Digne des Diables

« éa ne me fait pas peur », dit le deuxième attaquant de Feyenoord.

Dans les rues de Rotterdam, ThomasBuffel (21 ans) n’est pas dérangé. Dans sa hâte de rejoindre son foyer, en ce vendredi après-midi, le Néerlandais moyen s’intéresse davantage à la circulation qu’à un jeune Belge pris en photos devant le pont Erasme et au centre-ville. Un peu plus tôt, la nouvelle vedette de Feyenoord a signé moult autographes en quittant le terrain d’entraînement, situé à côté du Kuip. Une touriste anglophone l’a abordé. Ne voudrait-il pas poser pour une photo avec son groupe, deux filles et deux garçons, devant le fameux pont Erasme?

Il est d’accord. Souriant, Thomas Buffel évoque son enfance à Bruges. Les touristes lui demandaient souvent de prendre des photos. Avec ses copains, il avait inventé un jeu: il immortalisait leurs pieds, le ciel ou le monument situé derrière eux mais ces étrangers obtenaient rarement le cliché tant convoité et avaient une fameuse surprise à leur retour.

Il a passé l’âge de ces bêtises. Son amie, flamande, travaille également aux Pays-Bas. Il doit donc faire la vaisselle et, cet après-midi encore, sortir le chien. Son statut ne lui est pas monté à la tête. Il roule dans une banale Volkswagen break. C’est plus pratique, avec le chien. Sur les terrains, il est en train d’opérer cette percée qui a failli lui réussir il y a trois ans. Après deux saisons dans les équipes d’âge de Feyenoord, il s’était entraîné avec le noyau A et se préparait à passer à l’échelon supérieur. C’est à ce moment qu’il a commencé à souffrir du genou : « J’ai serré les dents car on attendait beaucoup de moi mais la douleur m’a vaincu. J’ai dû arrêter. Je ne me sens bien que depuis cet été, depuis que j’ai suivi un traitement chez Lieven Maesschalck. Je pense qu’avant, je n’étais tout simplement pas prêt à supporter ces entraînements intensifs et tous ces matches, avec les Réserves de Feyenoord et avec les équipes d’âge belges ».

Au lieu de rejoindre l’équipe fanion de Feyenoord, Buffel a été prêté à son club-satellite, l »Excelsior. Il y a récolté beaucoup de louanges, a été rappelé à Feyenoord, avec lequel il a entamé la préparation, l’année dernière.

Bert van Marwijk, l’entraîneur, a eu une conversation avec lui en début de championnat: il n’allait pas jouer souvent. Il devait donc choisir entre les Réserves ou une autre saison en D2, à l’Excelsior.

« J’y ai appris à être plus vif dans les duels », explique Buffel. « A mon arrivée, j’étais trop léger. Il y a évidemment une différence entre l’Excelsior et l’élite mais je m’entraînais quotidiennement avec des joueurs mus par la même ambition: jouer un cran plus haut. Parfois, les entraînements étaient vraiment rudes. Il m’est arrivé de douter de ma décision. A peine étais-je parti que l’infirmerie de Feyenoord s’est remplie. Smolarek et VanPersie ont saisi leur chance des deux mains alors que moi, je devais continuer à faire mes preuves à l’Excelsior ».

La place de Tomasson

Le voilà maintenant à la place de Jon-Dahl Tomasson, parti à l’AC Milan. Il évolue donc au poste de second avant. Durant la trêve hivernale, le directeur technique, Rob Baan, avait vu en Thomas Buffel le successeur de l’international danois.

« Ce n’était pas un cadeau », admet l’intéressé. « Le club a enrôlé Lurling, de Heerenveen, et Kalou a annoncé qu’il visait ma place. J’ai donc eu quelques doutes mais le club m’a expliqué que j’aurais ma chance, sans aller jusqu’à m’offrir des garanties. J’ai foncé ».

Bert van Marwijk : « J’ai convoqué Buffel il y a cinq semaines environ pour lui dire que j’étais très satisfait de lui. A ce moment, il était sur le banc et il n’était même pas exclu qu’il rejoigne la tribune. Pendant la préparation, il n’a pas joué régulièrement. Souvent, ces joueurs retombent à leur niveau antérieur. Pas lui. Il me l’a prouvé à l’entraînement. Voilà pourquoi j’étais si content de lui. La suite des événements m’a pris de vitesse, je l’avoue ».

Thomas Buffel : « Je suis content que l’entraîneur le soit! J’ai été suspendu lors des deux premiers matches de championnat. Je m’étais donc préparé à faire preuve de patience mais non, lors du troisième match contre l’Excelsior, j’ai obtenu ma chance. Je l’ai saisie des deux mains ».

Bert van Marwijk: « Mais nous devions affronter Fenerbahce, la Juventus et Newcastle en Ligue des Champions. C’est là qu’on a commencé à me faire des observations: pouvais-je risquer de jouer de tels matches avec trois jeunes, Buffel, Pardo et Song? Pourquoi pas, ai-je systématiquement répondu, s’ils se montrent à l’entraînement et dans les autres matches. Maintenant, plus personne n’aborde ce thème. Buffel a éclos d’un coup contre les géants de Newcastle et de la Juventus. Il est tout à fait possible de contrer la puissance et la taille par de la vivacité, des mouvements et du football ».

Thomas Buffel: « Il semble que j’ai franchi le cap sans problème. Je savais que j’en avais les aptitudes. Encore fallait-il les mettre en valeur sur le terrain. La Ligue des Champions constitue une épreuve à part. Tout va tellement plus vite! Ce qui m’a facilité les choses, c’est de débarquer dans une équipe solide, dotée de beaucoup de joueurs expérimentés qui dirigent les autres. A mes côtés, il y a Pierre van Hooijdonk, mais il ne faut pas oublier Bosvelt ni, derrière, Van Wonderen et Paauwe. Tout ça est encore tout frais. J’ai connu un contrecoup l’année dernière. Je m’endormais sur le banc. Au terme des playoffs, j’ai cru que des vacances et du repos me retaperaient mais je suis tombé malade au Mexique. Un scanner a révélé que mes sinus étaient complètement bouchés. On y a remédié ».

« Il ne baisse jamais les bras »

Bert van Marwijk: « Sa principale qualité, c’est de ne jamais baisser les bras. Il marque car, comme Tomasson, il se place souvent en bonne position. Il est aussi très collectif. Il fait de lui-même des choses que je dois expressément demander à d’autres. Il a très facilement trouvé sa place. Le fait qu’il ait été partiellement formé ici lui facilite la tâche en ce sens qu’il comprend rapidement ce qu’on attend de lui ».

Thomas Buffel: « Ma finition? Théoriquement, elle est susceptible d’être meilleure. Ce que j’apprécie, c’est de parvenir à me créer des occasions dans les matches internationaux. Si je peux les concrétiser, j’aurai franchi une étape de plus. C’est tout un processus: apprendre et sentir quand centrer. Peut-être suis-je plutôt de ceux qui permettent aux autres de marquer mais j’ai quand même inscrit quatre buts en autant de matches. Ce n’est pas mauvais ».

Bert van Marwijk: « Il a rectifié sa prise de balle. Avant, il fonçait dessus à 200 à l’heure, du rectangle à la ligne médiane s’il le fallait. Ce n’est évidemment pas permis: il faut doser ses efforts. Il l’a parfaitement compris. Comme on ne suit pas toujours ce genre de joueurs partout, je l’oblige à courir entre les lignes mais il est un des premiers à pouvoir exploiter les brèches derrière Pierre et il bouge de mieux en mieux.

Il a aussi progressé dans sa prise de ballon dans l’axe, un geste de plus en plus important dans la mesure où les espaces sont réduits. En plus, il pivote très court, ce qui lui permet d’éliminer un ou deux joueurs en un mouvement. Avant, il était possible d’induire une supériorité numérique par son seul jeu de position. C’est devenu nettement plus difficile car l’organisation et le physique se sont améliorés. Les joueurs doivent donc se débarrasser d’un adversaire par une action individuelle. Sur les flancs, il y a peu d’espaces et on est trop facile à neutraliser. Des éléments comme Buffel sont donc importants.

Je peux aligner Thomas sur le flanc, gauche ou droit. Un moment donné, contre la Juventus, j’avais quatre attaquants devant lui. Il évoluait dans l’entrejeu à côté d’ Ono mais sa meilleure position est celle à laquelle il joue maintenant: près de Pierre, comme deuxième avant. Thomas n’est, pas plus que Tomasson, un véritable avant, pas davantage qu’un médian. Il a besoin d’un attaquant à ses côtés, un homme qui lui convienne, grand, capable de garder le ballon, qui lui fasse savoir quand il doit le rejoindre et marquer. Mais il peut aussi privilégier la combinaison avec un joueur comme Ono, et chercher la profondeur. Un avant qui bouge beaucoup lui-même lui conviendrait moins, je pense ».

Thomas Buffel: « Notre jeu est basé sur les longs ballons vers Pierre. J’estime mieux m’en tirer derrière deux attaquants mais j’ai constamment un homme sur le dos. Je sais que j’ai encore une large marge de progression sur le plan international. Je m’y exerce énormément. Je vais profiter de la trêve pour reprendre ces entraînements spécifiques. Comme mon genou m’a empêché de faire des heures supplémentaires, je suis aussi convaincu de pouvoir beaucoup progresser en travaillant ma musculature. Plus spécialement les jambes et le buste, pour être plus explosif. Je ne l’ai encore jamais fait. Sans ballon, je ne suis pas tellement rapide, mais par contre, ballon au pied, ça va. C’est une question de technique. Il faut aussi choisir le bon moment pour foncer, afin d’obliger le défenseur à commettre une faute ou à se retenir. Dans les deux cas, on s’en débarrasse ».

Peter T’Kint

« Thomas fait spontanément des choses que je dois demander aux autres » (Bert van Marwijk)

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