Dieumerci, un Trésor !

Dominique D’Onofrio s’est mué en explorateur du Congo pour ramener un deuxième joyau à Sclessin : Mputu après Mbokani. Mais c’est dur…

Au Standard, c’est la bouteille à l’encre en matière de transferts rentrants et sortants. A une exception près : l’annonce du départ à Tottenham Hotspur du jeune Paul-José Mpoku (16 ans, milieu offensif), l’une des plus belles promesses des Rouches. Mais, pour ce qui est des renforts, c’est motus et bouche cousue. La seule certitude, c’est la cour assidue dont fait l’objet, depuis plusieurs mois, l’avant congolais du Tout-Puissant Mazembe de Lubumbashi, Trésor Mputu. Un garçon qui a déjà été visionné à plusieurs reprises et pour qui un protocole d’accord a même déjà été rempli en bonne et due forme. A cette nuance près qu’il se fait toujours désirer, six mois après les premiers contacts. Et même plus qu’avant…

Trésor Mputu et la Belgique, c’est une vieille histoire qui remonte à l’automne de l’année 2005. A cette époque, le président du Tout-Puissant Mazembe et gouverneur de la province du Katanga, Moïse Katumbi, fait savoir à Fabio Baglio, patron de la firme d’articles de sports Planet Sport en Belgique, qu’il possède dans son effectif un véritable… Trésor, dans toutes les acceptions du terme. Les deux hommes, à ce moment, se connaissaient depuis une petite dizaine d’années. En tant qu’importateur, pour notre pays, de la marque de sport italienne Errea, Baglio avait équipé de longue date le porte-drapeau du football à Lubumbashi. Qui plus est, il avait également souvent aidé des joueurs africains, à l’image des frères Ibrahim et Sydney Kargbo, au point de devenir leur homme de confiance. Une initiative qui s’est d’ailleurs perpétuée puisqu’il est, de nos jours, le guide d’une des révélations de la saison, le Carolo Geoffrey Mujangi Bia. Soucieux d’une ouverture européenne pour ses meilleurs éléments, au rang desquels figuraient, outre Mputu, un certain Dieumerci Mbokani, Katumbi chargea Baglio de jouer le rôle d’intermédiaire avec des clubs belges, surtout, considérés pour des motifs historiques comme des points de chute idéaux pour ses joueurs.

Un stage avorté à Anderlecht

Après la Coupe d’Afrique des Nations 2006, disputée en Egypte, Anderlecht fut le tout premier à se manifester. Son envoyé spécial, Albert Martens, était en effet tombé sous le charme de Mputu, auteur du but d’ouverture des siens lors de la première rencontre de poule des Simbas face au Togo, futur mondialiste.

 » A l’image des Pharaons, dont le noyau était constitué majoritairement de joueurs locaux, le Congo présentait la même particularité  » se souvient-il.  » A cette nuance près que la moitié de ces éléments étaient issus du même club, le Tout-Puissant Mazembe. Si Nganda Kasongo était un défenseur de talent, le duo d’attaque formé de Mbokani et Mputu sortait du lot. Au lendemain de l’épreuve, tous deux furent d’ailleurs conviés à un test au RSCA. Mbokani le réussit avec verve et chacun sait ce qu’il est advenu de lui entre-temps. Pour ce qui est de Mputu, le topo était différent. Blessé aux adducteurs, il avait dû interrompre prématurément sa période d’essai chez nous et était retourné en Afrique. Par la suite, nous avons voulu le rappeler à l’une ou l’autre reprise mais il n’a jamais répondu. Je pense que la situation sportive de son compère, réserviste au Sporting, l’avait refroidi.  »

La réussite de Mbokani au Standard, cette saison, change la donne. Cette fois, c’est le club de Sclessin, séduit par l’essor de son transfuge, qui décide de se mettre sur les rangs de Mputu, Le premier contact a lieu, l’automne passé, à l’occasion du match de qualification décisif pour la phase finale de la CAN 2008 entre le Congo et la Libye.

 » Marquez pas de chance, Mputu était blessé et n’a donc pu défendre ses chances  » observe Dominique D’Onofrio, émissaire des Rouge et Blanc pour les besoins de cette joute.  » J’ai quand même profité de l’opportunité pour prendre langue avec lui et m’informer de ses aptitudes. Les interlocuteurs de choix ne manquaient pas : Henri Depireux d’abord, alors sélectionneur des Simbas, ainsi qu’un ancien stoppeur de D1 à Alost et à Lommel, Jean-Claude Mukanya, adjoint de l’entraîneur Santos Muntubila au Tout-Puissant Mazembe. Tous deux s’accordaient à dire que ce garçon était de la graine des meilleurs. Depireux trouvait que ses parents n’auraient pu choisir de prénom plus approprié pour lui que celui de Trésor, précisément. Quant à Mukanya, ex-sociétaire de Lommel, il faisait ni plus ni moins le rapprochement avec Marc Degryse, qu’il avait bien connu chez nous. C’est assez dire si chacun était très élogieux à son propos « .

20.000 dollars par mois au Tout-Puissant Mazembe

Le frère de Lucien se promet, comme bien l’on pense, de revenir à la charge pour le joueur dès l’instant où celui-ci renouera avec la compétition au Congo. Mais en raison de la qualification historique de la Namibie (victorieuse 2-3 en Ethiopie) au détriment des Simbas (accrochés 1-1 à Kinshasa par la Libye), le championnat est mis en veilleuse dans tout le pays. Club-phare engagé en Ligue des Champions d’Afrique, le Tout-Puissant Mazembe se voit contraint de maintenir ses joueurs en condition ailleurs et met dès lors le cap sur l’Europe l’hiver passé. Au programme : des matches amicaux contre les doublures d’Arsenal, l’Atletico Séville, sociétaire de D2 espagnole et Charleroi sur notre sol.

 » Alors que j’avais été le premier à me rendre sur place, j’ai frémi en apprenant soudain l’intérêt des Gunners et d’autres entités comme le Hertha Berlin et l’Espérance Tunis pour le joueur « , souligne le directeur sportif du Standard.  » Il est heureux, somme toute, qu’ Arsène Wenger, le coach des Londoniens, ait affirmé que Mputu n’était pas encore prêt pour une expérience en Angleterre et qu’il avait besoin d’une étape intermédiaire pour se réaliser pleinement, sans quoi il aurait sans doute opté pour la Premier League. Dans la foulée, je me suis empressé de retourner au Congo en vue d’accorder les violons. J’ai passé une petite dizaine de jours à Lubumbashi, où j’ai assisté aux séances de préparation du club et à son implication sur la scène continentale face au FC 105 Libreville. J’ai compris deux choses : Mputu, habile des deux pieds et au sens du but aiguisé, est susceptible d’être un renfort de choix pour le Standard. D’un autre côté, c’est le chouchou du président et du public, qui ne jure que par lui. Aussi, la question que je me pose est la suivante : âgé de près de 23 ans et payé 20.000 dollars par mois au Tout-Puissant Mazembe, Mputu veut-il vraiment se réaliser en Europe ? J’ai l’impression qu’il a un peu peur de perdre son statut de star en quittant l’Afrique. Or, à Sclessin, il repartira de zéro. Je le lui ai dit. Et je lui ai fait savoir aussi que notre patience avait des limites. Si nous ne sommes pas fixés de façon définitive à la mi-mai avec lui, nous privilégierons d’autres pistes « .

 » Le Standard a au moins un avantage sur la concurrence  » conclut Fabio Baglio.  » C’est qu’à Sclessin, Mputu a la possibilité d’être à nouveau associé à son copain de toujours, Dieumerci Mbokani. C’est un garçon qui a besoin de repères dans la vie. C’est pourquoi je ne le vois pas opter pour une aventure dans un des pays du Golfe par exemple, où son nom ne constitue pas une inconnue non plus. De tous les clubs qui se sont manifestés pour lui, celui de Sclessin tient plus que jamais la corde. Mais si son président et lui-même n’ont toujours pas signé les documents de transfert dans notre pays, c’est dû aux ambitions du Tout-Puissant en Ligue des Champions d’Afrique. Cette compétition est, depuis des années, l’apanage des grands clubs égyptiens ou tunisiens. Cette fois, Mazembe peut espérer frapper un tout grand coup ( ndlr : ils sont en huitièmes et la finale se joue en juillet). S’il y parvient, Mputu aura bien mérité de ce club et plus rien ne s’opposera alors à son départ à Sclessin. Encore un peu de patience et tout finira par s’arranger « .

par bruno govers – photo: belga

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