Deuxièmes souffles

Pierre Bilic

L’Excelsior a cédé son puncheur à Anderlecht mais son directeur souligne la force de frappe des Hurlus.

Au Canonnier comme ailleurs, les dirigeants jouent des matches importants pour le moment. Les Hennuyers vendent et recrutent à gauche et à droite. Giovanni Seynhaeve, Geert Doumen, Lionel Ladon, Axel Lawarée et Nenad Jestrovic croisent Geoffrey Claeys et Zoran Ban … tandis que le Standard se fait de plus en plus pressant en ce qui concerne Marco Casto.

Il faut avoir du souffle pour tenir la distance, soutenir le coach, Hugo Broos, dans ses quêtes qui sont de plus en plus celles d’un véritable manager à l’anglaise, être bien en phase avec un président comme Jean-Pierre Detremmerie et animer au quotidien les idées qui font l’originalité d’un club du format de l’Excel. A Mouscron, Dali et Rodin dribblent parfois Dejan Mitrovic ou Marcin Zewlakow. Directeur du club, Gino Gylain sprinte comme au temps de sa jeunesse, quand il fut un bon spécialiste du 1.500 mètres (champion de Belgique chez les Juniors sous le maillot du club d’athlétisme de Courtrai) et fut à deux doigts de prendre part aux Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. Il avait réalisé le temps minimum mais fut éliminé de justesse au profit de trois futurs demi-finalistes: De Hertogh, Salvé et Roeckaerts.

Mouscron n’a pas décroché une médaille d’or lors du récent championnat que les joueurs ont terminé en roue libre. Il y a gros à parier que Broos changera son fusil d’épaule. Ne dit-on pas qu’il fera de plus en plus appel aux jeunes du club et qu’il pourrait renoncer à son bon vieux 4-4-2? Il y a du changement dans l’air.

N’êtes-vous pas resté sur votre faim lors de ce championnat?

Gino Gylain: Non mais nous sommes quand même un peu déçus pour l’une ou l’autre chose, car il faut sans cesse placer la barre plus haut; ce que nous faisons à tous les niveaux, et il faut retenir les impondérables. Hugo Broos a géré le problème de nos nombreux éclopés. Même Nenad Jestrovic a dû faire une croix sur la fin du championnat. Avec lui, j’en suis sûr et certain, nous aurions talonné le Standard jusqu’au bout dans la course pour la Coupe de l’UEFA. Enfin, Nenad aurait certainement décroché le titre de meilleur buteur de D1, symbole du goût pour l’offensive de tout un groupe. En réalité, si nous sommes restés sur notre faim, c’est aussi un peu parce que l’Excelsior a finalement mieux négocié de gros chocs à l’extérieur qu’à domicile. A la fin du compte, c’est ce qui nous a privés des quelques points nous séparant de la quatrième ou même de la troisième place au classement final. Cela n’érode toutefois en rien la volonté de ce club d’aller de l’avant en sachant bien qu’il n’a pas les moyens d’Anderlecht, de Bruges ou du Standard. Nous sommes aussi bien organisés qu’eux mais nous n’avons pas leur palmarès et leur surface financière avec notre budget de 350 millions. On ne rêve pas, on travaille. Il y a quelques années, quand notre président parlait de la D1, on ne le prenait pas au sérieux…

Il est parfois trop optimiste mais c’est tellement motivant. On gagne, on perd, c’est la loi du sport, mais l’essentiel est de progresser: et là, on peut dire que ce club bétonne ses acquis et assure son avenir via des faits de tous les jours. Structurellement, Mouscron est certainement un des clubs les plus solides de l’élite. Nous sommes sur la bonne voie, nous avons l’ambition de décrocher un gros bouquet un jour mais, en attendant, l’Excel s’inscrit dans la durée, dans le temps, n’est pas phénomène de mode ou une flambée. C’était cela la vision de Detremmerie quand les Hurlus étaient encore en Promotion. Il faut toujours savoir d’où on vient avant de dresser un bilan.

Le futur passe-t-il par un poste de manager à l’anglaise pour Hugo Broos, qui n’a plus qu’un an de contrat?

Probablement. Hugo Broos a une proposition et l’Excelsior attend sa réponse. Nous avons même réfléchi à un refus de Broos. Mouscron souhaite qu’il reste. Il travaille déjà à l’anglaise et est le directeur technique de ce club. Broos a donc carte blanche sur tout ce qui touche au sport. Pour nous, c’est l’homme-clef qui sait tout faire: entraîner, diriger, coacher, s’occuper des jeunes, etc. Il vit et gère tout cela en bon père de famille. Si l’Excel a cent millions en poche…

… ce qui est le cas depuis le transfert de Nenad Jestrovic à Anderlecht, non?

Non, ce n’est qu’un exemple. Même avec un tel montant, Hugo Broos ne jettera jamais un centime par la fenêtre. Avant de demander des renforts, comme le feraient d’autres coaches, il va voir si c’est nécessaire, si le club ne doit pas faire des économies ou si on ne peut pas trouver des solutions internes. Autrement dit, il a le profil de la fonction et l’exerce déjà. Nous espérons qu’il prolongera son accord. Le président parle même d’un contrat à vie pour lui. Dès son retour du Japon, Lorenzo Staelens s’occupera des élites de 16 à 18 ans, dernière étape avant le noyau A. Eddy Mestdagh le fait en attendant Lorenzo puis retrouvera son poste dans la cellule scouting, également professionnelle. Il y a un problème avec Philippe Saint-Jean et Hugo Broos car les deux hommes ne se supportent pas. Là, c’est à moi d’arrondir les angles et Philippe Saint-Jean est directeur du Sport-Etudes (130 élèves, de nombreux sports, internat) et chacun est dans son domaine. En ce qui concene les élites, c’est Broos qui est le patron. Hugo est le numéro 1 dans le club : c’est lui qui décide, avec le soutien de son président.

Un jour, Broos sera-t-il en retrait et Lorenzo Staelens entraîneur?

Je ne sais pas, l’avenir nous apprendra tout ça et cela dépendra probablement de la décision que Broos prendra. C’est à lui de décider et le reste suivra.

A Mouscron, l’opposition dit que la Ville en fait trop pour le foot. N’y a-t-il finalement pas confusion entre le club et la Ville? Ne dit-on pas que les finances de la Ville sont placées sous surveillance des autorités de contrôle compétentes?

Je ne suis pas politicien, je m’occupe du club et je peux vous dire que le football fait du bien à toute la région. On n’a jamais autant parlé de notre club, au coeur d’une région de près de deux millions d’habitants. Le football a donné un gros coup d’accélérateur à des tas de projets, a rapporté de la notoriété, a ouvert les horizons de cette ville inscrite dans toutes les dimensions nationales, régionales et européennes. Detremmerie a bien compris tout cela. Mouscron est synonyme de succès, le foot a poli cette image de marque. Il y a quinze ans, on comptait quinze sociétés dans les zonings industriels de la région: elles sont désormais près de cinq cents. A Mouscron, on progresse vite mais il y aura toujours des jalousies. C’est un club de plus en plus pro. Il reste branché sur la réalité mouscronnoise mais ce n’est plus amateur comme autrefois et tout le monde ne peut pas suivre ce rythme. J’aime cette région où il y a des fêtes tous les jours: j’y vais trois fois sur cinq. Je suis néerlandophone, mais ce qui compte, c’est d’être ouvert aux autres, d’écouter, de bien comprendre comme je le faisais quand j’étais journaliste. Je suis né à Courtrai mais, pendant la guerre, mes parents ont habité six mois à Mouscron. Ils m’ont toujours dit qu’ils m’avaient conçu là!

Revenons-en aux cent millions de Jestrovic…

C’est pas cent millions.

Plus alors?

Les deux clubs concernés ont convenu de ne pas dévoiler les montants. Mais Mouscron sera intéressé par la réussite de Nenad. Nous percevrons une plus-value en cas de transfert du joueur plus tard. C’est plus intéressant qu’un montant fixe. Nenad Jestrovic est un très grand attaquant, le meilleur et le plus complet du dernier championnat. Il réussira à Anderlecht, et s’il est venu à Mouscron, c’est parce que Broos l’avait remarqué, suivi à Metz, et qu’il estimait que ce joueur pouvait nous aider: c’est là tout l’art d’un directeur technique qui pense à son club. Jestrovic avait envie de jouer dans un plus grand club. Mouscron aura été sa rampe de lancement, sa vitrine, on savait que c’était son but. On ne retient pas un gaillard qui a envie de s’envoler. Il avait signé un contrat de trois ans et nous avons réalisé une bonne affaire, lui aussi et Anderlecht se frottera les mains: tout le monde est content. C’est un finisseur qui cadre ses tirs comme personne, un futur tout grand s’il se soigne comme Kim Clijsters et Justine Henin.

Il ne le fait pas?

Je n’ai pas dit cela. Nenad a été parfait chez nous, il devra l’être encore plus à l’image de Kim et Justine à Roland Garros… Mais il n’a pas que ses qualités sportives, il est aussi animé par un gros mental. Jestrovic sait qu’Anderlecht, c’est la Ligue des Champions, la porte de son équipe nationale, la possibilité de prouver que Metz s’est trompé à son propos, etc.

Qui le remplacera à l’Excelsior?

C’est le domaine d’Hugo Broos. On le suivra dans ses décisions. Notre entraîneur dit qu’il n’y a pas de problème et je le crois. J’ai vu quelques idées tactiques, ce n’est pas mal du tout. Je le suis à fond. Il a demandé Geoffrey Claeys, Zoran Ban et il lancera cinq jeunes. Broos a ce qu’il veut et n’a pas exigé plus. Il y a, ne l’oublions pas, Marcin Zewlakow devant, et Mouscron a su lui faire comprendre que rester chez nous lui fera du bien. Marcin sera vite aussi fort que Nenad. La saison passée, Marcin a aussi marqué beaucoup de buts. Il ne peut que progresser comme son frère, et ils l’ont compris en refusant les offres de grands clubs de l’étranger. C’est de la bonne gestion sportive d’une carrière et c’est à mettre à l’actif de Broos. Un jour, ils seront aussi au top européen.

Et Casto?

Le Standard est intéressé.

Très intéressé…

A lui de se définir; nous, on a envie de garder Marco. L’ambition d’acheter un joueur de sa valeur a un prix.

Vingt-cinq millions?

Je ne sais pas, c’est Hugo Broos qui donnera un avis définitif. Si Casto part, le coahc avisera.

Dia 1

Pierre Bilic

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire