Diable et Lion

Deux Bruxellois d’origine congolaise ont effectué leurs débuts en équipe nationale belge en foot et basket.

Pour le footballeur de La Gantoise Gaby Mudingayi (21 ans), la première cape chez les Diables Rouges fut fêtée le 30 avril à l’occasion d’un match amical contre la Pologne. Le basketteur Duke Tshomba (24 ans) est devenu un Belgian Lion à part entière lors d’un tournoi lui aussi amical en Italie, début juin.

Qu’est-ce qui vous a orientés, l’un vers le football, l’autre vers le basket ?

Mudingayi : Simplement, le sentiment d’avoir découvert le sport pour lequel on était fait. Lorsqu’on est gamin, on cherche d’abord à s’amuser et on touche à tout. Je me suis essayé aux sports de combat, sans accrocher. Puis, j’ai tapé dans un ballon de football et je me suis directement passionné. C’est un don que l’on a en soi.

Tshomba : C’est une question de sensations, effectivement. J’ai tâté du football au départ. Je n’étais pas mauvais… comme des millions de gens en Belgique, mais je n’accrochais pas réellement. J’ai ensuite essayé le… skateboard. Ce n’était pas mon truc non plus. Un jour, j’ai suivi mon frère aîné Butch sur un playground. Ce jour-là, le Cupidon du basket m’a touché. Je me suis rendu compte que j’apprenais plus vite les gestes techniques que pour les autres sports.

Quel regard portez-vous sur le sport de l’autre ?

Mudingayi : Lorsqu’on part en mise au vert, on regarde souvent les matches de NBA sur Canal+. C’est magique. Mais le basket belge ne me passionne guère. On joue au ralenti. Je connais un peu Charleroi, mais c’est tout.

Tshomba : Cela ne m’étonne pas. C’est le fruit de la politique de marketing menée par les Spirous. Il faut en prendre exemple. Ils n’avaient plus été champions depuis quatre ans, mais ils sont connus de tous. Lorsque je regarde Manchester United, puis que je tombe sur un match de football belge, ce n’est pas pareil non plus. Le football reste mon premier amour, mais je le suis aujourd’hui d’un £il distrait.

Que représente pour vous une sélection en équipe nationale ?

Tshomba : Il n’y a rien de mieux. En basket, une sélection nationale a sans doute moins de prestige qu’en football, mais c’est une récompense pour tout le travail effectué. Une réponse, aussi, à tous les sceptiques. A l’école, j’ai dû entendre de nombreux commentaires, pas toujours très positifs. Mes professeurs ne comprenaient pas toujours la voie que j’avais suivie.

Mudingayi : Je suis fier d’être devenu un Diable. J’ai travaillé pour y arriver, mais je ne pensais pas que je serais convoqué aussi rapidement. En 2000, je jouais encore en D3 avec l’Union Saint-Gilloise. Je dois beaucoup à mes prestations avec les Espoirs. Ma sélection avait surpris beaucoup de monde, car je n’étais pas un titulaire indiscutable avec La Gantoise. C’est le kiné du club qui m’a appris la bonne nouvelle. Au départ, je ne l’ai pas cru. Puis, le téléphone a commencé à sonner. J’ai dû couper mon portable à 23 heures, car cela n’arrêtait pas. Tous les journalistes du pays voulaient avoir ma réaction. Là, j’ai compris que ce n’était pas une plaisanterie. J’espère que ce nouveau statut améliorera mes relations avec l’entraîneur Jan Olde Riekerink. Le courant n’est pas toujours bien passé. Je ressentais davantage de confiance de la part de Patrick Remy, son prédécesseur.

Tshomba : Le grand public m’a découvert lorsque j’ai inscrit 38 points en demi-finale de la Coupe de Belgique contre Bree, mais des matches comme celui-là, j’en ai fait plusieurs. Seulement, en D2, ils passaient inaperçus. C’est comme pour les footballeurs : marquer au Stade Roi Baudouin ou au Freethiel de Beveren, ce n’est pas pareil. Si les basketteurs sont moins médiatisés que les footballeurs, c’est dû à la tradition mais aussi aux résultats. Les Diables ont encore disputé la Coupe du Monde, l’an passé. Les Lions essayent péniblement de se qualifier pour un Championnat d’Europe depuis dix ans.

Matonge

Avez-vous le sentiment de représenter la communauté congolaise ?

Tshomba : Plus que jamais. J’espère avoir montré la voie à d’autres. Lorsque je vois des garçons qui portent un maillot avec mon nom dans le dos, j’ai envie de leur dire : -Vous voyez, c’est possible d’y arriver.

Mudingayi : Lorsque je me balade à Matonge, le quartier congolais de Bruxelles, beaucoup de gens me disent qu’ils sont fiers de moi. Je suis un peu leur ambassadeur.

Avez-vous encore des liens avec le Congo ?

Mudingayi : Je suis né à Kinshasa. A 10 ans, j’ai émigré en Belgique. J’ai grandi à Etterbeek. Actuellement, j’ai un appartement à Auderghem. J’ai toujours de la famille au Congo. Je reste en contact avec ces gens, mais je ne me suis plus rendu sur place depuis un bon bout de temps. Jadis, j’ai refusé une sélection en équipe nationale congolaise. Aujourd’hui, j’ai été accueilli parmi les Diables Rouges, mais je n’oublie jamais d’où je viens. Mon pays d’origine compte beaucoup pour moi.

Tshomba : J’ai encore de la famille au Congo également. Mais contrairement à Gaby, je suis né à Bruxelles et j’ai grandi dans diverses communes de l’agglomération bruxelloise. Je ne raisonne pas différemment d’un Belge. Les quelques fois où je suis retourné au Congo, les gens se sont aperçus que j’étais un peu dépaysé.

Avez-vous été confrontés au racisme ?

Tshomba : La discrimination existe, c’est clair. Certains y sont plus sensibles que d’autres. Lorsque j’habitais à Schaerbeek et que je jouais au football dans cette commune, on ne faisait aucune allusion à la couleur de ma peau. Les trois quarts des joueurs de l’équipe étaient des immigrés. Lorsque je suis passé à Machelen, j’ai fait partie de la minorité. Le regard était différent. C’est peut-être cette sensation de malaise qui m’a orienté vers le basket.

Mudingayi : Personnellement, j’ai surtout ressenti les attaques lorsque j’ai gravi les échelons. Lorsque je jouais avec les copains au RC Etterbeek, je n’étais pas victime du racisme. Je m’amusais comme tous les autres gosses. Lorsque j’ai intégré l’équipe Première, j’ai commencé à sentir que je prenais la place d’un autre. D’un vrai Belge, peut-être. C’était sans doute davantage de la jalousie que du racisme.

Tshomba : Un jour, à l’étranger avec l’équipe nationale des Cadets, on est venu me trouver pour m’expliquer que je ne pourrais pas être aligné parce qu’administrativement, je n’étais pas en règle. Etait-ce une erreur ou une mauvaise intention ? Je suis né en Belgique et j’ai une carte d’identité belge depuis l’âge de trois ans.

Reconnaissance

Quel message voudriez-vous faire passer ?

Mudingayi : Faire comprendre que le talent finit toujours par être reconnu. Que l’on soit noir, blanc ou jaune. Les Diables Rouges ne peuvent pas se permettre de passer à côté des talents qui militent dans le championnat de Belgique, quelle que soit l’origine du joueur. L’immigration est un fait de société, il faut en tenir compte. La France est devenue championne du monde avec une équipe black-blanc-beur.

Tshomba : Les sportifs qui se trouvent sur le terrain sont simplement des garçons passionnés par leur sport et qui essayent de l’exercer de la meilleure manière possible. La couleur de la peau n’a rien à voir avec le talent. Ce serait stupide de notre part de prétendre que, parce que nous sommes noirs, nous avons plus d’atouts pour réussir dans le sport que les Blancs. Il faut chercher le talent là où il se trouve.

Votre avenir immédiat ?

Mudingayi : Je resterai à La Gantoise.

Tshomba : Pour moi, ce sera Anvers. Le discours de Ronny Bayer m’a plu. C’est un homme qui a tout gagné en tant que joueur. Il pourra m’enseigner ce qui me manque. L’été dernier, j’avais participé à la SummerLeague de Trévise et j’avais suscité l’intérêt des recruteurs de Reggio de Calabria, un club italien de D1. Ils étaient prêts à me proposer un contrat de trois ans, mais l’entraîneur ne pouvait pas me garantir une place dans la rotation. A mon âge, j’ai besoin de jouer. Etre sur le banc, ce n’est pas marrant, même si on dispose d’un beau contrat.

Mudingayi ( ilacquiesce) : L’étranger m’intéresse, en particulier l’Angleterre, mais je ne veux pas brûler les étapes. Si je pars et que je me retrouve sur le banc, je risque de ne plus être appelé en équipe nationale.

Et les vacances ?

Tshomba : Je ne prendrai pas de vacances. J’ai besoin de peaufiner mon jeu. Car on va m’attendre à un niveau supérieur la saison prochaine. Et puis, mon… bronzage est déjà au point ! ( ilrit).

Mudingayi : Je partirai une petite semaine à Marseille, avec des amis. En principe, la reprise des entraînements est prévue pour le 26 juin à La Gantoise. Mais comme j’ai encore défendu les couleurs des Diables Rouges jusqu’au 11, on m’a accordé un répit jusqu’au 7 juillet.

Tshomba : Décidément, les vacances sont courtes pour les footballeurs. Je ne suis attendu à Anvers qu’à la mi-août. Avant cela, j’aurai participé au stage de Spa et au tournoi de Liège avec l’équipe nationale.

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