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 » DIEU M’A PERMIS DE SORTIR PAR LA TOUTE GRANDE PORTE « 

L’inimitable Copa rédige son testament. Nom de dieu.

Extraits de SMS reçus de Copa quand on fixe l’interview :  » Salam. Désolé de la réponse tardive, je m’en excuse (…) Que Dieu nous garde (…) Inch’Allah.  » A la fin de cette interview, il s’empare de l’enregistreur et dit, bien fort :  » Quelle que soit la durée de la nuit, le jour va se lever.  » Du Copa tout craché. Peut-être le gars le plus sympa, le plus positif, le plus optimiste, le plus cool de notre championnat. Peut-être, aussi, le plus croyant. Quinze fois, il sortira le mot  » Dieu « . Quinze fois… Il a des éclats de rire puis devient mystique, il est concret puis mystérieux, il parle haut puis s’exprime presque tout bas, il tutoie puis dit  » Monsieur « …Rencontre avec un pilier de la compétition belge (arrivée en 2003, à Beveren) et un meuble de Lokeren (10 ans de présence en 2017). A bientôt 37 ans, c’est peut-être son interview testament. Que du bonheur.

Tu fais ta dernière saison à Lokeren, tes derniers mois en Belgique ?

BARRY COPA : Comme on dit, on connaît le passé, on vit le présent, on ne sait rien du futur. C’est Dieu qui décide. Je ne m’étais jamais imaginé que je passerais dix ans ici et une quinzaine de saisons en Belgique. (Il fait une pause et réfléchit). Dans un an, tu reprendras rendez-vous avec moi pour une autre interview et je serai dans un grand club. C’est fou de le dire mais je le dis. En tout cas, si j’ai toujours la santé. Et je prie Dieu chaque jour pour l’avoir. Quand je vois un gardien qui s’appelle Gianluigi Buffon qui a 38 ans, qui est toujours au top, qui a toujours faim, ça m’inspire.

 » ON NE RETIENT QUE CEUX QUI GAGNENT, MONSIEUR !  »

Si tu dois faire ton testament aux supporters de Lokeren, qu’est-ce que tu vas leur écrire ?

COPA : On ne retient que ceux qui gagnent, Monsieur ! Mes amis et moi, on s’est battus pendant des années pour gagner deux Coupes de Belgique et jouer en Coupe d’Europe. C’était grandiose. Et ça, ça va rester dans la mémoire des supporters. Lokeren m’a aussi permis de m’installer dans le but de la Côte-d’Ivoire quand l’immense Jean-Jacques Tizié m’a passé le témoin.

Quand tu vois tes coéquipiers de l’équipe nationale en Angleterre, en Espagne, en France et ailleurs, tu te dis que tu as manqué de chance ? Ou d’ambition ?

COPA : Je suis très content pour eux. Je prends plein de plaisir en voyant qu’ils en prennent. Ton destin, c’est Dieu qui le trace. Quand il décide que ça doit être comme ça, c’est comme ça. Je n’ai aucun regret, Monsieur ! Aucun regret ! Le championnat de Belgique m’a permis de faire trois Coupes du Monde, de faire trois finales de Coupe d’Afrique des Nations et d’en gagner une. Il y a des gens qui vivent dans des très grands clubs et qui n’ont jamais rien gagné avec leur équipe nationale. Tu connais Lionel Messi ? Un moment, il était tellement découragé de passer toujours à côté qu’il a même décidé d’arrêter. Alors, pourquoi je me plaindrais ?

Un bon club anglais, allemand ou espagnol prend rarement un gardien africain parce qu’il y a toujours des préjugés. Ça t’a peut-être handicapé ?

COPA : Je vois les choses autrement. Je rêvais d’être joueur de champ et je me dis que si je m’étais obstiné, je ne me serais peut-être jamais retrouvé en Europe. Je suis très content de ma vie. Je remercie Dieu pour tout ce qu’il m’a donné. Je préfère mal commencer et bien terminer. Ça n’a pas bien commencé puisque je n’ai pas été pris comme joueur de champ à l’Académie de Jean-Marc Guillou à Abidjan. Quand Guillou m’a accepté comme gardien, j’ai encore essayé de le faire changer d’avis mais j’ai vite compris que c’était mort. Si je voulais rester, je devais me mettre dans le but. Et ça se termine bien. Par la grâce de Dieu.

 » ON PEUT ME RENTRER DEDANS, PAS DE SOUCI  »

Tu es plus qu’à fond dans la religion, toi…

COPA : L’islam me permet de mieux me canaliser dans ma vie. Je suis très content de pouvoir m’appuyer sur la prière. Je me retrouve complètement dans ma religion.

On te pose parfois des questions, on te fait remarquer que tu es trop dedans ?

COPA : Quand tu as la foi, c’est difficile d’expliquer aux autres ce que tu vis. Mais je vis normalement, tu sais. Simplement, quand c’est le moment de prier, je prie au maximum. Quand c’est le moment de jeûner, je jeûne au maximum. J’essaie de respecter le Coran à la lettre mais je ne suis pas parfait. C’est pour ça que je prie beaucoup, pour demander pardon à Dieu.

C’est vrai que tu as ton coin dans le stade pour prier ?

COPA : Oui, je m’isole avant le match si c’est l’heure de la prière. Mais ce n’est pas méchant de prier… Il y a beaucoup de grands joueurs qui prient, tu sais. J’ai visité le stade de Barcelone. Là-bas, dans le tunnel, il y a une porte qui donne sur une petite salle où les joueurs peuvent s’isoler pour prier. Alors, si le grand Barça le fait, on ne va quand même pas reprocher à Copa de le faire !

Tu ne penses pas que tu te fais mal quand tu demandes continuellement pardon ?

COPA : Monsieur, il faut respecter les gens et on a besoin de tout le monde. Si tu veux avoir ta maison, tu vas avoir besoin d’un maçon et d’un menuisier. Tout le monde est important. Et j’accepte tout, tous les commentaires, toutes les critiques. Si on m’attaque, c’est parce qu’on veut que je progresse. On peut me rentrer dedans, pas de souci. Je prends toujours les choses du bon côté.

 » DANS LA TÊTE, J’AI 46 OU 56 ANS  »

Avant de retrouver le grand-père tranquille, Georges Leekens, tu t’es fait rentrer dedans par Peter Maes, comme tous les autres joueurs. On se fait facilement au changement ?

COPA : Je me suis toujours adapté à tout. On me rentre dedans ? Pas de problème, je rentre dans mon travail. Je ne le prends pas mal. C’est pour mon bien si un entraîneur fait ça. Et je ne me fais jamais de cadeaux à moi-même.

En quoi tu sens ton âge ? Tu sens au quotidien que tu as bientôt 37 ans et plus 27 ?

COPA : Jean-Marc Guillou me disait : -Tu as 20 ans mais tu dois en avoir 30 dans ta tête. Mon corps est toujours jeune, mais dans la tête, j’ai 46 ans, ou 56. J’ai toute l’expérience que je n’avais pas à 20 ans. Et j’ai la foi qui me permet de m’apaiser. Je sais que si je ne travaille pas bien, je ne serai pas bien récompensé ! Si tu fais du bien, tu auras du bien, c’est ce que mes parents m’ont appris. Travaille, travaille, travaille ! Et sois patient. C’est écrit dans le Coran.

Tu lis beaucoup le Coran ?

COPA : Il est partout. Chez moi, dans ma voiture, dans mon armoire du vestiaire. Je n’aime pas lire un roman. Après deux pages, je n’arrive plus à être concentré, je ne peux plus. Le Coran, c’est différent, je veux toujours savoir la suite. Mais ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire ou de miraculeux, tu sais ! Il y a plein de conseils pour mener une vie normale. Il faut respecter les gens, ne pas dire du mal, aider les nécessiteux et les orphelins, tendre la main aux autres, … Tout ce que j’essaie de faire dans ma vie de tous les jours.

 » LE SUCCÈS, C’EST VOLER D’ÉCHEC EN ÉCHEC  »

Tu ne te mords pas les doigts d’avoir arrêté l’équipe nationale l’année passée ?

COPA : Honnêtement ? Aucun regret Monsieur ! Dans la vie, il faut savoir partir, laisser sa place. J’ai fait près de 15 ans avec la Côte-d’Ivoire, j’ai tout vécu. Des expériences magnifiques, le trophée de la Coupe d’Afrique pour mon tout dernier match, des coéquipiers extraordinaires, des staffs extraordinaires, des dirigeants extraordinaires… Pendant 15 ans, on s’est battus pour gagner quelque chose, on est passés deux fois à côté de la CAN en perdant nos finales aux tirs au but. Certains ont lâché, ils ne sont plus venus. Découragés. Moi, je me suis accroché et on l’a enfin gagnée, cette Coupe d’Afrique. Je marque le tir au but décisif, c’était le moment rêvé pour raccrocher. Dieu m’a permis de sortir par la toute grande porte, il n’y avait pas mieux. C’était clair dans ma tête et j’ai tout fait dans l’ordre. J’ai d’abord informé ma famille que j’arrêtais. Puis j’ai pris un stylo, des feuilles et j’ai écrit un courrier au président de l’assemblée, au président de la République et au président de la Fédération. Ensuite, j’ai fait une vidéo pour le peuple ivoirien. Après tout ça, je me suis mis à prier pour que ça se passe bien pour la nouvelle génération. Je suis comblé. Comblé, Monsieur !

Avec cette séance de tirs au but complètement dingue contre le Ghana, ce 9-8 improbable, ton arrêt décisif et le but de la victoire que tu marques toi-même, tu es un héros national pour toujours ?

COPA : Héros national, c’est fort quand même, ce que tu dis là… J’ai été fait Officier de l’Ordre National, c’est vrai… ça veut dire beaucoup de choses et ça ne veut rien dire. Le plus important, c’est d’être entré dans l’histoire de la Côte-d’Ivoire. Disons que Dieu m’a permis d’être à la bonne place. C’est tout. La finale, c’est mon premier match du tournoi. Avant ça, j’étais sur le banc. Toujours positif. Puis notre gardien se blesse. A moi de jouer. On rate notre premier tir au but. Ensuite notre deuxième. Là, je me mets à mon poteau et je commence à parler à Dieu : -C’est toi le Tout-Puissant. Dieu, j’ai déjà joué deux finales, j’ai perdu deux fois. Tu m’as humilié devant les gens. J’ai accepté. J’ai continué à travailler. Maintenant, tu m’as permis de jouer cette finale. S’il te plaît, Dieu, si tu es le Tout-Puissant, le pouvoir t’appartient. Je sais que tu vas me le prouver tout de suite. Et voilà, ça a suivi. Après, j’ai gardé mon maillot jusqu’à cinq heures du matin, avec Kolo Touré. En 2012, on avait tous les deux perdu la finale de la CAN contre la Zambie, 8-7 aux tirs au but. Après ce match, je lui avais dit : -C’est la volonté de Dieu. Le succès, c’est voler d’échec en échec. Sans jamais renoncer. Sache qu’un jour, on aura le sourire. On ne lâche pas, Kolo. On continue. Alors, après la victoire contre le Ghana, je lui ai rappelé ce que je lui avais dit trois ans plus tôt. Il s’en souvenait très bien.

 » JE NE SUIS PAS GRAND, NI PAR LA TAILLE, NI PAR LE TALENT  »

Grâce à toi, Téléfoot est venu faire un reportage à Lokeren !

COPA : Oui, je me suis demandé s’ils ne s’étaient pas trompés de route… Je me suis dit : -Peut-être qu’ils voulaient aller tourner un reportage à Bruges. Des journalistes de TF1 ont pris le petit-déjeuner au stade de Lokeren, tu imagines ? … C’était aussi une belle reconnaissance pour ce petit club qui m’a tellement donné.

Tu confirmes à froid ce que tu as déclaré dans l’euphorie de la victoire en finale ?  » Je ne suis pas grand par le talent.  »

COPA : Je ne suis pas grand. Ni par la taille, ni par le talent. Mais tant qu’il y a la place pour travailler et progresser… On a dit : -Copa est petit, il ne fait qu’un mètre quatre-vingts, il ne pourra jamais jouer en Angleterre, et blablabla. C’est des excuses. Tout dépend de la philosophie du club qui te veut. Si Lokeren m’a pris et m’a gardé dix ans, c’est que j’entrais dans sa philosophie. Idem à Gand, où j’aurais pu signer au moment où je me suis engagé ici. Idem à Genk, qui me voulait quand j’ai eu le trophée de Gardien de l’Année. Mais je sais que je ne peux pas entrer dans la philosophie de tous les clubs. Impossible.

Tu penses que tu aurais fait une autre carrière avec dix centimètres de plus ?

COPA : C’est ce qu’on peut imaginer. (Il réfléchit). Ce que je sais, c’est qu’avec la taille que j’ai, j’ai joué avec des joueurs exceptionnels. Je ne peux pas me plaindre. Excuse-moi, je suis comblé, je te répète.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE – BRUNO FAHY

 » Quelle que soit la durée de la nuit, le jour va se lever.  » BARRY COPA

 » Je ne suis pas parfait. C’est pour ça que je prie beaucoup, pour demander pardon à Dieu.  » BARRY COPA

 » On connaît le passé, on vit le présent, on ne sait rien du futur.  » BARRY COPA

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