha :  » J’ai fait venir ma femme et ma petite fille à Tatabànya. Je me plaisais en Hongrie. J’y ai progressé mais le championnat n’était guère relevé. Je me sentais capable d’évoluer dans une compétition supérieure. J’ai failli être transféré en Turquie mais je me suis retrouvé à Debrecen. Nous avons raté le titre de peu mais nous avons remporté la Coupe face au MTK Budapest. J’ai inscrit vingt buts, toutes compétitions confondues. Fribourg s’est intéressé à moi à l’issue du premier tour mais Debrecen ne m’a pas laissé partir. Durant l’intersaison, j’ai signé au MSV Duisburg. « 

Naissance de la polyvalence en Allemagne

 » Nous avons découvert Dorge lors d’un match de préparation à Duisburg « , commente Luc Devroe, le manager sportif du Club.  » Le club venait de l’acheter. Salou Ibrahim y était et nous nous sommes demandés qui il allait écarter de l’équipe. Sachant quel contrat Manasseh Ishiaku avait signé un an auparavant, nous n’imaginions pas pouvoir l’enrôler. Ce qui représente un salaire colossal pour nous n’est rien en Bundesliga. Sandro Wagner, un autre avant de Duisburg, nous intéressait aussi. Tous deux sont grands mais évoluent dans des registres différents. Wagner court davantage, Kouemanha est plus costaud. Nous avons fini par demander leur prix, sachant que Duisburg avait besoin de liquidités. Wagner a refusé. Il est en fin de contrat et il vise la Bundesliga.  »

Kouemaha :  » J’ai signé à Duisburg pour me montrer. Après quatre matches en 2e Bundesliga, j’ai été convoqué en équipe nationale. Je suis entré au jeu contre l’Afrique du Sud et la Guinée, j’ai fait banquette contre l’Ile Maurice et le Togo. Il faut émarger à l’élite européenne pour être titulaire dans les grandes nations africaines comme le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Nigeria et le Ghana. Duisburg a raté son départ puis a remonté le classement mais trop tard pour être promu. Le niveau était supérieur à celui de la Hongrie et j’ai livré une bonne saison, marquant 14 buts. Au début, j’étais seul en pointe, soutenu par un médian offensif puis nous avons opté pour deux attaquants. Cela m’indiffère car je m’adapte. Je peux également jouer en décrochage. Je préfère bouger qu’attendre le ballon pendant dix minutes. L’Allemagne m’a appris ce que signifie être professionnel. Duisburg est empreint de rage de vaincre. Le Club Bruges recèle plus de qualités techniques mais il peinera toujours contre le MSV. Remporter les duels constitue souvent la clef de la victoire.  »

Un attaquant directement redoutable en Belgique

 » Il est d’un naturel aimable « , confie Peter Balette, l’entraîneur adjoint du Club.  » Dorge a soif d’apprendre, il est travailleur et bien intégré. Il a atteint un bon niveau en peu de temps de jeu. Il a de l’assurance et ne redoute pas la concurrence. Athlétique, il se déplace beaucoup et se place bien. Son jeu de position est une de ses principales qualités. Il est impliqué dans de nombreuses occasions de but. En perte de balle, il opère bien la transition. Ses coéquipiers confirment qu’il est un attaquant redoutable.  »

Kouemaha :  » Je travaille d’arrache-pied. Ma puissance est innée et je dois mon placement à la maturité que j’ai acquise. J’étais défenseur au Cameroun : intercepter le ballon n’est donc pas difficile. J’ai opté pour Bruges parce qu’il émarge au top trois belge et joue en coupe d’Europe. Je veux me montrer et intégrer l’équipe nationale en prévision de la Coupe d’Afrique et du Mondial 2010. Je ne suis pas encore satisfait de mon rendement. C’est la première fois que je ne suis pas immédiatement titulaire et ça doit changer. Mais qui sait de quoi l’avenir sera fait ? Peut-être serai-je parti dans six mois, peut-être honorerai-je mon contrat de trois ans… « 

par christian vandenabeele – photos: reporters

Je sais me placer : j’étais défenseur au Cameroun.

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