Dissidence en LEGA

Les dix clubs les plus puissants de la LEGA italienne de basket parlent maintenant de la création d’une compétition « fermée », sans possibilité de relégation à une division inférieure ni d’entrée en son sein sans l’accord des membres. Soit le modèle du championnat américain NBA.

De plus en plus, on constate une volonté farouche des grands clubs de sports collectifs de se départir de la « glorieuse incertitude du sport » qui fait rêver le public. Mais une compétition fermée présente des inconvénients au niveau juridique : un tel système contrevient manifestement aux règles européennes en matière de concurrence. L’accord envisagé en Italie s’oppose en effet à l’interdit énoncé par l’article 81 du Traité de l’Union Européenne. Cette disposition prohibe tout accord entre entreprises, verbal ou écrit (qu’il ait ou non force contraignante, qu’il soit ou non effectif), toute décision d’associations d’entreprises, toute pratique concertée entre entreprises, ayant pour objet ou pour effet de restreindre le libre jeu de la concurrence.

Depuis l’affaire Bosman, nul ne conteste qu’un club sportif ou une fédération sont bien des « entreprises » au sens du Traité européen, c’est-à-dire des entités exerçant des activités économiques, avec ou non un but lucratif. Les accords entre clubs sont donc bien soumis au respect des règles du Traité en matière de concurrence.

En régime de libre concurrence, la règle est que tout opérateur doit être à même de déterminer, en toute indépendance, son comportement sur le marché. Tout ce qui peut venir limiter cette liberté de l’opérateur économique, sur quelque paramètre que ce soit, est en soi contraire à ce principe fondamental et est par conséquent interdit.

Cadenasser un sport de haut niveau et réserver ses retombées économiques à quelques clubs privilégiés, sans possibilité d’accès à la compétition par le mérite purement sportif, est un accord qui a pour effet et pour objet de restreindre et même d’annuler le libre jeu de la concurrence sur le marché. La survie économique même des équipes ne faisant pas partie de la « Ligue riche » paraît en outre menacée par les effets potentiels de l’accord.

Ensuite, on ne conçoit pas a priori des raisons objectives et raisonnables, inhérentes aux particularités du monde sportif, qui pourraient justifier la création d’une compétition en vase clos.

On peut se demander si toute obligation, pour un club sportif, d’adhérer -sous peine d’exclusion- à un projet non indispensable au bon déroulement de la compétition et mis en place par une fédération ou par une Ligue de clubs, n’est pas une pratique constitutive d’un abus de position dominante prohibé par l’article 82 du Traité de Rome.

En dehors de la soumission nécessaire des clubs sportifs au règlement organisant le bon fonctionnement de la compétition, le principe de libre concurrence exige que chaque entreprise soit à même de déterminer, en toute indépendance, son comportement sur le marché. En ce compris sa stratégie en terme de marketing.

Dès lors que l’on sort du cadre des règlements nécessaires à la pratique du sport en compétition de haut niveau, une fédération ou une Ligue de clubs doit respecter le libre déterminisme de ses membres. A cet égard, rappelons que l’article 82, alinéa 2 du Traité européen cite, comme exemple d’abus de position dominante, la pratique du « jumelage » qui consiste à subordonner la conclusion d’un contrat à l’acceptation de prestations supplémentaires étrangères à ce contrat.

L’on a souvent prétendu, à tort ou à raison, que l’application des règles du droit de la concurrence au monde du sport, professionnel ou non, allait à terme conduire ce dernier à l’échafaud.

A voir néanmoins les propositions ci et là discutées par les dirigeants de clubs plus ou moins huppés, il semble au contraire, aussi paradoxal et surprenant que cela puisse paraître, que ces mêmes règles seront à très court terme le seul garant de la crédibilité et donc de la viabilité du sport professionnel en Europe.

Luc Misson

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