Dialogue nord-sud

L’homme fort d’Ostende et le président de Charleroi donnent le coup d’envoi de la nouvelle saison de basket.

Le championnat de basket 2002-2003 redémarre le week-end prochain. Même si l’on cite, çà et là, les noms d’outsiders comme Mons et Bree, tout porte à croire que l’on s’orientera vers un nouveau duel entre Ostende (champion en titre) et Charleroi (tenant de la Coupe). Les deux clubs phares du pays se sont déjà rencontrés à deux reprises durant la période de préparation. Les Spirous ont remporté la Super Coupe à Knokke et les Côtiers se sont imposés en finale du tournoi de Namur. La première manche officielle aura lieu dès la 3e journée de championnat, le 12 octobre. Pour lancer la nouvelle saison, Johan Vande Lanotte et Eric Somme ont joué l’entre-deux.

Le vice-premier ministre, passionné de basket, n’est qu’un simple membre du conseil d’administration à Ostende, mais c’est un secret de polichinelle qu’il tire les ficelles depuis la retraite de Rudolf Vanmoerkerke, désormais président d’honneur. Eric Somme, lui, est officiellement président de Charleroi, mais au-delà de cette fonction, on peut le considérer comme le grand manitou du basket wallon. Il agit même au-delà de la frontière linguistique: plusieurs joueurs sous contrat avec les Spirous joueront cette saison à Louvain. Pour le bien du basket belge, mais aussi parce que c’est son propre intérêt d’avoir une compétition forte. Ce qui, hélas, ne sera pas encore tout à fait le cas.

Comme la saison dernière, on ne trouvera que 11 équipes en D1. La nouvelle formule imaginée vous satisfait-elle?

VDL: Je crains qu’elle s’avèrera très compliquée pour le grand public. Mais il n’y a pas de bonne formule avec 11 équipes. Un nombre pair est toujours préférable. Les choses étant ce qu’elles sont, il faudra s’en accommoder.

Somme: A la limite, il aurait mieux valu un championnat avec dix équipes, pour éviter d’avoir une équipe byechaque week-end. Ce n’est pas tant la quantité d’équipes que la qualité de celles-ci qui importe.

Ostende a longtemps été partisan d’un championnat à huit équipes. Est-ce encore le cas?

VDL: Avec un plateau réduit, les équipes devraient se rencontrer quatre fois. Ce serait possible si l’on réduisait la durée des playoffs, ce qui sera déjà le cas cette saison. Huit équipes, ce ne serait pas l’idéal car les gens verraient souvent les mêmes têtes, mais je constate que lorsque nous accueillons Charleroi, nous devons fournir un effort pour… maintenir à l’extérieur les candidats-spectateurs qui n’ont pas pu trouver de places, alors qu’avec d’autres équipes, l’effort consiste surtout à trouver la solution pour remplir la salle.

La saison dernière, vous aviez déclaré: « Dans l’état actuel, chaque match nous coûte de l’argent. Avant de multiplier les rencontres, essayons d’abord de rentabiliser celles qui sont proposées ».

VDL: C’est la vérité. Sur l’ensemble d’une saison, nous rentrons dans nos frais grâce aux abonnements, aux business-seats et aux sponsors, mais si l’on tient compte uniquement des tickets d’entrée, la recette ne permet pas de couvrir les frais d’arbitrage, d’entretien, de primes aux joueurs, etc. Il faut être réaliste: pour l’instant, nous n’avons pas la possibilité de trouver en Belgique 12 équipes d’un niveau suffisant pour la D1. Il y a dix ans, lorsqu’on était champion de D2, on était tout heureux de pouvoir accéder à l’élite. Aujourd’hui, lorsqu’on remporte le championnat de l’antichambre, on se gratte les cheveux et on va parfois jusqu’à refuser la promotion. Impossible de trouver 12 clubs de D1!

Si l’on ne parvient plus à trouver 12 candidats à la D1, n’est-ce pas un peu la faute d’Ostende et de Charleroi qui se sont livrés à une surenchère financière telle que les autres ne peuvent plus suivrele mouvement?

VDL: Nous ne sommes pas les seuls à avoir augmenté notre budget. Des clubs comme Mons ou Bree l’ont fait également. C’est indispensable, si l’on veut demeurer compétitif à l’échelon européen. D’un autre côté, d’autres clubs belges diminuent leur budget. Par voie de conséquence, l’écart entre le haut et le bas s’accroît.

Pour présenter un plateau cohérent, la Ligue envisage d’ouvrir le championnat à des clubs néerlandais ou luxembourgeois. Qu’en pensez-vous?

VDL: Cela pourrait être une solution. Les Pays-Bas ne possèdent pas non plus beaucoup d’équipes performantes et auraient aussi intérêt à se rapprocher de la Belgique. Il faut trouver des clubs qui ont un potentiel de 3 à 4.000 spectateurs par match. Si l’on ne peut pas les trouver en Belgique, pourquoi ne pas les chercher hors frontières?

Le public se passionnerait-il pour la venue d’équipes néerlandaises, en particulier en Wallonie?

Somme: Je préfèrerais accueillir des équipes françaises, mais c’est utopique.

Quel est votre budget actuel?

VDL: 110 millions d’anciens francs. Il a été de 120 dans un passé récent, c’est donc une légère régression. Mais nous devons payer certaines dettes du passé.

Somme: Il est passé de 120 à 140 millions, mais nous avons un potentiel de chiffre d’affaires de 200 millions. Nous sommes également en train d’apurer un passif de quatre ans. Nous avons beaucoup investi. 6.500 places dans le Spiroudome

Charleroi inaugure le nouveau Spiroudome, d’une capacité de 6.500 places. Où en est le projet de nouvelle salle à Ostende?

VDL: Nous espérons qu’elle verra le jour en 2004. D’ici-là, Charleroi risque de prendre deux ans d’avance. Sans parler de Bree. Nous avions réussi à doubler nos revenus au cours des deux dernières saisons, mais nous nous heurtons actuellement à un plafond. L’Arena Mister V ne peut accueillir que 2.000 spectateurs. C’est insuffisant. Ostende a la plus petite salle de D1 et ne peut pas développer une stratégie de marketing conforme à ses ambitions.

Combien accueillez-vous de spectateurs payants en moyenne?

VDL: Si l’on ôte les abonnements et les business-seats, nous ne pouvons mettre que 1.000 places en vente à chaque match, en raison de l’exiguïté de la salle.

Somme: J’inclus les abonnés et les invités des sponsors parmi les spectateurs payants. Car, si ces gens ont droit à des places, c’est parce qu’ils ont payé pour être sponsors. Des actions sont aussi régulièrement organisées avec des PME. A partir de là, je pars sur une base de 3.000 à 3.500 spectateurs payants. La saison dernière, avec la capacité de la Coupole limitée à 3.600 places, nous affichions quasiment complet à chaque match. L’objectif, avec le nouveau Spiroudome, est d’accueillir 5 à 6.000 spectateurs, et je suis certain de l’atteindre. Des études ont été réalisées. Nous n’avons pas attelé la charrue avant les boeufs: cela n’aurait servi à rien d’agrandir l’enceinte si c’était pour la laisser à moitié vide. L’idée est de vendre un spectacle. Pour présenter ce spectacle, il faut prévoir une animation: show, musique, ambiance, couleur, etc. Cela passe aussi par la gastronomie. C’est un tout, et dans ces conditions, les gens viendront quel que soit l’adversaire: Ostende, Vilvorde ou, dans le cas d’une Bénéligue, Almere ou Zwolle. Pourquoi des politiques différentes?

En Flandre, certains sont jaloux de l’aide apportée par les pouvoirs publics (villes, communes, régions) aux clubs de l’élite. D’aucuns vont jusqu’à parler de concurrence déloyale.

VDL: Personnellement, je ne suis pas jaloux. Mais il est évident que les politiques sportives sont différentes en Flandre et en Wallonie. Dans le nord du pays, on préfère favoriser le sport pour tous que le sport d’élite. Charleroi s’est proclamée ville sportive. Ce serait inconcevable en Flandre. Je me verrais mal demander un euro à la ville d’Ostende pour subsidier le club de basket.

Pourquoi Charleroi aide-t-il d’autres clubs?

Somme: J’estime que les clubs porteurs ont un rôle à jouer vis-à-vis des plus petits clubs. Personne n’a intérêt à se retrouver avec une compétition à quatre ou cinq équipes. Ma philosophie est d’aider des clubs situés dans des villes où existe un potentiel. Une ville comme Alost présente davantage d’atouts pour accueillir un club de basket que Gand, par exemple. La nouvelle équipe de Ronny Bayer a vendu un millier d’abonnements pour cette saison en D2: c’est exceptionnel. Si l’on trouve de bons dirigeants, tout le monde aurait intérêt à revoir le plus rapidement possible Alost en D1. A contrario, et même s’il est regrettable que la capitale de l’Europe n’ait plus de club parmi l’élite, j’estime que l’on ne parviendra jamais à créer un grand club de basket à Bruxelles. Un projet a plus de chances d’aboutir dans la périphérie: à Alost, à Louvain ou à Braine-l’Alleud autrefois. En Wallonie, j’estime qu’il faut absolument maintenir en vie un club comme Pepinster. Lorsque je vois cette salle où 2.000 personnes se pressent à chaque match, je me dis que ce serait malheureux que ce club disparaisse. En revanche, Namur s’est plutôt créé une tradition de basket féminin. Implanter une équipe masculine là-bas relève de la gageure.

Charleroi a conclu un partenariat avec Louvain, un club de la même division. Cela ne pose-t-il pas un problème d’éthique?

Somme: Ce genre de remarque me fait toujours rire. A l’époque où Namur était en D1, les confrontations avec Charleroi étaient toujours très acharnées. Il en ira de même avec Louvain cette saison: je suis convaincu que le déplacement au Redingenhof sera peut-être le plus périlleux de tous pour les Spirous.

VDL: En basket, c’est très difficile d’ arranger un match. En football, lorsque le gardien laisse passer un ballon entre ses jambes, c’est 1-0 et le match a pris tournure. Pour remporter un match de basket, il faut inscrire 80 ou 100 points. Un seul panier raté est rarement déterminant. En outre, une équipe de football se compose de 11 joueurs. S’il y a un traître, il peut se calfeutrer dans l’anonymat. En basket, si un joueur est soudoyé, on le remarquera immédiatement parmi les cinq éléments de son équipe. J’ai parfois vu un joueur américain aider l’un de ses compatriotes, mais jamais un club se laisser battre volontairement par un autre club. Qui sera champion?

Entre Ostende et Charleroi, qui aura le dernier mot cette saison?

VDL: Nous avons été champions ces deux dernières années, grâce surtout à un recrutement exceptionnel. Nous avons eu la main heureuse avec J.R. Holden et Ralph Biggs, puis avec Virginijus Praskevicius, Andrius Giedraitis et Ed Cota. L’an passé, VP aurait dû nous quitter. Il nous est revenu in extremis parce que l’Espagne avait fermé ses portes aux joueurs de l’Est, considérés comme étrangers. Cette saison, il est parti à Istanbul alors que nous espérions le conserver. C’est la vie: parfois la chance sourit, parfois pas. Il faudra voir ce que donneront les nouveaux. Actuellement, Charleroi me paraît mieux équilibré que la saison dernière. On a beau dire qu’il faudra surtout être prêt pour les playoffs, mais il me paraît évident que le classement de la saison régulière – qui détermine l’avantage du terrain lors des playoffs – demeure déterminant. Dans l’état actuel, Charleroi est toujours incapable de gagner à la côte, comme Ostende est incapable de gagner au Pays Noir. Cela s’est encore vérifié la saison dernière.

Daniel Devos

« Le basket belge n’a pas besoin de trop de clubs mais de bons clubs » (Somme)

« Impossible d’arranger un match de basket » (Vande Lanotte)

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