Deuxième souffle

Tom est affûté, souriant, avide de remporter un deuxième sacre mondial. Trois mois après son contrôle à la cocaïne,il est métamorphosé.

T om Boonen est de retour, en quête d’un ultime rétablissement de son honneur. Son comportement à la Vuelta, deux victoires d’étape à la clef, est de bon augure. Boonen roule comme un jeune loup. Sa transformation s’est produite avant le départ du Tour d’Espagne à Grenade.

 » Il était déjà en bonne voie au Tour de la Région wallonne « , commente le directeur d’équipe de Quick Step, Wilfried Peeters. Tout le monde l’a réalisé à l’Eneco Tour, quand toutes les caméras étaient braquées sur lui. Le Campinois est parvenu à mettre de côté son contrôle positif d’alcoolémie au volant, la perte de son permis de conduire, ses excès de vitesse et la fameuse affaire de cocaïne. Dans toutes les courses dont il a pris le départ, il a gagné. Comment Boonen a-t-il pu surmonter le terrible coup au moral qu’il a encaissé après ses dérapages et leur divulgation ?

La réflexion

 » Boonen pincé à la cocaïne.  » C’était le 10 juin.  » Quand il m’arrive quelque chose, cela se mue en fiasco et en catastrophes mais là c’était vraiment une bombe, y compris pour moi « , a déclaré le coureur à Hugo Coorevits, journaliste du Nieuwsblad avant le départ de la Vuelta. Il s’est attardé sur la période qui a suivi le choc :  » Je me suis renfermé, les premiers jours. Je ne lisais rien, je n’écoutais rien. J’ai passé deux nuits blanches avant la conférence de presse. J’avais peur de sortir.  »

Boonen a alors entamé un travail de réflexion dans lequel le vélo a joué un rôle. Exclu des tours de Suisse et de France, il a eu le loisir d’effectuer un bilan. Selon Wilfried Peeters, qui le connaît depuis sa jeunesse, Boonen a compris qu’il faisait partie de l’élite et de rien d’autre :  » Tom ne pouvait rouler le Tour et ça l’a fait réfléchir. Il a pris part à des courses de niveau inférieur et il a réalisé qu’il était fait pour le Tour.  » Même si sa mise à l’écart lui a fait mal, elle lui a ouvert les yeux. De nouveau, il sait ce qu’il veut.  » Et surtout ce qu’il ne veut plus « , confirme son père, André.  » Il a bien retenu la leçon. Il y réfléchira à deux fois avant de prendre le volant en état d’ébriété.  »

Est-il devenu sage ? Boonen :  » Je ne sais pas mais mes centres d’intérêt ont changé. Avant, je vivais sans frein à main. Maintenant, il m’arrive de le tirer. Il ne s’écoule pas de jour sans que je pense à ce mois de juin. J’ai utilisé tous mes jokers. Comme tout le monde, j’ai traversé une période cruciale de ma vie. Je ne suis pas différent de 99 % des Belges mais ma position m’ôte le droit de commettre de stupides erreurs de jeunesse. « 

Le vélo

 » J’ai l’impression que jamais le vélo n’a occupé une place aussi centrale dans sa vie « , explique son manager, Paul De Geyter qui voulait que son protégé effectue son retour dans le peloton le plus vite possible.  » Une semaine après la conférence de presse, Tom a roulé le Ster Elektrotour. Il devait se reconcentrer sur ce qui comptait le plus pour lui, le cyclisme. Soit il recommençait à rouler très vite soit il s’enfonçait. Il a choisi la première option.  »

Le reste a coulé de source.  » L’agitation du mois de juin n’a pratiquement pas écorné sa condition « , dit André Boonen.  » Il préparait le Tour quand l’affaire a éclaté. Il était donc à 95 % de sa meilleure forme. Il ne s’est jamais laissé aller et m’a expliqué qu’il avait franchi les montagnes de la Vuleta avec une facilité déconcertante. « 

Kevin Hulsmans connaît bien son coéquipier et ami mais selon lui, ce n’est pas vraiment le scandale de la cocaïne qui a aidé Boonen à redresser le cap :  » Etre privé du Tour lui a donné le choc dont il avait besoin. Depuis, il ne parle plus que du Mondial de Varese.  » Boonen brûle de réaliser ce rêve et le patron de son équipe Patrick Lefevere en témoigne :  » Il m’a récemment envoyé un sms : – Je serai prêt à Varese. Il considère un nouveau titre mondial comme l’ultime moyen de rétablir son honneur.  »

Paul De Geyter rectifie :  » Un deuxième sacre n’est pas une condition sine qua non à sa réhabilitation.  » Tout ce qu’on peut attendre, c’est qu’il mette tout en £uvre pour être champion du monde. Il ne faut pas croire qu’il y parviendra les doigts dans le nez. On ne commande pas un maillot arc-en-ciel. « 

Les supporters

De Wielkeszuigers, le club de supporters d’Oosterzele, en Flandre-Orientale, a acclamé son héros lors de son passage à l’Eneco Tour. Le reste du public n’a pas renié Tom Boonen, au contraire. Sachant qu’il pouvait compter sur de la compréhension, Boonen a retrouvé plus facilement son second souffle. Une petite anecdote. Durant un de ses premiers entraînements après la révélation sur son recours à la cocaïne, Boonen croise une voiture.  » La conductrice m’était parfaitement étrangère « , a-t-il expliqué au Nieuwsblad.  » Elle a abaissé la vitre et m’a parlé pendant dix minutes. Elle m’a dit que les gens continuaient à me soutenir. Son speech a été tellement éloquent que j’en ai eu les larmes aux yeux. Je lui ai dit : – Je ferai tout pour revenir. De retour à la maison, j’ai décidé de ne plus me cacher.  »

André s’en souvient comme si c’était hier :  » Tom est revenu de cet entraînement avec un grand sourire ! Depuis, il n’a cessé de progresser.  » Lefevere reconnaît aussi que le soutien du public a joué un rôle crucial dans la prise de conscience de Boonen :  » Ses fans comme ses sponsors, ne l’oublions pas, lui ont maintenu leur confiance. J’entends encore Frans De Cock, le patron de Quick Step, dire : – Tom nous a offert de si bons moments que nous n’allons pas le laisser tomber. « 

La chaleur du nid

Boonen est avant tout un sympathique Campinois qui dit ce qu’il a sur le c£ur. Il a beau résider à Monaco, il reste  » un gars de chez nous  » aux yeux de beaucoup. Il a grandi dans un nid chaleureux, il est bien entouré par ses parents, André et Agnes, son frère Sven, son amie Lore. Sa famille a continué à l’entourer.  » Tous, nous avons fait de notre mieux « , explique André, en soulignant que c’est avant tout Tom qui a eu un déclic.  » Il était au fond du trou quand l’affaire a éclaté. Nous l’avons encouragé à remonter à vélo. Il s’est exécuté, inquiet au début.  »

Boonen a confié au Nieuwsblad le rôle crucial joué par sa famille et ses amis durant ces moments difficiles.  » C’était tout ou rien. Soit je tirais des leçons de cette période soit j’étais fichu. J’ai réalisé l’importance d’une famille unie, d’un bon entourage. Comparez-moi à un gosse qui doit annoncer qu’il a un mauvais bulletin. L’accueil qui lui est réservé est décisif.  »

Du sang de champion

Tous les champions ont eu un passage à vide, physique ou mental, mais reviennent, plus forts que jamais. A Varese ? C’est l’objectif mais juin a marqué Boonen.  » Tom veut peut-être montrer qu’il a tout oublié mais ce n’est pas si simple « , commente Hulsmans.  » Il restera confronté à cette affaire « , soupire Lefevere.

Quoi qu’il en soit, Boonen est prêt pour Varese. S’il n’est pas champion, il se fixera d’autres buts car il est avide de victoires. A l’Eneco Tour, il a confié viser la course sur route olympique aux Jeux de Londres, en 2012.  » Ce seront mes Jeux. « 

Sont-ce là les paroles du Boonen qui n’avait pas l’intention de courir au-delà de trente ans ? Oui, ce sont celles d’un nouveau Boonen, qui a retrouvé son souffle après avoir traversé l’enfer.

par frederik backelandt

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