Dopage et prothèses…

Qui sait si Sarko, brillant en campagne quand il causa pour être élu par les Français, n’a pas été plus brillant que nature parce qu’il prenait à chaque étape un petit quelque chose, une petite amphé, ou un décontractant, ou n’importe quel bazar décrété illicite quand on l’ingurgite avant de pédaler ? Inversement, qui sait si Ségo, sûrement pas shootée tant elle était molle et litanique lorsqu’elle causait, ne se serait pas avérée tribun fantastique et convaincant (1) si elle avait recouru à des substances sportivement interdites, mais performantes ? Qui sait donc si la France n’a pas basculé juste à droite plutôt que juste à gauche pour une simple petite question de dopage en pleine compète ?

Mais tout le monde s’en fout, la politique a beau être une compétition comme des tas d’autres trucs (le festival de Cannes, la Bourse, la Starac, la guerre, les Nobel, le concours Reine Elisabeth, l’école, la dent d’Akéla, la lutte pour l’audimat, Miss Univers…), la politique et tous ces autres trucs ne sont pas du sport : le sport est la seule compétition où le dopage est stigmatisé, voire puni si possible. Partout ailleurs qu’en sport, pour toute autre forme compétitrice, c’est feu vert pour la dope : et personne n’y voit de la tricherie, et chacun est libre de s’y bousiller la santé dans l’espoir de réaliser son rêve…

De ce constat, la compétition sportive, quelles qu’en soient les dérives et magouilles, sort paradoxalement grandie : parce que là, au moins, on répète au commun des mortels que la vie est une valeur en soi, que la santé gardée doit primer les rêves de gloire et de pognon ! Gaffe, je n’ai pas dit que les mortels étaient tous sensibles au discours, les mortels s’en foutent même plutôt : sans quoi ils ne seraient pas si nombreux à savoir encore s’enthousiasmer pour ce grand enculage de la santé qu’est le Tour de France. Mais bon, les mortels ont des circonstances atténuantes, on leur a tant seriné que le sport était héroïque et beau parce qu’il était dépassement de soi : alors que dépasser ses limites, c’est précisément la définition… du dopage ! C’est ce qu’exprimait fort bien Philippe Gaumont, ex-pro dopé, dans son livre/confession (2) :  » Quelle punition pourrait être plus importante que la certitude que je ne saurai jamais ce que je valais vraiment ? » Car la beauté de la performance sportive, c’est ATTEINDRE ses limites : y parvenir, puis avoir la sagesse d’en rester là sans recourir aux artifices ! C’est faire du mieux que tu peux avec le corps que la nature et ta maman t’ont donné : même si certaines mères se sont montrées plus efficaces que d’autres, même si la nature s’est montrée plus vacharde avec certains…

Un gars avec lequel la nature s’est montrée vachement vacharde, c’est Oscar Pistorius, ce Sud-Africain de 21 ans amputé tout petit des pieds et chevilles suite à une maladie congénitale, et qui court aujourd’hui (très vite) avec des prothèses en carbone. Pistorius veut défier le champion olympique Jeremy Wariner sur 400m, puis participer avec les valides aux prochains J.O. de Pékin. Aïe, pareil cas de conscience devait finir par arriver, voici la polémique avec un grand P ! En refusant les J.O. à Pistorius, on risque de refuser une grande bouffée d’espoir et d’optimisme à tous les sportifs moins valides. Mais en l’y acceptant, on accepte un compétiteur qui pourrait se retrouver demain (les progrès technologiques étant ce qu’ils sont) artificiellement avantagé par son handicap ! Certains évoquent la taille des prothèses qui pourraient aller grandissantes, ou mettent en parallèle ce que serait une compétition entre un sauteur en hauteur et un perchiste. D’autres notent que les sportifs en chaise roulante participent aux marathons populaires, qu’ils les bouclent plus vite que les valides, mais ne revendiquent pas pour autant la victoire toutes catégories !

Cela me rappelle pire, en l’occurrence le personnage d’une belle histoire de science-fiction écrite voici 20 ans par Patrick Cauvin avec de superbes illustrations d’ Enki Bilal (3) : Ernst Zopalev y était un footballeur normalement constitué, mais qui choisissait l’amputation et la prothèse par désir fou de performance supérieure ! Faudrait quand même pas que la fiction devienne réalité…

(1) J’ai pas osé mettre  » tribun  » au féminin : vous me voyez traiter la Royal (sans e !) de  » tribune  » ? !…

(2) Prisonnier du dopage, Grasset, 2005.

(3) Hors-jeu, Autrement, 1987.

par bernard jeunejean

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