» Domenech n’a jamais été à la hauteur « 

A 32 ans, Trezegol découvre la Liga à Alicante après dix ans à Turin. Rencontre avec un des plus grands attaquants européens de la décennie.

Après dix ans à la Juventus, David Trezeguet a débarqué dans la Liga. Pas dans un grand club mais chez les néo-promus de Hércules Alicante. D’emblée, il marqua les esprits, en allant s’imposer au Camp Nou. Depuis, son club est logiquement rentré dans le rang mais le Franco-Argentin continue à enfiler les pions.

Heureux de ces premiers mois dans la Liga ?

DavidTrezeguet : Oui, même si des circonstances un peu particulières m’avaient déjà empêché de signer dans un club espagnol plus huppé que Hércules.

Comme le FC Barcelone ?

Ou comme le FC Valence ou le Real Madrid…

Mais c’est le maillot blaugrana que vous avez été le plus près d’enfiler, non ?

Sûrement, oui. Pour moi, ç’aurait été très important de signer pour un club de ce calibre-là. Pour son style de jeu, aussi. Mais les clubs n’avaient pas réussi à s’entendre et je suis resté à la Juventus.

L’intérêt de Barcelone avait dû vous faire plaisir, non ?

Oui, le choix n’aurait pas été difficile pour moi, j’aurais sauté sur la proposition à pieds joints. L’histoire de ce club, la manière de jouer qui est très spéciale : c’était très tentant et ç’aurait été un pas important dans ma carrière. Bon, cela ne s’était pas fait.

 » En Italie, personne ne joue en 4-3-3 « 

Vous avez passé dix ans à la Juventus. Que retenez-vous ?

J’y ai passé beaucoup de bons moments. C’est un très grand club, le plus important en Italie, et il a beaucoup compté pour moi. J’ai passé des moments difficiles aussi, comme lors de la saison où on a dû évoluer en D2. Au final, je peux m’estimer très heureux d’avoir joué dix ans dans un club pareil. C’est une longévité exceptionnelle pour un club pareil. A 32 ans, j’étais sans doute arrivé en fin de cycle.

Comment avez-vous vécu le passage d’un club historique comme la Juventus vers un petit poucet comme Hércules ?

La grande différence se situe au niveau de la pression. Elle était énorme à Turin, exercée tant par les dirigeants que par la presse et même les tifosi. A Alicante, la pression est évidemment moins forte, et ce n’est pas désagréable. Pour l’instant, je vis une expérience positive.

En début de championnat, le beau jeu du Barça avait été mis à mal par votre Hércules…

Oui, mais il n’empêche que cela reste du beau jeu. L’accent est toujours mis sur l’offensive.

Pep Guardiola reste fidèle à son 4-3-3…

En Italie, aucune équipe ne joue de cette manière. Du moins, je n’en ai pas vues durant les dix dernières années. Ce qui prédomine, c’est l’aspect tactique. Le jeu est plus fermé qu’en Espagne, surtout celui pratiqué par les petites équipes, dont l’unique préoccupation est de défendre. C’est la raison pour laquelle il est si difficile de jouer comme attaquant en Italie. Je n’en suis que plus fier de ce que j’ai réalisé à la Juventus.

 » Mourinho et Capello sont comparables « 

Suite à votre passage en Italie, vous connaissez forcément l’Inter. José Mourinho est-il infaillible ?

C’est un gagneur, il l’a démontré dans toutes les équipes par lesquelles il est passé. Il est charismatique et son image joue un rôle important. D’un point de vue médiatique, c’est une très forte personnalité et les résultats plaident en sa faveur. En Italie, il a réalisé un exploit qui paraissait impossible : tout gagner avec l’Inter. Aujourd’hui, il tente le même pari avec le Real.

Quels sont ses principes ?

Il a toujours privilégié des principes défensifs mais il doit s’adapter au style espagnol car ce n’est pas dans les m£urs ici d’évoluer ainsi. Pour l’instant, son adaptation a l’air de bien se dérouler.

Il a les joueurs pour triompher, comme Cristiano Ronaldo…

C’est clair. Mourinho est conscient qu’il dispose de footballeurs très doués. Cristiano figure parmi ceux-là, il a d’énormes qualités : le genre de joueurs pour lesquels les spectateurs se déplacent, à l’image de Lionel Messi.

Qui est le meilleur des deux ?

Ils sont différents. Cristiano se base sur son physique, sur sa vitesse, tandis que Messi est beaucoup plus technique. Mais ils sont tous les deux au sommet.

Précédemment, un entraîneur que vous connaissez bien est passé par le Real Madrid : Fabio Capello. Voyez-vous des similitudes entre lui et Mourinho ?

Il y a certains points communs. Capello est, aussi, un gagneur. Partout où il est passé, son équipe a triomphé. C’est un entraîneur qui me plaît beaucoup : il parle peu, mais trouve les mots justes. Ce sont des caractéristiques que j’apprécie : lorsqu’un entraîneur ouvre la bouche, cela doit être pour communiquer des choses importantes. Je n’aime pas ces entraîneurs qui hurlent et parlent dans le vide. Capello et Mourinho partent du principe que l’objectif principal est de gagner. Je suis sûr que Mourinho admire Capello et que la réciproque est vraie également.

 » A Alicante, il n’est pas rare de parcourir 80 kilomètres pour s’entraîner « 

La destination de Raul (Schalke 04) a surpris beaucoup de monde, on peut en dire autant de la vôtre. Comment avez-vous débarqué à Hércules ?

Je connaissais peu ce club, qui vient de remonter en D1, et je savais que l’objectif d’un néo-promu allait forcément être très différent de celui des équipes que j’ai fréquentées précédemment.

Vous saviez que vous ne lutteriez plus pour le titre, par exemple…

Exactement. Malgré des objectifs différents, l’équipe a aussi à c£ur de prôner un jeu offensif, d’offrir du spectacle.

Vous n’avez donc pas perdu vos ambitions ?

Je suis arrivé à Hércules avec une mentalité de vainqueur, celle acquise à la Juve. Je n’ai pas changé.

Aviez-vous d’autres propositions ?

J’ai été contacté par d’autres équipes, effectivement. Des équipes que je ne qualifierais pas de plus prestigieuses, mais plutôt de plus connues au niveau européen. J’ai eu la chance d’avoir bénéficié, en France et en Italie, de contrats très intéressants, si bien que je ne devais pas forcément privilégier l’aspect financier.

D’autres considérations vous ont donc influencées ?

Oui, de type familial notamment. De qualité de vie, aussi, qui sera très favorable à Alicante. Et de minutes de jeu, également.

Vous vous sentez revivre ?

D’une certaine manière, oui. J’ai trouvé ce que je recherchais après une saison difficile, car en Italie j’ai peu joué ces derniers temps.

Sur base de votre CV, vous êtes une vedette. Allez-vous vous comporter en tant que tel dans le vestiaire ?

Je ne me sens pas investi de privilèges, ici. J’espère que mes partenaires ne me considèrent pas comme une vedette non plus. Je veux que tout le monde soit persuadé que je suis d’abord venu à Hércules pour apporter mon expérience à un club qui ne demande qu’à grandir.

Il est clair que vous êtes descendu de catégorie.

Oui, mais je le vois d’une manière positive car je suis venu avec beaucoup d’humilité à Alicante. J’ai envie de travailler et j’accepte même les conditions de travail que le club met à notre disposition pour les entraînements. Il n’est pas rare que nous parcourions 80 kilomètres pour nous entraîner. Nous allons jusqu’à Benidorm. Ou alors, nous nous entraînons sur des terrains qui ne sont pas dignes d’un club de D1, comme ceux de Fontcalent. Pour l’instant, je ne me plains pas trop. Je suis confronté à une autre réalité et je n’ai pas eu de mal à m’y adapter.

 » Je retiens Lippi, j’oublie Domenech « 

Comment jugez-vous votre entraîneur Esteban Vigo ?

Il est très différent des entraîneurs que j’ai connus. Marcello Lippi, Carlo Ancelotti et Capello pouvaient avancer leurs titres comme références. Vigo parle de beau football, de jeu offensif, de spectacle qu’il faut offrir. Cela m’a surpris, car ce n’est pas courant qu’un néo-promu privilégie le beau jeu.

Quel est l’entraîneur qui vous a le plus marqué ?

Lippi, parce que c’est avec lui que j’ai gagné des titres avec la Juventus. Mon premier scudetto, notamment. J’ai aussi décroché le trophée de meilleur buteur de Serie A sous sa direction.

Y a-t-il un entraîneur que vous préféreriez oublier ?

Avec Raymond Domenech, je n’ai pas eu un bon feeling. Nos visions du football étaient très différentes. Mais, que l’on soit joueur ou entraîneur, on doit se respecter. Aujourd’hui, tout le monde parle de ce qui s’est passé durant la Coupe du Monde 2010, mais il faut remonter quatre ou cinq ans en arrière, pour se rendre compte que Domenech n’était pas à la hauteur d’une sélection aussi importante que la France.

Domenech a cédé le relais à Laurent Blanc…

J’aimerais revenir en sélection. Lorsque je l’ai quittée, mes qualités n’étaient pas adaptées au style de jeu préconisé chez les Bleus, et ne correspondaient pas au discours que tenait Domenech. Je ne partageais pas son point de vue. Laurent Blanc est, lui, un entraîneur très respecté en France, grâce notamment à la carrière qu’il a réalisée.

Mais il donne sa chance à des jeunes aux dents longues, à des joueurs qui se révèlent. Il ne semble plus se tourner vers des anciens comme vous…

Il renouvelle la sélection, c’est sûr. Et c’est logique aussi. Mais il ne ferme pas la porte à des joueurs expérimentés. Il a, par exemple, appelé Louis Saha, le joueur d’Everton qui a le même âge que moi. Je crois que tout dépendra de ce que je réalise avec Hércules. Si je réalise de grandes choses, pourquoi pas ?

Karim Benzema ne réalise pas de grandes choses au Real Madrid, mais Blanc l’a appelé…

Karim joue peu et il devra attendre de recevoir sa chance pour démontrer ce qu’il vaut. Il a les qualités pour réussir au Real Madrid, il l’a déjà prouvé à Lyon, mais maintenant il joue dans un club encore beaucoup plus important, où la concurrence est féroce.

Pensez-vous encore au penalty que vous avez loupé en finale de la Coupe du Monde 2006, contre l’Italie ?

Oui, et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai envie de revenir en sélection. Ce fut très difficile d’abandonner l’équipe de France après une finale perdue aux tirs au but.

PAR JUAN CARLOS CASAS ET PEPE GARCIA CARNATALA (ESM)

 » Je suis arrivé à Hércules avec une mentalité de vainqueur, celle acquise à la Juve. « 

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