Douze ans d’intérim

Mons est en demi-finale des playoffs et son président est un homme heureux.

Avec sa bonne bouille et son caractère jovial, Guy Lheureux fait partie de ces personnages incontournables du basket belge. Comme tant d’autres, il est entré dans une salle un peu par hasard et s’est fait piquer par le virus. Aujourd’hui, en plus d’être le président de l’Union Mons-Hainaut, il est également le vice-président de la Ligue.

« Avant 1988, je ne m’étais jamais intéressé au basket. Lorsque le club de Quaregnon est monté en D2, les dirigeants sont venus me trouver afin d’obtenir un sponsoring des Meubles Saint-Joseph, dont j’étais le patron. J’ai assisté à mes premiers matches de basket par obligation, et pour tout avouer, cela m’ennuyait. Je suis assez casanier… ou plutôt je l’étais, car aujourd’hui, mon épouse me reproche de ne plus savoir rester à la maison. Lorsque l’ancien président a démissionné, le fauteuil m’a été offert comme cela se fait souvent avec un sponsor principal. J’ai accepté du bout des lèvres, à titre… intérimaire. Douze ans plus tard, l’intérim se prolonge toujours. Je crois qu’après Rudolf Vanmoerkerke d’Ostende et Freddy Dewulf d’Ypres, je suis désormais le plus ancien président de D1. Je suis entré dans le comité en même temps que le manager Thierry Wilquin, qui est devenu l’âme du club. La vénérable salle de Quaregnon a vécu des moments mémorables. Nous sommes montés en D1, mais en sommes redescendus tout aussi vite en n’ayant conquis que deux succès sur toute la saison. Cela n’a en rien altéré l’enthousiasme du public. Plus nous perdions, plus il venait nombreux. Chaque match se disputait à bureaux fermés. Il faut préciser que l’on ne pouvait pas accueillir plus de 600 ou 700 spectateurs. Parmi les deux succès conquis cette saison-là, il y en a eu un face à Pepinster lors d’un match qui avait fait l’objet d’une retransmission en direct à la télévision. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Léon Wandel. Il était le consultant de la RTBF et avait été séduit par l’ambiance.

On a organisé un Belgique-Hollande de légende dans notre salle microscopique, en y installant un parquet en toute hâte. Le kop de Quaregnon s’est associé à l’équipe nationale. Il a accompagné les Belgian Lions au Championnat d’Europe 1993 à Berlin et avait déjà joué le rôle de 6e homme lors de la qualification à Ostrava. Le retour de Tchécoslovaquie avait été mémorable.

Léon Wandel et moi étions devenus de véritables amis. Aujourd’hui, nous n’avons plus beaucoup de contacts depuis qu’il nous a glissé Malaga comme adversaire au tour préliminaire de la Coupe Korac, cette saison. J’ose croire que ce n’était qu’un… hasard. Bref, après cette première saison parmi l’élite marquée par l’inexpérience et trop de sentimentalisme, nous étions tellement déçus de redescendre que j’ai clamé: -Nous reviendrons! C’était un excès de vanité, mais j’ai tenu parole et je crois que, depuis lors, le club s’est bien stabilisé parmi l’élite. Avec, cela va de soi, l’appui d’autres sponsors. Notre cellule sponsoring est devenue très performante grâce à Jean-François Escarmelle, le directeur de l’Intercommunale de Développement Economique ».

Pour progresser, il a aussi fallu émigrer aux Halles de Jemappes. Cela reste un déchirement. « Au même titre que ma présidence, le déménagement ne devait être que transitoire. La commune de Quaregnon nous avait en effet promis la construction d’une nouvelle salle. Cette salle a bien vu le jour, mais elle a été bâtie sans nous consulter et ne correspond pas du tout à ce que nous en attendions ». Elle a pourtant accueilli un match international Belgique-Suisse et un Championnat d’Europe Cadets. Alors, que lui reproche-t-on? « Elle est trop petite et, surtout, ne possède aucun espace VIP. Même dans un club populaire, les sponsors jouent un rôle primordial dans le basket actuel et ils ont droit à certains égards. On nous a bien suggéré une solution, en nous proposant un local en face de la salle pour les accueillir. C’était la maison du… fossoyeur. Soyons sérieux! »

La nouvelle salle de Quaregnon est désormais occupée par l’UBC Flénu-Quaregnon en D3. L’Union Mons-Hainaut, quant à elle, poursuit son exode transitoire aux Halles de Jemappes. « Elles sont vétustes et nous éprouvons parfois une certaine gêne lorsque nous devons y accueillir des clubs espagnols ou grecs en Coupe d’Europe.

Un projet de construction d’une nouvelle salle existe à Mons, mais quand verra-t-elle le jour? Elio Di Rupo n’est pas du genre à dépenser de l’argent qu’il n’a pas en caisse et je peux le comprendre. En attendant, on pourrait peut-être trouver une solution à moindres frais en rafraîchissant les Halles de Jemappes.

J’ai déjà envisagé l’hypothèse où nous terminerions deuxièmes et serions qualifiés pour l’Euroligue. Où devrions-nous jouer? A Charleroi? Il n’y aura plus de salle à Charleroi la saison prochaine, puisque la Coupole sera en travaux. En outre, je vois mal nos supporters élire domicile dans l’antre du rival régional ».

Déjà que le déménagement de deux kilomètres vers Jemappes a été mal perçu. « Nous avons perdu des supporters, qui estiment que le club a perdu son identité. Des dissidents ont créé l’Union Boraine, qui accueille parfois plusieurs centaines de spectateurs en Provinciale. C’est plus l’émanation d’un groupe d’anciens nostalgiques que la conséquence d’une véritable frustration. Quand on claque la porte, on le fait généralement sur-le-champ et pas six ans plus tard. Et s’il est vrai que nous n’avons joué à guichets fermés qu’à une seule reprise cette saison (contre Charleroi), c’est surtout dû à la crise économique qui frappe la région ».

En émigrant vers Jemappes, le club a quitté le Borinage au profit de la région montoise, mais on continue à parler des Borains et de Quaregnon. « L’appellation Mons-Hainaut a déçu des gens. Parfois, la raison doit l’emporter sur le coeur. Un village comme Quaregnon n’était pas de nature à attirer des sponsors. Mons, c’est déjà différent. La Ville de Mons nous octroye un subside de 2,5 millions et la Province du Hainaut également. D’où l’appellation ».

Sportivement, le club a réussi sa reconversion. Il est devenu une valeur sûre de la D1 et a réussi cette saison à rajeunir l’effectif tout en maintenant sa courbe de résultats.

« Tout le mérite en revient à Yves Defraigne. Contrairement à la plupart des autres coaches, il n’a pas cédé à la tentation d’enrôler des joueurs européens ou de l’Est. Il a osé miser sur quatre jeunes. Quatre jeunes Flamands, reprochent les mauvaises langues! Ce n’est pas notre faute si les talents ne poussent pas en abondance dans la région. Je n’en vois qu’un taillé dans le bon moule: Sébastien Vermeulen. Ses parents lui ont inculqué les notions de courage et de sacrifice. Les Flamands sont dans l’ensemble plus sérieux et leurs clubs ont déjà mis toute une organisation en place. La saison prochaine, plusieurs de nos jeunes seront d’ailleurs placés à De Pinte en D3 et pourront grossir le banc à Mons en vertu de la nouvelle règle de la double affiliation. Si certains supporters nous boudent parce qu’il y a trop d’Américains ou trop de Flamands, c’est qu’ils ont vraiment un petit esprit. Il y a toujours eu des Flamands à Quaregnon. En majorité anversois dans le passé, en majorité gantois aujourd’hui. Yves Defraigne ne s’est pas trompé. Meindert Verstraete a réalisé des matches étonnants en quart de finale des playoffs et Kenneth Desloovere nous a rendus de louables services. D’aucuns avaient crié au fou lorsque j’avais confié les rênes de l’équipe à Yves Defraigne voici deux ans, alors qu’il venait d’interrompre sa carrière de joueur et qu’il n’avait aucune expérience d’entraîneur. J’avais déjà vu sur le terrain qu’il était taillé pour ce job. Il lit bien le jeu, est un meneur d’hommes et est sérieux. Actuellement, je ne vois pas beaucoup d’autres candidats que lui au titre de Coach de l’Année. Avec tout le respect que je dois à nos coaches précédents, comme André Barbieux, Michel Voituron ou Julien Marnegrave, il a quelque chose en plus. La manière dont il a réussi, après la débâcle contre Ostende lors du dernier match de championnat, à remonter le moral des troupes pour aller signer une prestation étincelante à Ypres en quart de finale des playoffs trois jours plus tard, est digne d’éloges ».

En qualité de vice-président, Guy Lheureux est aussi le représentant de la Ligue auprès de l’équipe nationale. « Lorsqu’il a fallu nommer un successeur à Tony Van Den Bosch, Cyrille Coomans a pris le pouls de toutes les parties… avant de décider seul que le coach anversois se succèderait à lui-même! Finalement, c’est peut-être mieux ainsi. Personnellement, cela ne me dérange pas qu’un coach de D1 soit à la tête des Belgian Lions… à condition que ce ne soit pas le mien! Lorsque Julien Marnegrave était assistant-coach des Lions, il se dispersait et le rendement de l’équipe se ressentait ».

Daniel Devos

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire