Disques et bougies

Sise dans un quartier paisible de Gosselies, la villa des Moury est coquette mais dénuée de prétention. Lorsqu’on en pousse la porte, on découvre un véritable nid de bien-être, décliné dans un camaïeu jaune et orange. Les meubles modernes mais toujours confortables côtoient des objets plus exotiques et partout, des bougies donnent une note d’intimité à l’intérieur.

Vous êtes très bien dans votre peau et vos adieux prochains au football, contre Mouscron, ne semblent pas vous émouvoir outre-mesure.

J’aurai un pincement au coeur mais je n’en fais pas un plat. Mon père sera triste pour toute la Belgique! J’en profite d’ailleurs pour rendre hommage à ma femme, à mes parents, qui m’ont toujours soutenu. Ma mère a lavé mon linge, mon père m’a suivi partout. Je garderai mes vrais amis. Je vais suivre les cours d’entraîneur, éventuellement jouer à un niveau inférieur et travailler. Le football est un univers à part. Même si j’ai d’autres centres d’intérêts, on y est largué, coupé du monde professionnel, de l’informatique…

Pourquoi vous êtes-vous installé à Charleroi?

Nathalie en est native. Je viens du Borinage mais au bout de dix ans, j’ai été adopté par les Carolos et sans renier mes racines, j’ai perdu contact avec les gens de ma région. Et puis, il y a des tas de bons restaurants à Charleroi. Nathalie et moi sommes complices, nous aimons la vie. Nous faisons tout à deux. Parfois, sur une impulsion, nous allons manger un bout dehors. Oh, j’ai été professionnel pendant dix ans mais je n’ai pas jeté l’argent par les fenêtres. J’ai acheté cette maison, j’ai géré mon argent, en réfléchissant chaque étape. Nous sommes spontanés pour les petites choses de la vie, pas pour le reste.

Vous êtes un connaisseur en vins. Comment cette passion vous est-elle venue?

Il y a deux ans, le vin rouge était quelque chose qui donne soif et qui pique dans la bouche, pour moi. Mais Monsieur Gaone nous invitait à manger une pizza arrosée de vin, du bon, chaque fois que nous gagnions, en D2. Comme les victoires se succédaient, j’y ai pris goût. J’ai commencé à en acheter. Je me suis parfois fait gruger. J’ai une cave de 150 bouteilles. J’aimerais en avoir 300. Ceci dit, je ne bois pas tous les jours, ce ne serait pas compatible avec le sport. Je partage ma passion avec mes frères et avec plusieurs Louviérois: Jonaitis, Delière, Scalia, Thans et Yousfi.

Vous aimez aussi la musique.

J’ai aménagé une chambre pour l’écouter et me relaxer. L’humeur du moment influence mon choix. Ça va de la Callas à la techno et à la metal. Disons que j’écoute la Callas quand je suis mélancolique et la metal quand nous avons perdu trois matches d’affilée! (il rit) A l’heure de prendre ma retraite sportive, j’ai peut-être un regret: n’avoir pas gagné suffisamment pour devenir disquaire ou négociant en vins, mais j’accomplirai mon travail avec coeur.

Vous êtes aussi un cordon bleu.

Lorsque nous recevons, j’aime cuisiner, non que je le fasse mieux que Nathalie, mais par goût. Je veux que tout soit parfait. Bien recevoir est un honneur, à mes yeux.

Vous vous êtes coupé les cheveux. Pour Nathalie?

Elle préfère que mon visage soit dégagé, c’est vrai. En fait, il me fallait une heure pour les sécher. Les supporters ont été fâchés: ils ne me reconnaissaient plus! Je n’attache pas beaucoup d’importance aux vêtements, pourvu qu’ils soient confortables. Ça va changer: après le foot, ce sera Hugo Boss.

Cultivez-vous un rêve?

Finir mes jours en Provence, au soleil. Nous avons vu beaucoup de pays, j’ai même été en Iran, où certaines femmes sont complètement dissimulées par leur voile. Bien que je ne sois pas grand croyant, Jerusalem m’a frappé et la froideur des Israéliens m’a déçu. J’aime le sud de la France pour sa cuisine, son soleil et la chaleur de ses habitants.

Nathalie Fievet partage la vie de Rudy depuis dix ans. Ils se sont mariés il y a six ans. Fille du tenancier de la cafétaria du Sporting, elle y a travaillé de 15 à 20 ans, avant de suivre une formation de vendeuse. Pourtant, c’est par hasard qu’elle a fait la connaissance de Rudy.

Nous partageons tout. J’écoute Rudy, je le rassure, car il a ses doutes et sous sa dégaine nonchalante, il est stressé. Etre joueur n’est pas évident. Il est dans la mire de milliers de personnes. Dans la rue, les gens l’interpellent. Ils jugent parfois son match en fonction des critiques des journaux. Rudy est un battant. Je l’épaule de mon mieux. Dans peu de temps, il aura davantage de temps à me consacrer, même si le football nous manquera. Au moins serons-nous ensemble le week-end. Je suis tous ses matches, du moins à domicile, car je n’ai pas de véhicule.

On peut dire que vous aimez le football?

Bien sûr, et nous en discutons même quand il a mal joué. Je le vois à son air quand il entre dans la salle des joueurs. Même s’il sait comment il a joué, il me demande mon opinion.

Comment réagissez-vous aux insultes?

Elles sont rares car Rudy se bat et les gens apprécient son engagement. Je me retourne. Un regard suffit. Je ne dis pas qui je suis. Pendant le match, je n’ai d’yeux que pour lui. Je suis tellement stressée que j’ai parfois des crampes au ventre. Lorsqu’il a fait une mauvaise passe, je sais pourtant que, dépité, il va tout faire pour surmonter ce creux. Evidemment, je regarde aussi le résultat. Alors, je lui dis: -Tu n’as pas bien joué aujourd’hui mais on a les points. Une chose me dérange: les gens qui pensent qu’il leur appartient.

Regardez-vous tous les matches qui passent à la télé?

Non. Nous suivons les Diables Rouges, nous avons regardé tous les matches de l’EURO mais sinon, il faut décompresser. Rudy ne passe pas son temps à disséquer la tactique de tous les matches.

Vous êtes complices…

Nous aimons la vie. Lorsqu’il a un week-end de congé, il me téléphone et me propose d’aller manger une choucroute en Alsace, par exemple. Je prépare un simple sac et nous partons. Rudy est ma force et vice-versa. Nous nous épaulons. Lorsqu’un problème surgit, nous en parlons devant un verre. Ça peut durer trois heures. Une fois par semaine au moins, nous dînons en tête-à-tête, aux bougies.

Vos journées sont plus longues que les siennes, pour l’instant.

En effet, même si je travaille à mi-temps, ce qui nous laisse davantage de loisirs. Lorsque je rentre tard, il prépare le souper, nous bavardons et je me détends, je dresse la table. Après, je fais la vaisselle.

Avez-vous un rêve?

Les mêmes que Rudy. Le moment est venu de faire un bébé! Fille ou garçon, peu nous importe, pourvu qu’il soit en bonne santé.

Quels sont vos loisirs personnels?

J’ai arrêté l’aérobic car je suis vidée en fin de journée. J’aime faire les boutiques mais seule. Il m’attend de l’autre côté de la rue et le sachant, je ne prends même pas le temps d’essayer. Il déteste faire le tour des rayons, piétiner devant les vitrines. C’est moi qui achète ses vêtements, d’ailleurs. Je connais ses goûts et il n’est pas difficile. Lui, il file chez le disquaire.

Vous vous trouvez quand même des défauts?

Nous sommes tous les deux jaloux. Toutefois, nous avons confiance en l’autre. Sinon, on ne vit plus. Lorsqu’il rentre plus tard, il me prévient. J’estime normal qu’il aille prendre un verre avec ses copains pour évacuer le stress. Par contre, je dois dire qu’il laisse tout traîner. Le soir, je peux reconstituer toute sa journée. Je n’ai qu’à le suivre à la trace. Il a quand même changé car s’il rentre avant moi, c’est lui qui trouve ma tasse vide sur la table. Oui, et moi, je fume trop, me répète-il!

Pascale Piérard

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