Doublé réaliste?

Après avoir remporté la CAN, l’attaquant pense que le Cameroun peut gagner la Coupe du Monde.

Mais Mboma aurait pris ses distances avec ce duo si, en quarts de finale, il ne s’était pas malencontreusement blessé, devant faire l’impasse sur les deux derniers matches.

Patrick Mboma: Ce titre de meilleur buteur à égalité constitue une énorme satisfaction pour moi, mais le plus important est que le Cameroun soit parvenu à conserver son rang de numéro 1 en Afrique. La CAN 2000, les JO, la CAN 2002: les Lions Indomptables sont incontestablement les meilleurs du continent.

Avant les Lions Indomptables, deux sélections seulement avaient réussi, par le passé, à prolonger leur titre à la CAN: l’Egypte en 1957 et 59 et le Ghana en 1963 et 65. Le Cameroun sera-t-il le premier à réaliser la passe de trois?

Je ne voudrais pas minimiser les mérites des Pharaons et des Black Stars qui ont tous deux marqué leur époque aussi. Mais les Lions Indomptables, c’est une toute autre dimension. Il ne faut quand même pas oublier que le Cameroun a été sacré équipe africaine du 20e siècle. Aucune autre formation ne peut s’enorgueillir de son palmarès: quatre victoires à la CAN depuis 1984, et la consécration aux Jeux Olympiques de Sydney. Depuis, nous avons encore progressé. Des garçons comme Pierre Wome, Geremi, Samuel Eto’o, Lauren Etame Mayer, Boukar Alioum, Rigobert Song, Raymond Kalla, Marc-Vivien Foe, voire Salomon Olembe étaient déjà là en 2000. Et ils seront toujours là dans deux ans. Nous devrions être encore beaucoup plus soudés…

Prolongations

En attendant cette 24e CAN, le Cameroun ira à la Coupe du Monde. Que faut-il y attendre des Lions Indomptables?

Le Cameroun avait été la toute première équipe africaine à accéder aux quarts de finale en 1990. La bande à Roger Milla ne s’était inclinée contre l’Angleterre qu’après prolongations. Notre désir à tous est de faire mieux encore que cette génération-là, articulée autour des Thomas N’Kono, Jean-Claude Pagal, François Omam-Byick et Jules Onana. Pourquoi le cacher, nous songeons à un exploit.

Le Nigeria en 1996 et le Cameroun en 2000 ont été médailles d’or aux Jeux Olympiques. Aux Championnats du Monde des -17 ans, l’Egypte s’est imposée en 1997 et le Nigeria l’a imitée chez les -20 ans en 1999. Jusqu’à présent, il n’y a donc qu’en Coupe du Monde que l’Afrique n’a jamais réalisé de résultats probants.

Si l’Afrique a souvent dominé les épreuves de jeunes ces dernières années, c’est pour trois raisons. Tout d’abord, contrairement à ce qui se passe en Europe, en Amérique ou en Océanie, il n’y a pas 36 solutions pour les gamins sur notre continent: c’est le football ou rien, dans la mesure où ils n’ont pas la possibilité de jouer au tennis ou au golf et encore moins de s’amuser avec une PlayStation. Secundo, l’Africain arrive plus vite à maturité au plan physique. De surcroît, quand on sait que l’âge est parfois trafiqué, il ne faut pas s’étonner d’une domination africaine au niveau des jeunes.

En ce qui concerne les JO, c’est une autre histoire. Contrairement aux pays européens, qui snobent ce tournoi, l’Afrique a toujours mis un point d’honneur à se présenter avec ses meilleurs éléments. C’est pourquoi les deux dernières éditions ont vu une victoire d’une nation africaine à cet échelon. Si, jusqu’ici, tout a toujours coincé à la Coupe du Monde, c’est tout simplement parce que les meilleurs se retrouvent à ce niveau et ont toujours mieux su gérer que nous leur présence à ce stade de la compétition. Ce n’est pas un hasard si le Cameroun a succombé dans les extra-times face à l’Angleterre, en 1990, et que le même sort a été réservé au Nigeria, en huitièmes de finale, contre l’Italie en 1994. Depuis, nous avons beaucoup appris. Et quelque chose me dit que cette mésaventure ne surviendra plus.

Vous songez à un exploit, dites-vous. Quel exploit?

Au risque de passer pour un doux rêveur, j’ai la conviction que le Cameroun peut gagner la Coupe du Monde. D’un point de vue technique, physique et tactique, nous n’avons vraiment rien à envier aux meilleurs. Mentalement, j’ai même le sentiment que nous serons mieux armés que la plupart des autres équipes. De fait, notre principal atout ou allié, au Japon et en Corée, pourrait bel et bien être le dépaysement. C’est la première fois qu’une épreuve de cette envergure sera organisée sur un autre continent que l’Europe et l’Amérique, ce qui m’incite à penser que pas mal de joueurs seront en proie au spleen dans un environnement tout à fait inhabituel. Je ne crois pas que les Lions Indomptables souffriront de la même manière. Ces dernières années, nous avons prouvé que nous étions parfaitement capables de nous adapter partout. Ce sera notre chance. D’autant plus que nous avons déjà été vernis par le tirage avec l’Allemagne, l’Irlande et l’Arabie Saoudite. Ce serait une honte de ne pas viser haut. J’ai eu la chance de réaliser le doublé CAN-JO en 2000. Je ne cache pas que j’en vise un autre cette année.

Atypique

Vous ne serez pas totalement dépaysé au Japon puisqu’après avoir évolué au PSG vous avez défendu les intérêts du Gamba Osaka en 1997 et 98. Puis vous avez joué à Cagliari, Parme et Sunderland…

La plupart des pros terminent leur carrière au Japon, alors que pour moi la J-League m’aura servi de tremplin. En réalité, mon horizon était bouché en France, au beau milieu des années 90. Après avoir été prêté au FC Metz en 1995-96, j’espérais avoir enfin ma chance au Parc des Princes l’année suivante. Mais il m’avait fallu déchanter car Dely Valdes et Patrice Loko avaient les faveurs de Ricardo. En cours de saison, j’ai agrippé la perche que m’avait tendue le Gamba Osaka. Et ce fut un coup dans le mille car en l’espace de 28 matches là-bas, j’ai inscrit 25 buts. Ce joli total m’a valu l’intérêt de Cagliari, pour lequel j’ai scoré à 22 reprises en 46 matches. Dont trois fois contre Parme, ce qui m’a valu de taper dans l’oeil de ses recruteurs. La suite, on la connaît.

A 31 ans, vous êtes au crépuscule de votre carrière. Des regrets?

Je trouve dommage de ne pas avoir rallié le Calcio trois années plus tôt. Dans ce cas, je crois que j’aurais pu laisser une trace comparable à celle de mon modèle, George Weah. Ceci dit, je lui serai toujours reconnaissant d’avoir montré la voie à suivre aux Africains. Sans lui, je ne pense pas que des leaders d’attaque comme le Sierra-Leonais Mohamed Kallon ou moi-même aurions eu un jour la possibilité de nous exprimer en Italie.

Vous jouez avec le numéro 10 chez les Lions Indomptables alors que vous êtes un numéro 9. Est-ce vrai que vous avez toujours refusé de porter ce numéro par hommage envers Roger Milla?

Tout à fait. Il n’y a eu et il n’y aura jamais qu’un seul Roger Milla, couronné à juste titre footballeur africain du 20e siècle. A l’image de ce qu’a fait l’Argentine, en supprimant le 10 de Maradona, ou l’AC Milan, en n’attribuant plus le 6 de Franco Baresi, je trouve que la fédé camerounaise serait bien inspirée en abandonnant une fois pour toutes ce numéro. Pour mon compère Samuel Eto’o, il doit être très lourd à porter en tout cas.

Bruno Govers,, envoyé spécial au Mali,

« Le dépaysement sera notre plus précieux allié »

« J’ai refusé le numéro 9 par hommage envers Roger Milla »

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