Diego Forlan

Pourquoi cet Uruguayen n’a-t-il atteint son meilleur niveau qu’au Mondial, à 31 ans ?

Positif

Capitaine de la seule sélection non européenne qualifiée pour le dernier carré (l’Uruguay n’avait plus été à pareille fête depuis 40 ans), Diego Forlan est un véritable meneur, très respecté par ses coéquipiers. Malgré une légère blessure, Oscar Tabarez a décidé de l’aligner quand même en demi-finale contre les Pays-Bas. Cela démontre l’influence qu’il a sur l’ensemble du groupe. En quarts, contre le Ghana, il a pris ses responsabilités de leader en transformant le premier tir au but.

A 31 ans, il s’appuie sur une expérience importante qui lui donne énormément de feeling dans les 16 mètres. Il sent littéralement où le ballon va arriver et possède l’art de profiter de la moindre erreur de son adversaire direct, ce qui, agrémenté d’une maîtrise devant le but, fait de lui un véritable buteur .

Il possède une frappe de balle exceptionnelle. Bien que droitier, il peut marquer des buts de loin du pied gauche également. Même si Maarten Stekelenburg est loin d’être tout blanc sur son but en demi-finale, son tir est décoché largement hors de la surface avec une puissance de 98 km/h. Il enroule très bien ses frappes et l’impact qu’il donne au ballon rend les trajectoires très flottantes. On peut donc le qualifier d’ambidextre.

L’ex-joueur de Villarreal est doté d’une couverture de balle de très haut niveau. Il anticipe remarquablement l’intervention de son opposant direct en utilisant très bien son corps pour faire écran. Il est passé maître dans l’art de mettre le pied sur le ballon tout en empêchant l’attaque adverse en utilisant l’autre jambe. Il joue magnifiquement dos au but et ses déviations sont du pain bénit pour ses coéquipiers qui appellent dans la profondeur.

Sa vitesse de course est de très bon niveau. Il raffole des appels de balle dans les espaces. Ballon aux pieds, il est très déroutant et il utilise toute sa puissance physique et sa force musculaire du haut du corps pour résister aux charges.

Aussi bien sur phases arrêtées (penalty ou coup franc) que dans le face-à-face avec le gardien, il garde son sang-froid en toute circonstance. Il fixe remarquablement les mouvements du gardien adverse et cela lui permet d’être le roi du contre-pied.

C’est typiquement le joueur qui sait se faire oublier pour surgir au moment décisif. C’est un joueur hyper important pour un entraîneur car il est capable de faire la différence à l’instant où ses adversaires et ses partenaires s’y attendent le moins.

Le capitaine de la Céleste est un vrai amoureux du football. Il respire la joie de jouer et l’envie de gagner est lisible sur son visage. On a pu voir toute sa détresse lors de son remplacement par Sebastian Fernandez à la 84e minute de la demi-finale alors que le score était de 3-1 pour les Pays-Bas.

Négatif

Vu son âge, on peut affirmer que cela sera sans doute sa dernière toute grande compétition mondiale.

Son palmarès manque un peu de relief au niveau collectif même si ses stats de buteur sont excellentes depuis qu’il joue en Liga. Par contre, son passage par Manchester United ne fut pas une grande réussite.

C’est un joueur qui frappe dans toutes les positions et qui est capable de scorer dans des angles impossibles. Mais cette qualité peut se transformer en défaut : parfois, il snobe la passe pour un partenaire mieux placé. Toutefois, ses équipiers lui en tiennent rarement rigueur sachant qu’il est capable de trouver l’ouverture à n’importe quel moment.

Il a le comportement type du vrai buteur mais les périodes où il joue à cache-cache durant un match sont trop fréquentes et se prolongent aussi bien trop longtemps. Il peut être élu homme du match par la différence qu’il fait en marquant des buts importants mais on ne peut que trop rarement le gratifier d’un match plein.

Il a un rayon d’action important, capable qu’il est d’appeler les ballons vers les flancs et de donner de bons centres. Toutefois, c’est quelqu’un qui manque de polyvalence. Il doit être positionné comme attaquant axial. De ce rôle, il a le loisir de partir vers les côtés mais l’inverse n’est pas vrai et on ne peut lui attribuer un poste d’attaquant latéral.

Son travail en perte de balle est réduit à sa plus simple expression. C’est quelqu’un qui compte plutôt sur ses partenaires pour s’occuper des tâches défensives. A sa décharge, il faut bien admettre que son ou ses adversaires directs n’osent pas trop se livrer offensivement face à une telle menace.

Même si sa technique de base, ses contrôles et sa conduite de balle sont de bons niveaux, on ne peut pas le placer dans la catégorie des dribbleurs fous. Il manque de spontanéité sur les premiers mètres et ses enchaînements techniques ne sont pas suffisamment rapides et variés pour pouvoir éliminer plusieurs adversaires sur quelques mètres carrés.

Malgré une bonne détente, un bon timing et un excellent sens du placement, son 1m79 l’empêche d’être un vrai spécialiste du jeu de tête (à l’instar d’un Miroslav Klose, par exemple). Il perdles duels aériens contre les spécialistes du jeu dans les airs. C’est en partie pour cette raison qu’il donne lui-même la plupart des corners. C’est aussi quelqu’un qui rechigne à s’engager pleinement dans le combat dans les airs. Il préfère jouer les deuxièmes ballons en tablant sur l’erreur.

Aurait dû passer par une étape intermédiaire avant de débarquer à Man U. En venant d’Amérique du Sud, il eût été plus opportun de commencer par Villarreal par exemple et de franchir un palier après s’y être imposé.

Né en 1963, Etienne Delangre joua comme défenseur au Standard de 1981 à 1992 (267m en D1 et 6b, champion en 82 et 83). Ex-chargé de cours à l’Ecole du Heysel, il coacha de la P1 à la D1 (Charleroi).

par étienne delangre

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