Dortmund, à consommer sans modération

Joueur : 6 clubs, 3 pays, 400 matches (1 bon), 2 buts en Coupe d’Europe. Batteur : 3 groupes, 130 concerts (1 sold out).

H umphrey Bogart aimait dire, à propos des cigarettes qu’elles étaient des  » coffin’s nails « , des clous de cercueils. Du côté de Dortmund, un clou de cercueil, c’est par exemple une élimination au troisième tour qualificatif de la CL. Coût du fiasco : 15 millions d’euros. Nous sommes en 2003 et c’est le Club Bruges qui plante le clou. Les ennuis commencent. L’année suivante, pire encore : 1er tour Intertoto, c’est le RC Genk qui l’enfonce. Les Belges montrent le chemin de la morgue. Le corbillard jaune et noir s’arrêtera sur le trottoir mais ne franchira jamais la porte.

Il reste de la vie dans le vestiaire, il reste de l’espoir car les hommes qui le composent sont Dortmundiens à la vie, à l’agonie. Le club est exsangue mais le vestiaire exemplaire. A commencer par le coach Matthias Sammer. Il annonce qu’il réduit son salaire de 20 %. Le lendemain, tous les joueurs en font de même. Génial mais pas suffisant.

En 2005, le club est sous perfusion. Mais miracle il y a. Le foot bizness retourne à la messe et c’est l’illumination. Les sponsors acceptent de payer tout de suite ce qu’ils devaient payer en 5 ans, les créanciers font l’inverse. Les clous de cercueils deviennent les clous de la réussite.

Depuis 10 jours, le classieux Bogart et ses fameuses clopes n’ont plus la cote car maintenant, à Dortmund, clope se prononce Klopp – comme Jurgen – et c’est plutôt synonyme de bonne santé. Fumée blanche, dents blanches, carte blanche pour celui qui fait un tabac dans la Ruhr. En trois saisons, c’est bingo. Bravo Klopp mais le vrai héros c’est Michael Zorc et ses 463 matches sous le maillot. Nommé directeur sportif, il connait la maison, il connaît la Ruhr. Pas question de tricher. En 2005, il annonce :  » N’attendez rien avant cinq ans. En 2010, nous pourrons de nouveau être ambitieux. Pas avant.  » Une franchise en forme de clairvoyance. Un timing parfait pour un travail qui frise la perfection. Dans un monde où la patience se limite au week-end suivant, les supporters ont attendu quasi une décennie. Depuis ce fameux titre de 2002. A ce moment, tout allait bien mais déjà on était malin et audacieux.

Le coach de l’époque, Sammer, avait 33 ans : plus jeune coach de l’histoire de la Bundesliga. Prémonitoire car le Borussia 2011, c’est aussi et surtout de la jeunesse. 23 ans de moyenne d’âge. Cinq ans sans moyen et tout le monde s’élève au-dessus de la moyenne. Durant cette période aucun transfert n’a dépassé cinq millions d’euros. On fait dans le risque bien calculé. Dans la qualité devenue précoce par la grâce de l’audace et de la compétence.

C’est tout sauf un hasard, car cela ne date pas d’hier. Le 6 août 2005, Nuri Sahin devient le plus jeune joueur de l’histoire de la Bundesliga. Il a 16 ans et 335 jours. Quelques mois plus tard, il en devient le plus jeune buteur à 17 ans et 81 jours. Le deuxième se nomme Lars Ricken, le troisième Ibrahim Tanko. Eux aussi portaient le maillot jaune… Le noyau possède 13 internationaux dont huit ont été formés au club. Parmi eux, cinq Espoirs élevés à la tétine jaune. Ce n’est pas près de s’arrêter. Surtout quand on possède un tel public. Pendant la crise, ils étaient 77.000 tous les 15 jours dans la Cathédrale où le foot est religion. Cette saison, 1.250.000 paroissiens ont déjà rempli le lieu de culte.

Pour ouvrir la messe, toujours le même You’ll never walk alone. On ne peut pas mieux résumer. 79.000 de moyenne. Seul le Barça fait mieux en Europe. Dans les chiffres, car dans le soutien y a pas photo. La tribune Sud est la plus grande d’Europe. 25.000 personnes dans ce qu’on appelle le Mur jaune. Du solide, du très solide. Ce stade a été vendu en 2005 ; ses briques mais pas son âme.

Le club s’appelle Borussia car c’était le nom de la bière que les fondateurs buvaient au bistrot du coin. Un club qui porte le nom d’une bière est définitivement immortel. A votre longue et belle santé. Dortmund est à consommer sans modération.

PAR FRÉDÉRIC WASEIGE JOURNALISTE BE/TV

 » Un pays n’existe pas s’il ne possède pas sa bière. Eventuellement, c’est bien s’il possède également une équipe de football et l’arme nucléaire mais ce qui compte surtout c’est la bière.  » Frank Zappa 79.000 spectateurs de moyenne. Seul le Barça fait mieux en Europe !

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