DIX ANS DE VINTAGE

Le FC Porto est la plus grosse entreprise d’import-export du football mondial. Le club, engagé en Ligue des Champions, embauche des Sud-Américains bon marché et les revend ensuite au multiple de la somme investie.

Au fin fond de l’Europe, avec vue sur le fleuve Douro et l’Atlantique, il y a un club qui profite comme nul autre du marché des transferts, en fournissant à la pelle des joueurs au commerce européen du football : le FC Porto.

Les Lusitaniens acquièrent des joueurs à bas prix, essentiellement en Amérique latine, pour les revendre ensuite à un montant nettement supérieur. Lors des 10 dernières années, le club du nord du Portugal a ainsi généré un bonus de près de 400 millions d’euros.

 » Nous cherchons des joueurs en début de carrière, peu connus « , explique VitorBaia, un vétéran du club, champion à dix reprises et vainqueur de la Ligue des Champions 2004.  » Nous les aidons à progresser et à développer leurs qualités pour qu’ils émargent à l’élite mondiale avant de les revendre à un prix élevé. C’est notre secret.  »

Dans les années 70, quand les joueurs professionnels ont commencé à quitter le Portugal pour d’autres championnats européens, Porto a comblé les vides laissés en recrutant des joueurs en Amérique latine, essentiellement au Brésil, son ancienne colonie.

Avec un double avantage à la clé, puisque ces garçons, parlant portugais, n’éprouvaient aucune difficulté langagière dans leur nouvel entourage et qu’ils étaient relativement bon marché. Depuis lors, ils sont devenus plus chers et le club portugais a donc exploré d’autres pistes.

Indépendamment des Cariocas, les dirigeants portugais se sont par exemple tournés vers les Colombiens, comme Radamel Falcao ou Juan Quintero. Ce dernier illustre parfaitement le raffinement du système mis en place.  » Nous le suivions en Colombie depuis son plus jeune âge « , a expliqué le président de Porto, Jorge Nuno Pinto da Costa, au magazine O Jogo.

 » Nous avons ensuite suivi son évolution à Pescara, décortiquant aussi son style de jeu ainsi que sa vie en dehors du terrain. Nous avons ainsi appris tout ce que nous pouvions à son sujet.  »

Meilleur vendeur du monde

Car savoir, c’est gagner de l’argent.  » Porto est le meilleur vendeur du monde « , affirme Vitor Baia.  » Mais pour bien vendre, il faut d’abord effectuer les bons choix.  »

Plusieurs centaines de scouts travaillent pour le FC Porto et beaucoup d’entre eux sont en poste en Amérique latine. Selon André Villas-Boas, qui a enlevé le triplé avec Porto en 2011 avant d’émigrer à Londres, peu de clubs attachent une telle importance au scouting.  » Celui de Porto lui a permis d’obtenir des succès constants.  »

Lorsqu’on lui demande si les scouts sont des employés ou des agents indépendants, l’homme se rebiffe.  » Porto est une forteresse.  » Cela se reflète dans son fonctionnement. Le complexe d’entraînement du club est situé sur l’autre rive du fleuve, à Vila Nova de Gaia, qui ressemble à un village mais est protégé des regards comme s’il s’agissait d’un centre de haute technologie. Les supporters n’y ont jamais accès.

Porto est une ville de commerce et le FC Porto, à son image, est un club commerçant. Il réalise avec les footballeurs ce que les Portugais ont jadis fait avec les produits obtenus dans leurs colonies : les acquérir à bas prix, les améliorer puis les revendre à un prix plus élevé.

Pinto da Costa est la cheville ouvrière de cette politique. Depuis son entrée en fonction en 1982, le club prospère. Il a détrôné le Benfica Lisbonne de la première place.  » Il a modifié le cap du club « , explique Villas-Boas.  » Il y a introduit une culture de la victoire.  »

Le club a perdu la finale de la Coupe des Clubs champions en 1984 mais il s’est imposé trois ans plus tard, face au Bayern. En 2003, Porto a enlevé la Coupe de l’UEFA et en 2004, il a gagné l’épreuve-reine, la Ligue des Champions, avec JoséMourinho à sa tête. En 2011, le club du nord du Portugal a confirmé qu’il émargeait à l’élite européenne en remportant l’Europa League.

Envers et contre tout

On soupçonne Pinto da Costa de corrompre les arbitres. En 2004, le procureur a mené une enquête à ce propos mais Pinto da Costa s’en est tiré en versant une caution de 125.000 euros. Dans de tels moments, le président s’en tient à la devise qui est affichée dans le nouveau musée du club, inauguré le 26 octobre :  » Envers et contre tout.  »

La devise s’adresse surtout aux clubs de Lisbonne car Porto est animé depuis toujours par le sentiment d’être défavorisé par rapport à la capitale, sise au coeur du pays, une capitale où l’on se moque volontiers des rudes travailleurs du Nord.

 » Il y a une grande différence de traitement. En fait, nous réalisons des prodiges « , constate fièrement Baia.  » Tout est concentré à Lisbonne et cette situation m’attriste profondément.  »

La satisfaction du FC Porto n’en est que plus grande quand il ravit le titre à un représentant du football lisboète. Illustration, il y a quelques semaines à peine, à l’occasion du Gala dos Dragoes, tenu à l’occasion des 120 ans du club, quand on a montré sur l’écran géant l’image de Jorge Jesus, l’entraîneur de Benfica, s’effondrant lors des ultimes minutes de jeu de l’avant-dernier match de la saison passée.

Pour être sacré, Benfica devait simplement réaliser un nul contre Porto mais le Brésilien Kevin (19 ans) a marqué dans les arrêts de jeu. Du coup, c’est Porto qui a été sacré champion pour la vingtième fois depuis 1985.

PAR MARTINA FARMBAUER – PHOTOS: IMAGEGLOBE

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