Driessens, le Goethals du cyclisme

La Diablemania fait penser au bonheur national né sur les terrains du Mondial mexicain de 1986 mais encore plus à la fierté qui s’empara de la Belgique le 20 juillet 1969. Ce jour-là, Eddy Merckx remporta le Tour de France avec 17′ 54 » d’avance sur Roger Pingeon. Le Cannibale avait surclassé la Grande Boucle comme personne ne l’avait fait, survola l’étape du Ballon d’Alsace et celle qui menait de Luchon à Mourenx, dans les Pyrénées, pour s’offrir tous les maillots à Paris, surtout le jaune que tout un pays attendait depuis le dernier succès d’un des siens en… 1939, Sylvère Maes. L’équipe Faema était dirigée par Guillaume Driessens. Même si ses relations avec Eddy Merckx ne furent jamais optimales, Driessens était un Directeur sportif hors-normes, haut en couleurs, volubile, rusé, vif, omniprésent auprès de ses champions et dans les médias.

Il reste le plus grand directeur sportif de tous les temps et travailla avec les plus grands champions de 1953 à 1984 : Fausto Coppi, Rik Van Looy, EddyMerckx, Freddy Maertens, etc… Au soir de sa vie, peu économe, il se retrouva quasiment sans le sou. Je le rencontrais régulièrement à Longeau (près d’Athus), chez Gilbert Letêcheur du Vélo Club des 3 Frontières. En 1993, Letêcheur imagina un projet pour lui venir en aide financièrement : publier ses Mémoires en espérant qu’une chaîne de télévision emboîte le pas, ce que Mark Stassijns de la VRT fit. Stassijns consacra une superbe émission à la longue carrière de Driessens et tout se termina au stade Constant Vanden Stock lors d’un dîner de gala fréquenté par une incroyable collection de légendes du cyclisme belge.

Pour coucher ses Mémoires (Mes champions d’alors. Editions Journal des 3 Frontières) sur papier, je m’étais rendu chez lui tous les soirs ou presque durant trois mois. Pour un journaliste, ce sont des moments exceptionnels. Le scénario était immuable : le Raymond Goethals du cyclisme m’offrait une bière avant de me parler avec une précision incroyable de ses champions, de leurs succès, d’anecdotes, des joies et des drames du cyclisme belge. Un trésor de 150 photos historiques appuya ses propos. Au fil de ces documents, on le retrouva au Tour 69, dans la roue d’Eddy Merckx, épaté lors du solo du plus grand champion cycliste de tous les temps dans les Pyrénées.

Guillaume, dit Lomme, Eddy, Letêcheur et Johan Boskamp (photo) en parlèrent lors de la présentation du livre. Lomme est décédé le 15 juin 2006 (à 94 ans). S’il devait revenir dans le peloton, Driessens s’énerverait en ne voyant qu’une poignée de coureurs belges sur les routes du Tour de France. En 1969, ils étaient 38 plus… Driessens, bien sûr.

PAR PIERRE BILIC

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