Dix petits Malinois

Czernia a repris le collier au Kavé avec un effectif en peau de chagrin.

Scène surréaliste, une de plus, en cette matinée du samedi 3 janvier à Malines. A l’occasion du grand rassemblement des troupes dans l’optique du deuxième tour de la compétition, ils ne sont guère plus de dix à avoir repris le chemin du stade: Steven Depauw, Bram Criel, Sven Doms, Kersten Lauwereys, Osman Serbest, Joop Soeters, Maarten Tordoir, SimonValgaerts,Claude Vanderheyden et Yves Nkololo, blessé. Détail piquant: à l’exception du premier nommé, aucun d’entre eux ne figure dans notre annuaire d’avant-saison. Et pour cause, puisqu’il s’agit essentiellement de teenagers qui, à l’époque, émargeaient encore au noyau des Espoirs, voire à la catégorie des moins de 17 ans du Kavé. Aujourd’hui, ils font figure de rescapés dans un club qui a été allégrement déserté par ses pros lors de l’interruption hivernale. Pas moins de onze joueurs, parmi lesquels plusieurs valeurs sûres, ont profité de la trêve des confiseurs pour chercher gloire et fortune ailleurs. D’autres, dont la quête d’un nouvel employeur s’est révélée vaine, comme les Néerlandais Dave De Jong et Martijn Van Galen ou encore notre compatriote Marco Nys, testé sans succès au Portugal, ont promis de reprendre le collier deux jours plus tard. Car ce n’est que le lundi, en effet, que le curateur, Joan Dubaere, allait pouvoir lever un premier coin du voile concernant l’avenir sportif et financier des Sang et Or.

« Tous les contrats temporaires étant arrivés à terme après notre match de clôture à Mouscron, plus personne ne jouissait encore d’une quelconque protection en matière d’assurance », observe le coach, Alex Czerniatynski. « Aussi, dans le cadre de ces retrouvailles, l’accent était-il mis exclusivement sur la condition physique. Le contact avec le ballon n’est jamais dénué de tout danger. L’infortuné Kevin Aertbeliën est bien placé pour le savoir: pour son baptême du feu chez les Hurlus, le malheureux avait été victime d’une déchirure des ligaments croisés après une intervention on ne peut plus anodine. En l’absence de bail rédigé et signé en bonne et due forme, il était exclu de prendre le moindre risque, tant pour ce qui est de moi-même que des joueurs. Dès lors, je conçois aisément que certains n’aient pas voulu s’engager avant d’avoir tous leurs apaisements sur leur situation et celle du club. Mon seul étonnement, finalement, aura eu trait à l’étroitesse du groupe. Au moment de prendre congé de certains, je me faisais fort de les retrouver en ce début de janvier. Ivan Willockx, notamment, avait juré ses grands dieux qu’il resterait fidèle à ses couleurs. Il n’a pas résisté à l’appel de Strombeek mais c’est humain. J’ai beaucoup plus de respect pour lui que pour un garçon comme Ken Leemans, par exemple. A 19 ans, il aurait pu remercier Malines de l’avoir lancé dans le grand bain de la D1 en restant quelques mois de plus ici. En lieu et place, il a préféré l’argent de Roda JC. La gratitude n’est vraiment plus ce qu’elle était ».

Dans le chef de certains (ex-) joueurs locaux, peut-être, mais sûrement pas de tous. Et encore moins du monde du football belge en général, au sein duquel un véritable courant de sympathie s’est dégagé afin de sauver ce qui pouvait l’être chez les Sang et Or . Tout commença, à ce propos, à la faveur du premier match de l’ère Czernia face à l »Antwerp. Avant cette rencontre, un trio constitué des anciens de la maison, Fi Van Hoof (ex-entraîneur), Piet Den Boer (joueur) et Mark Uytterhoeven (journaliste) avait lancé un vibrant appel pour que la communauté malinoise (supporters et industriels) réunisse 2.500.000 euros (2.500 x 1.000 euros par personne), montant nécessaire pour acquitter les dettes fédérales du club. Quinze jours plus tard, cette démarche avait déjà permis de rassembler plus de 400.000 euros. Tantôt, c’était un ancien qui y allait de son écot de 1.000 euros, comme Erwin Koeman, par exemple, coéquipier de Piet Den Boer dans l’équipe du Kavé qui remporta la Coupe des Coupes en 1988. Tantôt encore, c’était un poulain – Chianti 2 – mis aux enchères dans le cadre du fameux Jumping de Malines, qui rapportait la coquette somme de 7.500 euros. En attendant d’autres manifestations, comme un grand bal, prévu samedi prochain, et qui rassemblera le gratin des BV ( Bekende Vlamingen, Flamands célèbres) Gunther Neefs, Boogie Boy, Sam Gooris et Paul Michiels entre autres. Une action qui devrait rapporter elle aussi quelques milliers d’euros. Sans oublier l’aide sportive.

Elan de solidarité

« Les fêtes de fin d’année que j’ai passées en Ardenne, à Vielsalm, n’auront vraiment pas été de tout repos », commente Alex Czerniatynski à cet effet. « Mon téléphone portable n’a pas fini de sonner pendant cette dizaine de jours. J’ai été franchement frappé par l’élan de solidarité général envers le Kavé. Tout d’abord, il y a eu ce geste fantastique du soi-disant noyau dur de l’Antwerp, dont les membres se sont cotisés pour réunir la somme de 1.000 euros. Comme quoi ces gars-là, souvent décriés, peuvent avoir le coeur sur la main également. Ensuite, il y a eu l’aide des clubs (voir cadre) . Ce n’est quand même pas rien, entendu que tous nous ont proposé gracieusement le concours de leurs joueurs jusqu’à la fin de la saison. Pour l’heure, je ne sais trop à quoi m’en tenir exactement car beaucoup dépendra des décisions du curateur, Joan Dubaere: s’il nous permet de disputer l’intégralité du deuxième volet de la compétition, c’est sûr que beaucoup seront motivés à l’idée de venir. Mais si les perspectives sont moins bonnes, pas mal d’entre eux décrocheront. C’est normal car s’ils paraphent un engagement au Kavé mais que le club est contraint de stopper ses activités dans un mois ou deux, ils ne pourront plus défendre leurs chances dans leur club d’origine, entendu qu’un joueur ne peut pas être transféré deux fois au cours d’une seule et même saison. Aussi, je croise les doigts ».

Dans le meilleur des cas , Czernia pourra donc compter sur un effectif new look, composé des plus belles promesses malinoises et de ceux qui constituent la deuxième ou la troisième garniture ailleurs. En Belgique, du moins. Car en raison de la somme de 100.000 dollars qu’il lui reste à verser à Universitario Lima dans le cadre du transfert de Luis Guadalupe (reparti au Pérou entre-temps), Malines ne peut engager des éléments venant de l’étranger. Au pire, il devra se contenter de ses seules jeunes pousses, issues des catégories d’âge du Kavé, agrémentées de quelques anciens qui n’auront toujours pas trouvé chaussures à leurs pieds ailleurs. Un défi qui ne fait pas peur outre mesure à l’ancien international dont le onze de base de fortune n’avait détoné ni contre l’Antwerp (0-2 in extremis alors que Bram Criel avait eu le but de l’égalisation à la 77ème minute) ni à Mouscron (3-1 à la 90ème minute par Asanda Sishuba alors qu’ Eric Viscaal avait eu lui le but du 2-2 dans ses souliers à un fifrelin du terme). Même si, pour le club Sang et Or, la reprise ne s’annonce pas de tout repos avec des matches en déplacement à Charleroi et à Mons et deux rencontres à domicile contre les ténors, Anderlecht et Bruges.

« Tout ce que je demande, c’est de pouvoir aller jusqu’au bout de cette campagne avec le Kavé », observe Alex Czerniatynski. « Nous avons franchi un premier cap, à mi-championnat, alors que beaucoup prétendaient que nous n’arriverions pas à la fin de l’année civile. A présent, j’espère qu’on ne devra pas s’arrêter en chemin et qu’on pourra défendre crânement nos chances à 17 reprises encore. Tant mieux, évidemment si, comme certains nous l’ont promis, Malines débutera avec de nouvelles forces vives. A défaut, je poursuivrai de toute façon ma route sans maugréer. Je sais que je peux compter sur pas mal de soutien dans le milieu. Quant aux joueurs, ils ont un formidable coup à jouer eux aussi. Nulle part ailleurs, les jeunes n’ont l’occasion de s’exprimer comme c’est le cas chez nous. Ils se doivent de saisir cette chance à pleines mains, car elle ne se reproduira sans doute jamais plus. Mon voeu le plus cher est de terminer 16ème ,ou même plus haut encore, qui sait, sans rien devoir à personne. Même si, par après, en raison des contingences financières, le club devait être appelé à s’exprimer à un échelon inférieur. Une chose est sûre: j’ai foi en ce club, qui sera centenaire en 2004. Et j’escompte bien être toujours à sa barre à ce moment ».

Bruno Govers

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