Dominer !

Voici comment le nouvel entraîneur hollandais va s’y prendre pour que les Brugeois effacent leurs doutes.

« Un bon point pour vous, Monsieur Koster, c’est qu’on a déjà rigolé davantage en un quart d’heure passé avec vous qu’en une demi-année avec votre prédécesseur « , remarque un journaliste à la fin de la conférence de presse de présentation du nouvel entraîneur du Club.

Pourtant, ses premières impressions ne furent pas positives lors des six matches auxquels il assista au stade Jan Breydel en fin de saison dernière :  » L’équipe ne jouait pas assez au football, j’ai vu de trop nombreux longs ballons, alors que je suis un chaud partisan d’un jeu soigné. Je souhaiterais jouer plus offensivement, mettre plus de pression sur le porteur du ballon. Nous devons essayer de prendre l’initiative et nous jouerons de façon dominante. « 

Que voulez-vous dire par là ?

Adrie Koster : Prendre l’initiative, essayer sans cesse de conquérir le ballon au lieu d’attendre que l’adversaire ne vous le laisse. C’est ma manière de concevoir ce sport et c’est aussi la raison pour laquelle le Club est venu me chercher. Je pense avoir toujours fait jouer mes équipes dans une conception de jeu qui vise à marquer et à prendre les devants. C’est le style de jeu que j’aime voir. Beaucoup dépend bien entendu des qualités dont on dispose dans le onze : sauront-ils d’emblée évoluer dans ce style qui m’est si cher ou bien une période de transition sera-t-elle nécessaire ? Cela dépendra de la façon dont ils assimileront mes instructions.

Donc il se peut que vous deviez conclure dans six semaines que cela ne va pas…

Non. S’il s’avère que nous n’avons pas les qualités requises, nous devrons passer à autre chose, mais à partir de la deuxième ligne il est tout aussi possible de développer un beau jeu. Il faut toujours essayer de trouver le chemin le plus court vers le but adverse.

Les longues balles vers l’avant ne sont-elles pas le moyen le plus rapide d’atteindre le goal d’en face ?

Oui, s’il y a une passe qui arrive dans les pieds d’un partenaire et qu’il ne s’agit pas d’un long ballon botté aveuglément. Détrompez-vous lorsque j’affirme que nous évoluerons au départ de notre ligne défensive : si le gardien voit un attaquant libre et qu’il peut l’atteindre parfaitement avec un long dégagement, afin que le joueur crée du danger devant la cage adverse, c’est aussi jouer au foot… Par contre, balancer le ballon avec précipitation au point que l’adversaire puisse s’adapter facilement à ce jeu ne sera pas très rentable. Il s’agit de choisir le bon moment pour adresser une bonne balle en profondeur. D’ailleurs, la priorité devrait d’abord être mise sur la profondeur du jeu, ensuite le jeu sur la largeur et enfin le retour en arrière pour reconstruire une offensive. Cela sera mon rôle : m’assurer que mes hommes ne jouent pas en largeur lorsqu’un équipier est démarqué en profondeur.

Faire plaisir au public

Que pensez-vous du foot belge ?

Presque toutes les équipes que j’ai vues à l’£uvre usaient de longs ballons. Lors d’Anderlecht-Bruges, les Bruxellois ont utilisé la force physique. C’est également une manière de mettre la rencontre à son avantage. Mais le risque est de tomber sur une équipe plus forte physiquement et il faut alors essayer de s’en sortir par la technique, la vitesse, en étant plus malin. Mon défi est d’appliquer mon style de jeu à l’équipe, d’ajouter une plus-value à son football, dans un pays dont la culture footballistique diffère fortement. L’avenir nous dira si j’ai réussi à apporter quelque chose provenant du style de jeu hollandais.

De nombreux Brugeois ont eu une formation  » à la belge  » : facile à désapprendre ?

On agit finalement toujours en fonction de ce qui est nécessaire au gain des matches, d’un jeu attractif et qui plaît aux supporters. A chaque match à domicile nous accueillons 26.000 spectateurs. Je trouve qu’il faut que ces gens s’amusent au stade. Le Club Bruges a un énorme rayonnement dans toute la Flandre, j’en suis conscient. Les gens sont avides de succès, et pas seulement les dirigeants. Peut-être que mon projet nécessitera un travail de plus d’un an, mais je refuse de parler d’une année de transition.

Avez-vous également vu du positif lors des six matches ?

Oui, j’ai vu plusieurs joueurs qui détiennent beaucoup de potentiel et qui peuvent élever le niveau de l’équipe. Mais je ne peux pas vous donner d’exemple nominatif, ce serait injuste. L’essentiel sera pour moi de trouver un bon équilibre dans l’équipe.

Ces dernières années, on avait souvent l’impression que les Brugeois jouaient en dessous de leur niveau. Comment vous y prendrez-vous pour remédier à cela ?

Si les joueurs font uniquement ce dont ils ont envie, cela ne va pas. Si je décrète que nous aborderons tel adversaire avec telle tactique, cela se passera comme je l’ai demandé. Autrement, on court à la catastrophe. Chez moi, les joueurs ne se font pas engueuler à la moindre mauvaise passe lorsque l’intention était bonne. Mais celui qui ne respecte pas les engagements, court au devant de problèmes.

De quoi les joueurs ont-ils le plus besoin ? D’un psychologue qui leur parle souvent, ou d’une approche plutôt sévère ?

Les joueurs doivent bien se sentir dans leur peau. Ils doivent avoir la tête vidée de tous problèmes, évoluer de façon libérée, sans conscience de leurs limites et ne pas avoir peur de développer leur jeu. Ils doivent venir à l’entraînement le sourire aux lèvres et être eux-mêmes. Ce n’est qu’alors qu’ils atteindront leur rendement optimal. Je changerai ce qui sera nécessaire, pour leur permettre d’avancer vers cet état d’esprit à petits pas. Je souhaite aussi parler avec chacun de mes joueurs pendant la préparation pour savoir ce qui les anime, comment ils raisonnent, etc.

Transférer des défenseurs !

Et les transferts ?

Nous sommes déjà d’accord sur les postes à pourvoir en premier lieu : de bons défenseurs.

Etes-vous un entraîneur exigeant envers la direction d’un club ?

Si l’on veut viser le top au niveau sportif, ce qui est le cas du Club, il faut tout organiser autour de l’équipe afin qu’elle puisse progresser. Ma première attente lorsque je donne des directives, c’est qu’elles soient suivies.

Ces dernières années, le Club a surtout perdu ses matches au sommet. A quoi cela est dû et que manquait-il à l’équipe ?

Lors des chocs, j’ai pu remarquer qu’Anderlecht et le Standard étaient chaque fois les meilleures équipes. Il est difficile de dire ce qu’il a pu manquer aux Brugeois dans ces matches. Tout est lié à la qualité. Peut-être le noyau disposait-il des qualités nécessaires mais n’a pas su les démontrer.

Les Brugeois se sont par le passé toujours caractérisés par une mentalité de battants, qui ne renoncent jamais. Cela a quelque peu disparu au point de frustrer l’assistance.

Il ne faut jamais subir les choses. Ce n’était en effet pas facile la saison passée. J’ai assisté à des rencontres à une époque où les joueurs savaient déjà que leur entraîneur partirait.

Lorsque vous avez repris l’Ajax en tant qu’entraîneur principal, on savait aussi que vous ne resteriez pas à ce poste et pourtant l’Ajax a tenu bon.

Oui, c’est exact…

Y a-t-il trop ou pas assez de technique dans l’équipe ?

La créativité dans le jeu est présente. Il y a aussi quelques battants. Je suis curieux. Peut-être assistera-t-on à quelques surprises durant la préparation. Lorsque certains éléments ne sont plus disponibles, on assiste toujours à la révélation d’autres joueurs. Mon message est très clair : montrez-moi ce que vous pouvez faire, je regarde.

4-3-3

L’an dernier le Club avait fait deux transferts remarqués : Ronald Vargas et Nabil Dirar, qui au fil de la saison sont tombés dans l’anonymat.

En ce qui concerne Vargas – que je n’ai pas vu jouer – il s’agit d’un cas de surcharge qui fait qu’il n’a pas pu élever son jeu. Je ne sais pas encore quelle est sa meilleure position mais c’est un bon joueur. Je trouve que Dirar a également du talent, c’est un gars rempli de qualités.

Alors vous avez déjà vos deux joueurs de flanc, dans le 4-3-3 que vous affectionnez ?

Nous en aurons peut-être encore davantage.

Quelle est selon vous la meilleure position de Wesley Sonck ?

Sonck est un centre-avant. Il me sera très utile dans mon système de jeu en 4-3-3. C’est dans une position centrale que ses qualités explosent au grand jour.

Et Akpala ?

Joseph est aussi un avant de pointe. En préparation, nous jouerons à la fois en 4-4-2 et en 4-3-3. Sur base des qualités des joueurs que j’aurai vus à l’£uvre, je déterminerai notre système de jeu, même si ma préférence va nettement à une occupation du terrain en 4-3-3.

Pourquoi ?

Parce qu’il est alors possible de former toute une série de triangles sur le terrain, même si le 4-4-2 et le 4-3-3 sont proches l’un de l’autre. L’important, c’est que mes joueurs apprennent à penser en fonction de leurs partenaires. Lors des quelques matches que j’ai vus, j’ai trouvé qu’il y avait trop d’espace entre les lignes, je voyais une équipe tirée en longueur sur tout le terrain. C’était très difficile pour les médians de combler les trous.

Pensez-vous que les joueurs puissent rapidement se reprendre ?

Oui. Je suis convaincu que les joueurs ont davantage de capacités qu’ils ne le pensent.

Votre prédécesseur avait l’impression que l’on achetait des joueurs pour l’avenir alors qu’on attendait de lui qu’il décroche des trophées avec une équipe de jeunes. La moyenne d’âge du Club est-elle trop basse ?

Aux Pays-Bas, on aligne plus rapidement un jeune joueur, mais je me fiche de savoir si un footballeur est jeune ou vieux. Tout ce qui compte c’est son apport. Si quelqu’un est bon, il jouera, peu importe son âge.

L’équilibre de l’équipe était-il le bon ?

J’en suis arrivé à la conclusion que dans de nombreux domaines du jeu, il faudrait apporter certaines modifications. Je vous donne rendez-vous dans six semaines, afin de voir exactement la méthode de jeu brugeoise. Ensuite, il faudra encore perfectionner le tout.

Quelle est votre ambition ?

Lutter pour le titre plus longuement que l’an dernier,… la trêve hivernale avait déjà scellé les ambitions du Club. Et atteindre aussi les poules en Europa League, ce qui signifie que nous devrons êtres affutés dès le début des hostilités. En championnat cela risque d’être une année bizarre, avec la nouvelle formule à 16 clubs avec playoffs, etc. Cela veut aussi dire que tant qu’on termine dans les six premiers, on a encore une chance d’être champion.

Vous ne parlez pas d’une année de transition ?

Non, ce serait un mauvais début…

par geert foutré – photos: jelle vermeersch

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