Doutes héréditaires

Après un début de saison raté, Super Mario espère que Telekom le sélectionnera pour le Tour.

Mario Aerts a obtenu la plus belle victoire de sa carrière à la Flèche Wallonne, l’année dernière. Il avait aussi terminé deux fois deuxième d’une étape de montagne au Tour, se classant deuxième au classement de la montagne. On relève aussi une neuvième place à Paris-Nice, une huitième au Critérium International et une cinquième au Tour du Pays Basque. Après le Tour, il a même été premier Belge, à la 17e place, au classement de l’UCI.

Sa classe l’a alors conduit chez Telekom, une des plus grandes équipes du monde mais il semble qu’il en faille encore plus pour qu’à 28 ans, Mario Aerts gagne enfin en assurance et ne se contente plus d’accessits. Cette saison, sa préparation a été perturbée. Il a raté son printemps. Ces semaines, avec la Bicicleta Vasca (4-8 juin) et le Tour de Catalogne (16-22 juin), peuvent lui permettre d’obtenir une place dans ce qui devrait être le bloc le plus solide du Tour.

Vous roulez pour ce que vous appelez le Real Madrid du cyclisme. C’est différent de Lotto ?

Mario Aerts : Tout est parfaitement réglé. Il y a toujours quelqu’un pour vous aider, au moindre problème. Je ne dois penser qu’aux courses alors que chez Lotto, j’avais d’autres soucis, comme l’équipement ou le programme. Telekom a bien plus d’aura mondiale. L’équipe est cosmopolite. Au début, ce n’était pas facile. Je comprends l’allemand mais je le parle mal. Les quatre Italiens faisaient bande à part et les anglophones, Cadel Evans et Bobby Julich, étaient respectivement en Australie et en Amérique lors de la rencontre de novembre. Autre différence : chez Lotto, il n’y avait pas de week-end pour faire connaissance, avec les femmes. Peu d’équipes organisent ça, je pense.

Vous avez déclaré que tout était plus sévère aussi…

Les grands patrons ont été déçus de la saison passée et il a donc fallu travailler sérieusement car un second faux-pas était interdit, surtout après le départ d’Ullrich. L’équipe a accompli un pas dans la bonne direction au printemps. Nous sommes revenus dans le top-quatre de l’UCI. La pression sera forte jusqu’à la fin du Tour.

Pourquoi avoir choisi Telekom après cinq ans chez Lotto alors que vous en aviez eu l’opportunité avant ?

Walter Godefroot me l’a proposé il y a trois ans mais la direction de la Loterie Nationale voulait à tout prix me garder et j’ai décidé de rester. Je me sentais trop jeune pour rejoindre une équipe d’un tel niveau. Avant la saison passée, j’ai eu envie d’aller voir ailleurs mais mes contacts avec Rabobank et Telekom n’ont pas abouti. Walter m’a dit qu’il aurait une plus grande marge budgétaire un an plus tard. Je me suis juré que ce serait ma dernière saison chez Lotto. Christophe Sercu ne voulait pas vraiment me garder. Il voulait Axel Merckx. Avec Rik Verbrugghe et moi en plus, il avait trop de coureurs identiques.

Mauvais entraînement ?

Le tandem Verbrugghe-Aerts fonctionnait bien, pourtant.

Nous nous partagions la pression et le travail. Je reste sur un mauvais printemps mais il n’aurait pas été meilleur avec Verbrugghe.

La stratégie de Telekom, s’entraîner plus et courir moins, n’a pas eu les effets escomptés pour vous.

Je serai frais et très fort si je peux participer au Tour. Jusqu’à présent, je n’ai pu profiter à fond des entraînements. J’ai passé une semaine au lit avant les fêtes de fin d’année et je suis revenu fiévreux d’un stage de deux semaines à Majorque. La présentation de l’équipe à Berlin m’a empêché de m’entraîner pendant trois jours et à Ténériffe, Paolo Savoldelli et moi avons été renversés par une moto. Il n’y a pas eu de ligne dans ma préparation. Je n’ai bien couru qu’à l’Amstel Gold Race et à Francfort. On dit qu’une saison se décide en hiver. Ça se vérifie.

Avant, je courais plus, en effet. Cette fois, en février, nous avons passé trois semaines en altitude, où on roule à 30 km/h, alors qu’en course, on se retrouve brusquement à 50. J’ai souffert. Le stage peut être bénéfique mais il faut aussi acquérir du rythme. Je voudrais commencer la saison prochaine plus tôt.

Vous aviez dit que les épreuves wallonnes seraient décisives pour votre sélection au Tour…

Si je m’y étais distingué, je serais assuré de ma participation alors que maintenant, elle dépendra de mes performances à la Bicicleta Vasca et en Catalogne. Je progresse. De retour à Ténériffe, peu avant le Tour de Belgique, je grimpais chaque montagne 20 à 30 minutes plus vite que la première fois. Je tenais aussi la comparaison avec Alexander Vinokourov et Cadel Evans, qui ne sont pas les premiers venus.

Ils sont des certitudes. La concurrence est terrible chez Telekom.

En plus, il y a Savoldelli, Santiago Botero, Erik Zabel et peut-être Matthias Kessler. Si Andreas Klöden progresse un peu, il peut dormir sur ses deux oreilles. Il reste donc deux places pour Bobby Julich, Giuseppe Guerini, Daniele Nardello, Gian-Matteo Fagnini, Rolf Aldag et moi-même.

Le cas échéant, quelles seront vos ambitions au Tour ?

Tout dépendra de la forme des leaders, Savoldelli et Botero. Je devrai sans doute travailler beaucoup pour l’équipe mais comme l’année dernière, je peux profiter d’une échappée.

Et le maillot à pois ?

Pour ça, il faut attaquer dès le premier col, comme Laurent Jalabert.

Si vous n’êtes pas repris ?

Ce serait dur mais je me focaliserais sur les classiques automnales et le Mondial.

Un petit moral

Vous en aurez besoin pour freiner votre chute libre au classement UCI û de la 43e place en janvier à la 250e.

Ce n’est pas marrant. Quelques bons résultats au Tour peuvent m’aider. Sinon, ce sera pour l’automne, quand beaucoup de coureurs sont fatigués.

Vous avez un petit moral. D’où vous viennent ces doutes perpétuels ?

Ça doit être héréditaire. C’est dans la famille et je ne m’en défais pas. Il y a deux ans, j’ai consulté un psychologue pendant près de trois mois. Ce n’est pas une mauvaise chose : ces gens vous aident à réfléchir autrement, ils vous ouvrent les yeux. L’AC Milan emploie un psychologue et en Amérique, c’est la chose la plus normale du monde. Quand vous écoutez Lance Armstrong, vous croyez entendre un psychologue. Je ne dis pas qu’il en consulte mais Armstrong dispose d’une assurance extraordinaire. Moi, j’ai arrêté car il me pompait mon argent. Je connais un autre coureur qui s’est adressé à la même personne û un coureur qui gagnait moins que moi û et pour les mêmes services, il payait la moitié du tarif qui m’était appliqué. Mais je consulterai un autre psychologue du sport si j’ai le sentiment de retomber dans mes vieux travers. Quand on court mal, on commence à douter à propos de tout et de rien. Quand ça va, personne n’a besoin d’un psychologue.

Votre style de course est aussi très calculateur.

Chez les jeunes et durant mes premières années professionnelles chez Vlaanderen, j’aimais attaquer. A mon arrivée chez Lotto, j’ai reçu des consignes d’Andrei Tchmil : – Tu ne peux plus attaquer, seulement suivre le mouvement. J’ai développé cette habitude et j’ai commencé à raisonner ainsi : il ne faut pas gaspiller son énergie trop tôt. Mais quand je me sens vraiment bien, je lance régulièrement l’échappée décisive même si attaquer pour le seul plaisir d’être remarqué ne me dit rien. L’année dernière, j’ai réalisé une belle offensive au Tour de Belgique. Je n’étais pas en jambes et à la fin de l’étape, j’ai perdu 20 secondes et pas mal de places au classement.

Vous aviez également la réputation de vous reposer sur vos lauriers chez Lotto l’année dernière.

Je m’entraînais convenablement, mais je ne suivais pas à la lettre le programme de l’entraîneur. Certains journalistes en ont déduit que je manquais de caractère mais ceux qui me connaissent savent que je suis plutôt une bête d’entraînement. Mais en course je donne rarement l’impression d’aller à fond, déjà parce que je ne me courbe pas sur mon guidon comme quelqu’un à l’agonie. Quand je revois les images, je me dis que j’aurais pu faire mieux mais le taux de lactate et les tests cardiologiques démontrent que j’ai été dans le rouge.

Roel Van den Broeck

 » J’ai l’air facile, mais le taux de lactate et les tests cardios démontrent que j’étais dans le rouge  »

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