Diabolique Vossen

Comment Rudi Vossen a-t-il vécu la première titularisation de son fils Jelle chez les Diables Rouges ?

Pour le déplacement au Kazakhstan, GeorgesLeekens avait choisi de jouer en 4-4-2 en offrant une première titularisation à Jelle Vossen, aux côtés de RomeluLukaku. On allait donc avoir la réponse à une question que beaucoup de gens se posaient : le meilleur buteur du championnat de Belgique (13 buts en 10 matches) était-il également capable de tirer son épingle du jeu au niveau international, fût-ce face à la 136e nation mondiale ? La réponse est oui. Même si c’est Marvin Ogunjimi qui a inscrit les deux buts à Astana, c’était à chaque fois sur des envois de son compagnon de club, repoussés par le gardien. Par rapport à Genk, où c’est plutôt Jelle qui prolonge dans le but les envois de Marvin, les rôles ont été inversés. Mais peu importe : le duo fut gagnant.

 » Je suis généralement très critique envers mon fils, mais je dois avouer que j’ai beaucoup apprécié sa prestation, vendredi soir « , admet RudiVossen, ancien joueur du FC Liégeois (trois saisons en Juniors UEFA et sept ou huit matches en Première aux côtés de NicoDewalque, PaulCourant et WillyVliegen e.a.) et du SC Charleroi (deux saisons aux côtés, là aussi, de plusieurs Limbourgeois comme JackyMatthijssen, BertoBosch ou NorbertBeuls).

 » Il a effectivement confirmé les bonnes dispositions qu’il avait laissées entrevoir à Genk en ce début de saison. Je lui ai d’ailleurs envoyé un SMS de félicitations après le match, alors que d’habitude, je souligne plutôt ses manquements. Ce qui me frappe, c’est qu’il y a deux mois, personne ne le connaissait, en dehors des habitués du RC Genk et du Cercle Bruges. Et encore : même à Genk, on doutait de lui. Aujourd’hui, on attend peut-être trop de lui. Il n’a que 21 ans, ne l’oublions pas. « 

Aller dormir chez ses parents

Tout est allé très vite, en effet, pour Vossen.  » Il y a un an, Jelle avait dû quitter Genk car l’entraîneur en place, HeinVanhaezebrouck, ne croyait pas en lui « , rappelle Rudi.  » Cela n’a pas été facile à accepter : le Racing est le club de son c£ur, il y joue depuis ses 12 ans. Il a été prêté au Cercle Bruges où il a trouvé, en GlenDeBoeck, un entraîneur qui lui a fait confiance. Il l’a titularisé dès le premier match, à Charleroi, et Jelle l’a remercié en inscrivant deux buts. Mais la malchance l’a ensuite frappé : une fracture du péroné l’a écarté des terrains pendant quatre mois. Il s’est rétabli plus vite que prévu et a directement retrouvé sa place. Il se plaisait bien au Cercle. Jelle pouvait suivre De Boeck au GBA et n’était pas particulièrement enchanté de revenir au stade Fenix, cet été, en retour de prêt. Il voulait surtout éviter de retourner sur le banc. Je savais que FrankieVercauteren était prêt à lui faire confiance, mais aucun entraîneur ne peut garantir une place de titulaire à un joueur. J’ai dit à mon fils, d’une manière un peu crue : – Jelle, il n’y aqu’un seulendroit sur terrel’onpeutêtresûrdesaplace, c’estaucimetière ! Il était disposé à se battre pour mériter d’être titulaire, mais pour tout avouer, il y avait aussi un différend financier. Il lui restait un an de contrat, et pour resigner, il souhaitait obtenir un meilleur salaire que ce qu’on lui proposait. Les deux parties ont fini par accorder leurs violons et Jelle a prolongé jusqu’en 2015.  »

Au départ, Vossen était plutôt considéré comme le troisième attaquant. Vercauteren semblait vouloir titulariser Ogunjimi aux côtés d’ ElyanivBarda. C’est une suspension de Marvin qui a obligéVercauteren à faire débuter Jelle.  » Lorsque la chance se présente, il faut être capable de la saisir « , précise Rudi.  » Jelle l’a fait : deux buts contre l’Inter Turku au 1er tour préliminaire de l’Europa League, deux buts contre le Germinal Beerschot au 1er match de championnat, encore deux buts à Porto. Il a eu la chance, aussi, d’être intégré à une équipe qui tournait, ce qui n’était pas le cas lorsqu’il était parti en 2009.  »

Jelle était lancé, plus rien n’allait l’arrêter : après 10 matches de championnat, il totalise déjà 13 buts.  » Certains ont déjà calculé qu’à ce rythme-là, il atteindrait un total de 39 buts en 30 matches, au terme de la phase classique « , constate Rudi.  » Soit autant qu’ ErwinVandenbergh en 1979-80, lorsqu’il était devenu le meilleur buteur européen sous le maillot du Lierse. Oublions ! Jelle ne marquera pas à chaque match. Sa seule ambition, au départ du championnat, était de jouer le plus possible. Si vous lui aviez proposé d’inscrire dix buts sur tout le championnat, il aurait signé des deux mains. Ce dont les gens ne se rendent pas encore assez compte, c’est que Jelle est aujourd’hui capable de livrer un bon match sans marquer. Il l’a encore démontré à Astana. Il ne doit pas être uniquement jugé sur ses buts, il travaille beaucoup entre les lignes.  »

On raconte qu’à la veille du match contre le GBA, où il réussi un doublé, Jelle était venu dormir chez ses parents et que, superstitieux, il ne déroge plus à cette habitude depuis lors.  » C’est exact « , confirme Rudi.  » Sauf qu’il n’a pas attendu ce match contre le GBA pour venir dormir chez nous. « 

Complémentaire avec Ogunjimi

En équipe nationale, aussi, tout est allé très vite pour Vossen. Le 11 août, il n’était pas du déplacement en Finlande, pour le match amical des Diables. Leekens l’avait laissé à la disposition de JeanFrançoisdeSart pour un autre match, à enjeu celui-là, des Espoirs en France.

 » Mais, blessé, Jelle était resté dans la tribune à Vannes « , se souvient Rudi.  » C’est à l’occasion des deux premiers matches de qualification contre l’Allemagne et la Turquie qu’il a été appelé pour la première fois dans le groupe des Diables Rouges. Je m’attendais à ce qu’il reste, là aussi, dans la tribune, et je lui ai d’ailleurs conseillé d’apprendre un maximum en observant ses coéquipiers, mais il a tout de même pu monter au jeu quelques minutes contre la Mannschaft. A Istanbul, il était de nouveau dans la tribune. Et puis, vendredi, il a fêté une première titularisation ! J’ai eu du mal à y croire.  »

Vossen s’est senti à l’aise sur le terrain synthétique d’Astana.  » Au départ, je pensais qu’il aurait une appréhension « , avoue Rudi.  » Car, la saison dernière, c’est sur le semi-synthétique de Lokeren qu’il s’était blessé. « 

Sa complémentarité avec Ogunjimi a sauté aux yeux.  » Jelle et Marvin jouaient déjà ensemble avec les Espoirs de Genk, au sein d’une très bonne génération entraînée par RonnyVanGeneugden qui comprenait aussi DavidHubert, ChristianBenteke, SashaIakovenko, SvenVerdonck et j’en oublie. Ils avaient décroché le titre. Marvin était le n°9 et Jelle jouait légèrement en retrait. En trois ou quatre ans, ils ont appris à se connaître et se trouvent les yeux fermés. En fait, Marvin est un véritable attaquant de pointe, un target-man, capable de jouer dos au but, alors que Jelle (comme Barda) est davantage un deuxième attaquant, qui doit tourner autour, courir beaucoup et plonger dans l’espace. Leur association coule de source.  »

Jelle joue en équipe nationale depuis ses 14 ans.  » Il fait partie de la génération d’ AxelWitsel, TobyAlderweireld et VadisOdjidja. Dans les catégories d’âge, ces trois-là étaient au-dessus du lot. Aujourd’hui, Jelle a haussé son niveau pour devenir, lui aussi, international. Je ne peux que lui tirer mon chapeau.  »

Le sens du but, Vossen l’a toujours eu.  » Il a une grande qualité : il cadre pratiquement tous ses envois. Que ce soit en match ou à l’entraînement. Quand on cadre, on a forcément plus de chances de marquer que lorsqu’on tire à côté. « 

Une qualité que Jelle n’a pas hérité de son papa : Rudi ne jouait pas comme attaquant, mais comme… arrière gauche !  » Lorsque Jelle était petit et qu’on jouait tous les deux dans le jardin, je prenais un malin plaisir à lui envoyer le ballon sur le pied gauche, afin de l’obliger à utiliser son mauvais pied. Il râlait : – Papa, surmonpieddroit s’il te plaît ! Aujourd’hui, Jelle a progressé du pied gauche, mais cela reste un aspect à travailler. Moi, c’était l’inverse : je ne me servais quasiment jamais de mon pied droit.  »

Selon son père, la principale qualité de Jelle est son caractère.  » Il est fort mentalement et n’abandonne pas facilement. Si un entraîneur ne croit pas en lui, il travaillera deux fois plus pour lui démontrer qu’il a tort. « 

Rudi estime qu’aujourd’hui, son fils a franchi un cap.  » Jadis, il voulait forcer le destin lorsqu’il entrait au jeu pour quelques minutes. Désormais, même s’il doit encore confirmer, il a démontré sa valeur et est plus serein. Il sait qu’il ne marquera pas à chaque match et est préparé aux réactions qu’une période de disette engendrerait immanquablement. Je pressens déjà ces remarques : – Voilàtroismatchesqu’iln’apasmarqué, quesepasse-t-il ? Mais rien, cela arrivera et ce sera logique…  »

Malgré sa réussite, Jelle garde les pieds sur terre.  » Et quand bien même il aurait tendance à décoller, je suis là pour le ramener à la raison. « 

par daniel devos – photos: belga

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