Dribbler, boire et mourir

Bernard Jeunejean

On peut être à la fois un sacré fêtard et un sacré trouble-fête, la preuve par George Best : au moment même où c’est une grande joie de voir le 50e Ballon d’Or de FranceFootball attribué à Ronaldinho, voilà que le plus grand dribbleur à rouflaquettes qu’ait connu le monde du foot s’arrange pour saper bien des moraux (un moral, des moraux !), en devenant le quatrième Ballon d’Or mort. Quinze ans après le gardien Lev Yachine, mort presque au même âge en ayant sans doute beaucoup moins bu. Trois ans après Stanley Matthews, mort beaucoup plus vieux en ayant certainement beaucoup moins bu. Et neuf mois à peine après Omar Sivori, mort à 69 ans, qui aimait lui aussi selon ses biographes combiner dribblings et javas. Deux enterrés contre un couronné, sale année pour les grands dribbleurs…

Et pour ceux qui adulèrent Best, lequel portait bien son nom. Pas celui de 5e Beatle comme l’ont bêtement appelé certains, alors que ses longs tifs n’étaient vraiment pas de Liverpool ! Mais il était le meilleur dans son genre, unique parce que triple : il était The best pour les dribbles fous, les filles blondes et les bières brunes ! Georgie fut – sept ou huit ans seulement, car le vrai footballeur, le Mancunien, a disparu dès 1974 – un prototype miraculeux pour les ados footeux d’alors, tout à la fois jouant comme un dieu, tombant les gonzesses et guindaillant hard,… trois activités clamées incompatibles, solennellement, par tous les entraîneurs de jeunes d’alors s’ils étaient consciencieux !

Certes, un miracle n’est pas un modèle, l’alcoolisme est une saloperie, et Best a ramassé la fin prématurée qu’il méritait : on a écrit qu’il s’était éteint  » après un long combat contre l’alcool « ,… je crois qu’il a existé dans l’histoire de l’humanité d’autres combats que le sien qui furent plus combatifs !

Mais George Best est mort et c’est vraiment très con. Best, qui claqua pour toujours et en pleurant la porte de United en 1974, parce que ses beuveries lui avaient valu la punition du banc. Best, dont la première femme déjà mettait des somnifères dans son café pour l’empêcher de sortir. Best, qui a loupé le mythe parfait, ne réussissant pas comme Jim Morrison à mourir jeune et d’overdose. Best, dont le dernier exploit imbécile est d’avoir réussi à ce que son vieux père de 87 ans soit encore vivant pour l’assister dans ses derniers instants. Best, qui me foutrait la trouille de n’avoir plus que peu de temps à vivre si j’avais bu autant que lui. Best, dont les footeux de moins de 30 ans, et j’en suis ahuri, découvrent quasi le nom en apprenant la mort. Best enfin, dont fort peu d’images demeurent de ses 180 buts pour M.U., de ses dribbles saccadés, de son inspiration n’excluant pas la hargne : cette carence en bandes magnétiques, est-ce mieux ou moins bien pour que le souvenir soit extraordinaire ?

Rideau, je remballe mon mouchoir dans mon jeans en pattes d’éph, chapitre suivant : comme dribbleur, Ronaldinho n’est pas mal non plus ! En plus, au lieu de boire tout le temps, il rit tout le temps : il rit même quand il ne marque pas, au beau milieu d’une époque où pas mal de ses congénères tirent la gueule quand ils marquent ! Ronaldinho, et c’est peu courant, est un dribbleur souvent décisif : le contraire d’un beau joueur  » qui perd tous ses ballons  » ! Son seul petit blème, c’est cette couillonnade de chaussures avec des carats d’or, ou encore les photos de sa villa de dieu barcelonais qui circulent sur le Net : ça pue le fric au moins autant que Georgie puait parfois la gnôle,… mais ici encore, c’est sans doute l’époque ! A remarquer aussi, Ronaldinho l’emporte sans avoir été en 2005, ni vainqueur, ni finaliste d’aucune compétition européenne ou mondiale,… ce qui n’est pas courant : repassez les 50 vainqueurs en revue ! Mais le petit écran refile désormais chaque semaine tous les gestes importants de tous les grands championnats, Ronaldinho est le 50e Ballon d’Or d’une ère plus télévisuelle que jamais.

N’empêche que j’aurais voté pour Paolo Maldini : tant tous ces trophées annuels récompensent trop les exploits, et trop peu les carrières ! Las, à mon avis, pour que Maldini l’emporte, il faudrait qu’il retourne en équipe nationale (ce qu’il a déjà refusé à deux reprises) et que la Squadra remporte le Mondial, et encore : sans qu’un joueur d’attaque s’y révèle superstar ! 2006 et 2010, ça laisse donc encore deux chances à Paolo. Hein ? En 2010, Maldini aura 42 ans ? Et alors ? Stanley Matthews a remporté le Ballon d’Or à 40 ans, et il jouait devant !

bernard jeunejean

POUR LE BALLON D’OR, J’AURAIS VOTÉ MALDINI !

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire