Deuxième place ou second choix
Je ne vais pas dire que cette année le championnat belge pue le foin. Je vais plutôt le formuler comme ça: avant le week-end écoulé, il y avait (potentiellement) autant de points entre le leader du championnat et le deuxième au classement qu’entre ce même deuxième et le… quinzième du classement. Ça veut dire que Saint-Trond a autant de chance de terminer à la deuxième place de la phase classique, que l’Antwerp de finir en tête. En vérité, je triche d’un petit point. Mais ça calme, quand même, non?
En termes de suspense, c’est à double tranchant. Oui, la tension est à son comble pour savoir qui va composer le carré magique des PO1. Mais c’est une tension au rabais, de second choix. « Nous n’avons plus d’entrecôte Charolaise maturée, monsieur, choisiriez-vous notre Cordon-bleu tout juste dégelé? » Parce que la bière, cette année, on sait qui la boira. À moins que le Covid vienne décimer les trois quarts du noyau brugeois. Et encore.
Perso, j’entame chaque nouvelle journée avec l’idée qu’hormis une victoire de Bruges, tous les résultats seront nuls. La preuve encore il y a dix jours, où, sans jouer, le Club a presque creusé l’écart.
Je suis content que les frontières soient fermées, bien que j’aie besoin de soleil. Quand je voyage et que je rencontre des gens à l’étranger, la discussion facile c’est le foot. Cette nuit, je me suis imaginé boire une bière sous le soleil espagnol avec un mec du coin. Non, mes rêves ne sont pas érotiques, mais si ça vous émoustille, choisissons plutôt une Espagnole dans la représentation mentale de cette scène. Je suis donc en train d’échanger avec mon amie espagnole, disons même que je la courtise et que pour ce faire, comme tout bon dragueur, je sors la carte Jupiler Pro League. Un classique. Curieuse, langoureuse, de son regard électrique, dégageant ses cheveux d’un mouvement de nuque gracile, elle ouvre son application Livescore et consulte le classement belge. Mauvaise idée, c’est la douche froide. Horrifiée, d’un mouvement de recul qui fait se renverser sa chaise, les bras implorant le ciel, elle m’abandonne à ma bière et ma compétition nationale mal torchée. Pourquoi une fin si précoce à notre idylle? Je consulte le classement local, clique sur la Liga et là, stupeur: pour un même nombre de journées jouées, au nombre de points, notre deuxième serait classé cinquième en Espagne. En ayant joué des Mouscron et Eupen, pas des Bilbao ou Séville, hein. Aïe! Je comprends mieux sa réaction.
La tension est à son comble pour savoir qui va composer le carré magique des PO1. Mais c’est une tension au rabais.
Pour me sortir de cet échec amoureux, j’adapte mon fantasme à un décor italien. Me voilà sur le balcon d’un hôtel de la Renaissance, avec vue sur le Colisée, admirablement accompagné. Rebelote, je dégaine ma carte JPL pour charmer ces yeux renversants et espérer dompter ces courbes sulfureuses. Enthousiaste voire excitée, elle consulte Livescore et sa réaction n’en est que plus violente, elle se jette par-dessus la rambarde en implorant la Vierge. En Italie, notre deuxième serait huitième.
Peut-être ai-je visé trop haut, en aspirant à la chaleur et à la beauté méditerranéennes. Au fond, je ne suis qu’un pauvre bâtard linguistique, bercé par une terne Mer du Nord. Remontons, pour voir. La Française me méprise, notre dauphin ne serait que cinquième. Peut-être est-ce juste une question de seum. Quid en Allemagne? Merde, pareil. En Angleterre alors, ma dulcinée serait-elle plus clémente avec mon dauphin? No, sir! Fifth. Stop the count!
Je suis rude. Tout ça, c’est le Big Five. Mais dans notre cour, ça dit quoi? Aux Pays-Bas, notre voisin raisonnable avec qui certains envisageraient de fusionner notre championnat, le deuxième belge serait sixième.
Donc oui, cette année, on pue le foin. Quelles leçons tirer de tout ça, sur le niveau de notre championnat? Aucune idée. Je ne suis pas statisticien, j’ai juste envie de remuer un peu de merde avec le bout de ma chaussure.
En tout cas, avec cette misérable somme de points distribués, on atteindrait à peine une place qualificative dans les autres championnats. Est-ce que ça veut dire qu’on ne la mériterait pas? Peut-être. Qu’on s’y ferait saucer même si on recréait l’Intertoto? Sans doute. La seule chose qui est sûre, c’est que si les autres championnats européens étaient Tinder, je serais toujours célibataire ou au bras d’une gonzesse pas jolie ni gentille ni très maligne.
À l’avenir, j’adapterai les scénarios de mes rêves. Je préciserai que je suis supporter de Bruges. Parce que notre leader, lui, avec son nombre de points, serait dans toutes les courses au titre. Et moi au bras de la femme idéale.
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