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Divock Origi : des hauts et des bas

Ce 1er juin, à l’Estadio Wanda Metropolitano de Madrid, Divock Origi jouera la finale de la Ligue des Champions avec Liverpool, face à Tottenham. Pour en arriver là, le Belge d’origine kényane, qui n’a encore que 24 ans, a emprunté un chemin semé d’embûches.

Divock Origi footballeur, ce n’est pas une surprise : son père, Mike, trois de ses oncles et un cousin ont été internationaux kényans. Il a aussi une cousine qui joue et même sa mère a joué. De plus, papa Origi était un joueur polyvalent. Il a effectué ses débuts en équipe nationale du Kenya en tant que gardien. En 1992, quand Fernand Goyvaerts l’a amené à Ostende, il était attaquant.

Par la suite, il allait jouer à plusieurs place dans l’entrejeu et même comme arrière latéral. À l’entraînement à Genk, Aimé Anthuenis l’a même testé au centre de la défense mais la bonne volonté du sympathique Kényan avait des limites : il nous a confié un jour que, comme il n’avait pas du tout envie de jouer à cette place, il a intentionnellement commis des erreurs.

Divock est né à Ostende. Pour jouet, il avait un ballon, ce qui ne plaisait guère aux voisins de l’appartement du dessous. Mike est ensuite parti à Harelbeke et la famille s’est installée dans une maison près du stade Forestier. Très vite, Divock a cassé une vitre. À l’école Sainte-Marie, mademoiselle Claudine n’a pas oublié son premier élève de couleur noire.

Un jour, il s’est enfermé dans la voiture de son papa pendant que celui-ci parlait avec elle : il avait appuyé sur le bouton de verrouillage central et la clef était restée à l’intérieur. Il a fallu trois quarts d’heure avant de pouvoir ouvrir la porte avec un cintre passé par une fente de la fenêtre du conducteur.

Un dribbleur maladroit

Après son transfert à Genk, Mike et sa famille ont loué une maison à Wiemesmeer, un hameau de Zutendaal. Dans le jardin, il y avait un petit but dans lequel Divock propulsait le ballon. Mike le laissait souvent gagner et s’amuser mais pas toujours. Parfois, il l’empêchait de passer, il le bousculait même et Divock s’énervait : il se mettait à pleurer et abandonnait mais ça lui a appris à se battre et à mieux protéger son ballon.

Le petit Origi a joué son premier match au KFC Zwaluw, un club de quatrième provinciale. C’est seulement après qu’il a marqué trois buts contre son camp que l’entraîneur est parvenu à lui faire comprendre qu’il devait tirer vers l’autre but. Après un déménagement à Houthalen, Divock a joué au KFC Park.

Trois ans plus tard, à l’âge de dix ans, on a décrété qu’il était suffisamment concentré et prêt pour supporter la pression des équipes d’élite du KRC Genk, où il n’était pas le plus talentueux.

C’était un dribbleur un peu maladroit qui voulait trop bien faire mais qui avait envie d’apprendre. On a travaillé sa technique de course et son toucher de balle. Michel Ribeiro lui donnait des exercices à faire à la maison et il regardait sur internet les mouvements de Ronaldo, Cristiano Ronaldo et Ronaldinho, qu’il exécutait ensuite dans le jardin.

Il a bien évolué et, après avoir fêté le titre avec les U15, il a surpris tout le monde en partant à Lille. On a dit que la famille Origi avait opté pour l’argent mais ils ont toujours soutenu qu’il n’y avait pas que ça : ils voulaient une meilleure formation et ce club investissait énormément dans son académie, avec des spécialistes nuit et jour à la disposition des jeunes.

Ils sentaient que Lille croyait en leur fils et avait un plan d’accompagnement très clair. Eden Hazard et Kevin Mirallas avaient déjà suivi le même chemin avec succès.

En première au LOSC

Mais les choses ont bien mal commencé. L’UEFA s’est montrée de plus en plus stricte envers les transferts internationaux de jeunes joueurs et Divock n’a pas pu jouer de match officiel pour le compte de son nouveau club avant l’âge de 16 ans. Il a donc dû attendre le mois d’avril.

C’était d’autant plus dur pour lui qu’il vivait séparé de ses parents et de ses deux soeurs tout en devant s’adapter à un autre pays, un autre système scolaire et une langue qu’il ne connaissait pas. Même Mike, pourtant toujours très calme, s’énervait plus que d’habitude. Mais la famille a mordu sur sa chique.

La deuxième saison à Lille a été difficile aussi car Divock a dû s’adapter à un jeu plus rapide et plus physique. Mais on lui faisait travailler son jeu de tête, son pied gauche et ses combinaisons dans les petits espaces. Au cours de sa troisième saison, il a éclaté en U19 et a été appelé en équipe B, voire parfois en équipe A.

Il effectue finalement ses débuts à Troyes alors que l’équipe est menée 1-0 et égalise. Il n’a pas encore 18 ans.

La quatrième saison est celle de la confirmation. Il marque énormément lors des matches de préparation et secoue également les filets à l’occasion du premier match de championnat, face à Lorient. Mais par la suite, il disparait des radars. À la fin du mois d’août, il quitte l’internat de l’académie pour vivre seul dans un appartement de Courtrai et sa forme en pâtit.

Il lui a fallu un certain temps pour trouver son rythme dans une vie privée avec plus de libertés et de responsabilités. À la trêve, il a voulu partir pour avoir plus de temps de jeu et continuer à progresser. Zulte Waregem et Genk voulaient le louer tandis qu’Anderlecht était prêt à l’acheter mais Lille l’a obligé à rester.

Surprise du chef au Brésil

À cette époque aussi, c’est dans sa famille qu’il trouve du soutien et du réconfort. Son père lui parle beaucoup et sa foi l’aide. Dans la famille Origi, Dieu est un psychologue : ce que la raison ne leur permet pas de comprendre est dicté par lui et par ses principes universels. Il y a une raison à tout, tout ce qui arrive est neutre et c’est la façon dont on fait face aux événements qui déterminent leur impact. Le plus important est de continuer à travailler.

L’amour du football et son envie de réaliser ses rêves donnent donc à Divock la force de se battre. Depuis tout petit, il a appris à prier chaque soir et à remercier le ciel de lui avoir donné la vie et les leçons de celle-ci. À l’époque, déjà, son objectif était de jouer dans un grand club et un grand championnat.

Après la trêve hivernale, il redevient lui-même, reçoit sa chance, la saisit et obtient une récompense incroyable : suite à la blessure de Christian Benteke, Marc Wilmots le sélectionne pour la Coupe du monde au Brésil. Tout le monde est surpris. Certains Diables Rouges ne le connaissaient même pas.

À Lille aussi, on se pose des questions. Divock est, certes, un joueur talentueux mais il n’est même pas encore titulaire et a encore beaucoup à apprendre. Il a seulement effectué ses débuts en espoirs en mars, en entrant au jeu face à la Serbie.

Nous avions même reçu un mail d’un lecteur furieux qui prétendait que la femme du sélectionneur était l’agent de Divock Origi et que celui-ci n’avait été sélectionné que pour augmenter sa valeur marchande. Ça avait bien fait rigoler le père et le fils Origi : Madame Wilmots, ils ne l’avaient encore jamais vue de leur vie.

Le plus jeune buteur belge au Mondial

La polémique ne s’arrête pas là : on se demande si Origi est bien un centre-avant. Il n’a pas le jeu de tête d’un Benteke ni la corpulence d’un Romelu Lukaku. À Lille, c’est sur le flanc qu’il a livré ses meilleurs matches parce qu’il y touche plus souvent le ballon et a davantage d’espaces pour faire des actions. Mais ça ne le déstabilise pas.

Sa sélection pour la Coupe du monde et la confiance du sélectionneur le boostent. Pour ses débuts en match amical au Luxembourg, il entre au jeu et, après un penalty commis sur lui, il veut le botter mais Kevin De Bruyne exige le ballon. Il expliquera par la suite qu’il est très spontané, comme sa mère. Son père n’aurait jamais fait ça car il est plus réservé et réfléchi.

Le 22 juin, lors du deuxième match de poule au Brésil, Divock entre au jeu et inscrit le seul but du match à la 88e minute. Il devenait ainsi le plus jeune débutant et le plus jeune buteur belge en Coupe du monde. La folie Origi est née : un disque sort ( » Origigigi Origigo « ) et au Boudewijn Seapark, un dauphin est baptisé à son nom.

Que ce soit en rue, au supermarché ou à la station d’essence, il ne peut plus se montrer en public sans qu’on lui demande un selfie. Seule la Reine Mathilde ne reconnait pas le  » héros de la nation  » : elle le confond avec Romelu Lukaku.

Le monde du football encense Divock Origi et sa famille est folle de joie. Surtout son père, le papa idéal qui, depuis les U11 à Genk, lui répète l’importance de bien manger, bien dormir et bien s’étirer. Qui lui apprend à se fixer des objectifs et à créer des habitudes. Qui lui donne des conseils et des avis, surtout sur sa préparation mentale, mais qui lui laisse aussi l’occasion de commettre des erreurs et d’en tirer les leçons.

Flop de l’année

Fin juillet, il signe pour cinq ans à Liverpool, à la condition absolue de jouer encore une saison à Lille avant de déménager à Anfield. Brendan Rodgers estime qu’il peut devenir un des meilleurs joueurs du monde. Les médias anglais évoquent un montant de transfert de 13 millions d’euros et un salaire de 70.000 euros par semaine.

Jamais rassasié et toujours ambitieux, le jeune Origi entame sa dernière saison à Lille avec l’objectif de jouer davantage et de prendre plus de responsabilités. Il arrive à l’entraînement avec un diamant à chaque oreille et son équipier Salomon Kalou déclare dans L’Équipe :  » Divock est un gars formidable mais quand j’ai vu ces diamants, je lui ai quand même dit : Fais gaffe, mon gars, tu n’es encore nulle part, ne t’endors pas car le plus dur reste à venir.  » Comme sa mère, Divock aime ce qui est beau. Les belles actions sur le terrain et une belle apparence en dehors. C’est pourquoi il s’est fait des lignes blanches dans les cheveux.

Son but face à la Russie, lors de la Coupe du Monde 2014, a donné un énorme un coup d'accélérateur à la carrière de Divock Origi.
Son but face à la Russie, lors de la Coupe du Monde 2014, a donné un énorme un coup d’accélérateur à la carrière de Divock Origi.© belgaimage

Mais il s’enlise. Dès le début, il donne l’impression de vouloir forcer les choses. Il ne supporte pas bien la pression née après sa bonne Coupe du monde. Kalou, le meilleur buteur de Lille, part au Hertha Berlin et tout le monde espère que Divock marque autant que lui. Ce n’est pas le cas et, très rapidement, on se demande si tout n’a pas été trop vite pour lui.

Même Eden Hazard a dû jouer plusieurs années en Ligue 1 avant de partir en Premier League. On se demande aussi si c’était vraiment une bonne idée de l’avoir gardé un an à Lille après son transfert.

En janvier, Liverpool tente de le faire venir à Anfield plus tôt que prévu mais Lille réclame six millions d’euros de plus pour pouvoir faire le transfert et l’affaire ne se fait pas. Mi-mars, il inscrit trois buts face à Rennes. Il n’avait plus marqué depuis le 27 septembre et le public l’a même sifflé. Finalement, il termine la saison avec huit buts au compteur, soit trois de plus que la saison précédente. Cela n’empêche pas France Football d’écrire qu’il est le joueur le plus surévalué du championnat de France et L’Équipe de le sélectionner dans son onze des flops de l’année.

Divock, période LOSC.
Divock, période LOSC.© belgaimage

Bourreau du Barça

Divock apprend ainsi qu’on peut être encensé puis traîné dans la boue, il apprend à relativiser tout ça et à retrouver la confiance. Ça va l’aider pour la suite de sa carrière. À Liverpool, il est plus souvent sur le banc que sur le terrain. Parfois, il n’est même pas repris mais il garde la tête froide. Il apprend à jouer du piano et à vivre davantage au jour le jour. Même un prêt à Wolfsburg ne lui permett pas d’être sélectionné pour la Coupe du monde 2018.

À Anfield, on lui fait comprendre qu’il est temps de partir mais il estime que le moment n’est pas encore venu. Le 7 mai, en demi-finale de la Ligue des Champions, il inscrit deux des buts qui permettent à son équipe d’éliminer le FC Barcelone. Il est en fin de contrat mais on lui propose immédiatement de resigner. Il donnera sa réponse après la finale de la Ligue des Champions à Madrid, le 1er juin. Au KFC Zwaluw on sait désormais qu’il n’est pas nécessaire de débuter dans un grand club pour atteindre le top mondial…

Divock Origi : des hauts et des bas

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