Pour beaucoup de gens, le jeune New Yorkais est l’héritier d’Arthur Ashe

Même si son périple parisien en Coupe Davis s’est récemment traduit par une dégelée (les Etats-Unis se sont inclinés en demi-finales et il a perdu l’un des premiers simples), James Blake a profité de son séjour dans la capitale française pour asseoir définitivement une réputation déjà bien amorcée.

Garçon bien sous tous les rapports, cet Américain qui fêtera ses 23 ans le 28 décembre prochain est apparu tel qu’en lui-même: poli, discret, disponible et, ce qui ne gâche rien, beau et intelligent.

Ce n’est pas un hasard. Lorsqu’on lui demande si une personne lui sert de guide spirituel, il répond sans hésiter:  » Arthur Ashe« . Mort du sida à la suite d’une transfusion, le champion noir américain passait pour un modèle, face notamment aux comportements racistes qui foisonnent encore trop de l’autre côté de l’Atlantique et dont il fut victime à maintes reprises tout au long de sa fabuleuse carrière.

Comme Ashe qu’il rencontra un jour à Harlem à l’occasion de cours destinés aux jeunes, James Blake a dû dans un premier temps abattre les barrières raciales qui s’érigèrent en travers de son chemin. Ancienne spécialiste du saut en longueur, sa mère Betty a été élevée en Angleterre. Mais c’est sur les courts publics de l’Armory, en plein quartier de Harlem à New York, qu’elle rencontra Thomas, un soldat de l’US Air Force, pacifiste et devenu végétarien pour manifester son opposition à la guerre du Vietnam. Ils avaient déjà deux enfants chacun mais l’amour les poussa à fonder ensemble une nouvelle famille.

James peut aujourd’hui profiter du soutien de ses quatre demi-frères et soeurs, ainsi que de son frère aîné Thomas Jr. Au sein de cette famille américaine, il n’y a place que pour l’amour et le respect mutuel.

Le parcours tennistique de celui qui s’approche aujourd’hui à grands pas du top 20 mondial tient du roman. Betty enseigna l’art du jeu au paternel, plutôt maladroit à ses débuts une raquette à la main. Celui-ci accéda tellement rapidement à la science du jeu qu’il devint ensuite enseignant bénévole d’un programme destiné aux enfants sages de Harlem. Le petit James ne tarda pas à suivre ses parents et son frère aîné au club, deux fois par semaine.

Craquant

De ses premiers pas sur un court, l’Américain dont le visage fait craquer les femmes se rappelle qu’il était un enfant finalement comme les autres. « Trop perfectionniste, je me mettais en rage dès que je faisais une faute », explique-t-il ainsi. « J’étais un sale gosse qui pleurnichait tout le temps. De plus, j’étais complexé par ma petite taille -NDLA: il mesure 1,85 aujourd’hui- et par le corset qui enserrait mon dos ».

Lorsque James eut six ans, la famille Blake vint s’installer à Fairfield, dans le Connecticut new-yorkais, en plein quartier résidentiel blanc. Six ans plus tard, il y rencontra Brian Barker, qui est encore son coach aujourd’hui. Cet homme lui apprit à maîtriser ses émotions. Il lui apprit surtout… à perdre. La timidité due au problème dorsal disparut quant à elle avec le temps: « A force de bosser et grâce aux soins que j’ai reçus au Shriners Hospital (dont il est devenu l’un des membres bienfaiteurs), j’ai pu recouvrer toutes mes capacités. Il me suffit dorénavant, pour protéger ma colonne vertébrale, de faire quotidiennement des exercices de musculation, plus particulièrement du côté gauche, qui se développe moins que le côté droit ».

L’inspiration d’Arthur Ashe lui permit, à lui ainsi qu’à ses parents, de bien réagir face à certaines remarques de géniteurs, vexés de voir leur enfant battu par un Afro-Américain. Les Blake se souviennent ainsi particulièrement d’un jour où, lors d’un tournoi familial, une maman s’approcha de Betty en lui disant qu’elle plaignait le petit James: « En tant que métis, il serait rejeté par les Blancs et les Noirs ». Au lieu de les abattre, ce genre de déclarations eut le don de renforcer le clan Blake. Surtout, il lui apprit à gérer les manifestations racistes.

Personne n’a oublié l’incident qui émailla la rencontre entre Blake et Hewitt l’an dernier à l’US Open. L’impétueux Australien se permit une remarque à forte connotation raciste. S’adressant à l’arbitre de chaise, il avait explosé suite à ce qu’il estimait une faute d’arbitrage: -Regardez-le (Blake), regardez le juge de ligne (il était Noir), et dites-moi s’il n’y a pas un air de ressemblance!

Hewitt réclama, et obtint, le remplacement du juge de ligne. Lorsque vint le moment des explications, le gamin d’Adélaïde s’enfonça dans des déclarations sans queue ni tête tandis que James Blake écarta lui-même avec une extrême élégance l’hypothèse de l’insulte raciale. Pour les médias américains, ce garçon-là était bien le digne héritier d’Arthur Ashe.

Grâce à son frère aîné à qui il voue une grande admiration, James franchit une à une toutes les étapes qui en firent un excellent junior. Champion des Etats-Unis sur terre battue et finaliste sur ciment, il termina l’année 1997 à la première place nationale avant de prendre le chemin… de la prestigieuse université de Harvard où il restera deux ans. Car en plus d’un excellent joueur, James Blake est un intellectuel.

En 1999, le garçon part s’installer à Tampa (Floride) où il suit les cours à l’académie Harry Hopman à Saddlebrook. C’est là qu’il développera son plus beau coup, le coup droit décroisé, et qu’il acquerra une foi sans bornes. C’est par la petite porte qu’il entrera sur le circuit. Tournois Futures, Challengers, qualifications figureront à son agenda jusqu’à l’obtention d’une wild-card à l’US Open 1999 où il est écrasé au premier tour par Chris Woodruff. Une certitude s’impose alors: s’il veut progresser, James Blake doit travailler davantage. « J’ai compris que les gars étaient plus forts que moi parce qu’il bossaient deux fois plus », se souvient-il.

Courier

Un autre homme intervient alors dans son parcouors: Jim Courier. A la retraite depuis peu, l’ancien numéro un mondial lui concocte un programme d’entraînement lui permettant d’améliorer son service et son revers à une main. Aujourd’hui, ces deux coups ne sont plus des failles dans lesquelles peuvent s’immiscer ses adversaires.

S’il connut des débuts prometteurs en Coupe Davis ( Patrick McEnroe l’intégra dans l’équipe américaine l’an dernier lors d’un match de barrage en Inde, où il remporta ses deux simples et le double aux côtés de son « grand frère » Todd Martin), James Blake doit encore s’améliorer dans les matches en cinq sets qui le firent trop souffrir par le passé (victime de crampes récurrentes, il renforça son régime en sodium pour combler ses carences).

En guise de préambule à l’US Open, James remporta au mois d’août son premier tournoi ATP à Washington, devenant ainsi le premier joueur de couleur à s’imposer dans la capitale américaine après… Arthur Ashe.

En Grand Chelem, il n’a toujours pas réussi à franchir plus de deux tours mais il ne fait aucun doute aujourd’hui que ce maigre bilan sera très vite battu.

Une dernière chose: lorsqu’il ne foule pas les courts, James Blake passe son temps à donner cours de manière bénévole à des enfants en compagnie de son frère Thomas qui est classé aux alentours de la 400e place mondiale (et avec qui il dispute parfois les doubles sur le circuit). Ou alors il prend place devant les spots des photographes pour des sessions photos destinées à des magazines de mode. Car, élu le joueur le plus sexy du circuit, James Blake est aussi mannequin à ses heures perdues.

Florient Etienne

Il a horreur des longs matches

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