Dévalorisés ?

L’effet Henin-Clijsters pose-t-il des problèmes à leurs collègues masculins ?

L’énorme attention qui se focalise depuis trois ans sur Justine Henin et Kim Clijsters, les deux stars mondiales d’un tennis en jupettes qui se cherche d’autres vedettes, ne joue pas en faveur des Xavier Malisse, Olivier et Christophe Rochus, Kristof Vliegen, Dick Norman et Gilles Elseneer. D’autant que leurs résultats depuis le début de la saison, à quelques très rares exceptions près, sont déprimants.

Capitaine de Coupe Davis, Steven Martens pose un regard forcément éclairé sur la situation du tennis masculin belge et international. La Belgique est appelée à recevoir le Zimbabwe début avril à Tournai. A juste titre, l’Anversois commence par dire que c’est une erreur de comparer les deux disciplines :  » Le tennis masculin et celui féminin sont quasiment deux sports différents. Chez les hommes, le centième joueur mondial joue aussi bien que les membres du top 10. Seul le mental fait la différence mais des surprises sont recensées tous les jours sur le circuit ATP. Cette situation n’existe pas chez les femmes où le fossé est énorme entre les cinq meilleures joueuses du monde et les poursuivantes. Je ne sais pas si Henin et Clijsters jouent un rôle direct sur les résultats des garçons mais ceux-ci sont conscients du fait que lorsqu’ils font un bon résultat, l’écho dans la presse est minime. Quand Olivier Rochus s’impose à Copenhague l’an dernier, on a trouvé cette performance… bien, sans plus ! C’est dévalorisant et ils souffrent de cette situation. Mais en même temps, ils doivent la comprendre et l’accepter. Depuis deux ans, la Belgique est gâtée sur le plan tennistique « .

Autre argument d’explication : l’âge. Les filles arrivent plus vite à maturité que les garçons. A voir leurs résultats et surtout la manière dont elles gèrent leur carrière, on oublie très souvent que Clijsters et Henin n’ont que 20 et 21 ans, soit l’âge moyen du top 100 féminin.

 » Chez les hommes, l’âge moyen est de 25 ans « , poursuit Martens.  » Xavier, Olivier et les autres sont encore plus jeunes. Il faut leur donner un peu de temps pour devenir plus stables mentalement. Cela se remarque lorsqu’ils sont soumis à une forte pression. Nos joueurs passent encore très souvent à côté de leur sujet. C’est leur principal défaut. Ils doivent apprendre à être plus calmes et à ne pas paniquer quand un match ne tourne pas comme ils le veulent « .

Xavier Malisse

A 23 ans, Malisse, qui vient récemment de reprendre la place de premier Belge au classement mondial (il est 58e), est le premier visé par la remarque du coach. Personne n’a oublié sa demi-finale de 2002 à Wimbledon face à l’Argentin David Nalbandian. Tailladée par le mauvais temps, elle fut un grand moment de sport mais une énorme désillusion pour le Courtraisien qui n’aurait jamais dû laisser échapper sa qualification pour sa première finale de Grand Chelem. Le stress qui recouvrit les débats comme une chape de plomb lui fit disputer un cinquième set exécrable et perdre ce qui lui restait d’illusions.

Pour Malisse, le plaisir est primordial. A le voir évoluer depuis le début de la saison, on se demande s’il a encore le feu sacré pour une discipline qui l’a vu tout de même accéder dans le top 20 mondial il y a un an et demi. Excepté une très bonne mise en jambes à la Hopman Cup (où il battit Karol Kucera et prit un set à Lleyton Hewitt) début janvier, le numéro 1 belge a collectionné les défaites au premier tour à Auckland, à l’Open d’Australie, à San José et à Scottsdale. Il n’y a qu’à Memphis, à la mi-février, qu’il réussit à gagner ses deux premiers matches officiels de la saison (la Hopman Cup est un tournoi de démonstration) et à se hisser en quarts de finale où il déçut, malgré une belle résistance, face au Suédois Joachim Johansson.

 » Xavier manque de confiance « , insiste Martens.  » Sa défaite de justesse face à Novak à Auckland (7-6, 6-7, 6-3) est de celles qui peut vous poursuivre pendant longtemps. Lorsqu’il s’est présenté à l’Open d’Australie, Xavier n’avait pas encore digéré son revers face au Tchèque. Pourtant, il a beaucoup travaillé durant l’hiver. J’ai été souvent en contact avec son préparateur mental en Floride. Tout semblait bien s’annoncer pour la saison à venir « .

Résultat des courses : une élimination dès le premier tour à Melbourne face à Kucera qu’il avait pourtant battu à Perth. Si Kucera n’est plus l’homme qui élimina un jour Pete Sampras à Melbourne (et bien d’autres joueurs de renom partout ailleurs), il reste un homme expérimenté au tennis d’une grande fluidité. Mais c’est au niveau de la manière que Malisse déçut les observateurs présents en Australie. Jamais, il ne donna l’impression de vouloir aller chercher la victoire !

Olivier Rochus

Le manque de résultats actuel d’Olivier Rochus (ATP 61) est davantage explicable. Victime d’une périostite des deux tibias dont il vient seulement de se débarrasser, l’Auvelaisien (23 ans) n’a pu s’entraîner comme il le souhaitait et accuse aujourd’hui un retard qu’il sera difficile de combler. Battu au premier tour à Doha, l’Open d’Australie et Rotterdam, il dut attendre la fin février pour montrer le bout du nez. A Marseille, il remporta son premier match de la saison face au Slovaque Karol Beck, 74e mondial, avant de perdre contre Arnaud Clément, 78e, non sans avoir forcé deux tie-breaks.

La Canebière lui fit le plus grand bien puisqu’au tournoi suivant, à Dubaï, le cadet des Rochus s’offrit le scalp de Mark Philippoussis à qui il rend pourtant 28 centimètres. Ce succès ne fut pas sans rappeler celui conquis l’an dernier à Wimbledon face à un autre géant des terrains, le Russe Marat Safin qui n’avait pas tari d’éloges à l’égard de son tombeur.  » Battre un joueur du top 10 est toujours excellent, surtout quand il s’agit de Mark sur surface dure « , expliqua Olivier depuis les Emirats.  » Mon plan de jeu était de le faire courir, de renvoyer un maximum de ses services et de le faire jouer le plus d’échanges possible « .

Las ! Au deuxième tour, Olivier trébucha face au grand espoir du tennis espagnol, Rafael Nadal, classé 36e à l’ATP, mais dont le ranking ne reflète pas les qualités. Depuis toujours, le plus doué des Rochus a toujours été capable des plus belles performances mais il a aussi une fâcheuse tendance à rater son match lorsque le stress le gagne. Son nouveau coach Julien Hoferlin cherchera plus que tout à instaurer la régularité dans son jeu. Les deux garçons s’entendent à merveille et le Liégeois, que les Belges ont appris à connaître depuis qu’il est consultant télévisé pour la RTBF, n’a pas son pareil pour dédramatiser une situation.

Christophe Rochus

A l’heure où nous écrivions ces lignes, Christophe Rochus (25 ans) courait quant à lui toujours derrière sa première victoire de la saison. Classé 113e mondial, l’aîné de l’illustre famille de tennismen est en panne sèche de motivation. Et rien ne permet de dire qu’il la retrouvera un jour. Battu d’emblée à Adélaïde, Melbourne, San José, Memphis, Salvador et Acapulco, Christophe navigue en eaux troubles. Selon Steven Martens, le garçon a tort de s’entêter à disputer des épreuves trop relevées pour lui. :  » Il joue selon moi trop de Grands Prix et ferait mieux de s’aligner davantage dans les challengers pour retrouver la confiance qui lui manque. Mais Christophe a d’indéniables qualités. C’est d’ailleurs pourquoi je l’ai préféré à Dick Norman pourtant mieux classé que lui pour l’équipe de Coupe Davis appelée à recevoir le Zimbabwe début avril à Tourna. Sur terre battue, je crois encore en lui « .

Notons toutefois que le joueur disputa bien un challenger dès après son éjection prématurée en Australie mais il ne connut guère plus de réussite. A Wroclaw, en Pologne, il fut battu là aussi au premier tour par l’Américain Jeff Salzenstein. Seule consolation : il remporta un set, un  » événement  » qui n’était arrivé qu’une seule fois depuis le premier janvier (à l’Open d’Australie, il gagna la deuxième manche contre l’Argentin Agustin Calleri).

Séparé de Pierre Simsolo avec lequel il ne connut que des résultats très moyens, Christophe Rochus, grand solitaire devant l’Eternel, profite pour l’heure des conseils de Philippe De Haas, le coach de Kristof Vliegen.

Kristof Vliegen

A 21 ans, Vliegen (154e mondial) possède un talent naturel qui lui permit de faire une entrée fracassante sur la scène internationale, début 2003, lorsqu’il se hissa en finale du tournoi d’Adélaïde. Sans doute la presse spécialisée fit-elle trop vite de ce joueur parfait bilingue une star en devenir car à ce jour, ce résultat attend toujours une confirmation. Dans le microcosme du tennis belge, des voix s’élèvent pour affirmer que s’il a le talent, Kristof manque de volonté. A l’instar du Malisse des débuts (et sans doute encore de l’actuel), il n’aime guère souffrir à l’entraînement comme beaucoup de joueurs qui croient que le don suffit pour faire carrière.

Tant et si bien que lorsqu’il se représenta sur la grille de départ à Adélaïde cette année, le citoyen de Maaseik dut passer par les qualifications… desquelles il ne sortit jamais ! La quantité de points qu’il perdit au classement allait le placer dans une situation très délicate puisqu’il se voit aujourd’hui contraint de s’aligner dans les qualifs presque partout où il passe et l’on sait que cet exercice, véritable guillotine à laquelle seuls les plus téméraires échappent, n’est évident pour personne.

A l’Open d’Australie, Vliegen connut une autre grande désillusion puisqu’il y fut battu au troisième tour par le Français SébastienDe Chaunac, pourtant 160e seulement à l’ATP.

Tentant alors sa chance dans les challengers, Vliegen fut sorti d’emblée à Heilbronn avant de se hisser en quarts de finale à Belgrade où il subit la loi de l’inconnu slovaque Branislav Sekac. Lui aussi souffre d’un manque de régularité et de confiance.

Gilles Elseneer

A 24 ans, il est le Belge qui a remporté le plus de matches jusqu’à présent. Mais il doit en grande partie ce  » record  » à sa victoire finale au challenger de Heilbronn (Allemagne) où il s’imposa sur le fil en finale face à l’Allemand Lars Burgsmuller. Ce succès mit du baume au c£ur de ce joueur éminemment sympathique que les journalistes adorent parce qu’il a toujours au bout des lèvres le petit mot ou la phrase qui font rire tout le monde.

Si Martens ne l’a pas retenu face aux Africains, c’est parce que la rencontre se déroulera sur terre battue, un revêtement sur lequel il a du mal à s’exprimer pleinement.  » C’est uniquement pour cela que je n’ai pas retenu Gilles et j’espère qu’il le comprendra « , se justifie le sélectionneur national.  » Gilles a un potentiel et j’espère qu’il restera motivé malgré ses résultats en demi-teinte « .

Dick Norman

C’est un cas à part dans le paysage tennistique et pas uniquement parce qu’il culmine à 203 centimètres au-dessus du niveau de la mer. A 33 ans, l’homme qui a déjà mis une fois un terme à sa carrière avant de se raviser un an plus tard n’est plus intéressé par la Coupe Davis. Ce qui le motive aujourd’hui, c’est de mener sa carrière en solo et de transporter son énorme service aux quatre coins du globe dans l’espoir de réussir une performance qui lui permettra de se hisser un jour dans le top 100, un objectif qui l’a longtemps paralysé par le passé.

Aujourd’hui 106e à l’ATP, le joueur de Waregem n’a rien perdu de son calme et de son sourire. Joueur réaliste, il sait qu’il ne représente pas l’avenir et qu’il n’a guère intérêt à ne disputer que des tournois relevés. Son bonheur, c’est dans les challengers qu’il le trouve encore. La preuve par Andrezieux, une épreuve française où il s’offrit le scalp de joueurs tels que le Français Michael Llodra, tout de même 33e mondial, pour se hisser jusqu’en finale. C’est un autre Français, Julien Benneteau, 135e mondial, qui lui fit mordre la poussière après trois… tie-breaks âprement disputés : 6-7 (10), 7-6 (5), 7-6 (5).

Florient Etienne

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