Deuxième DU NOM

Le frère d’Eden a atterri à Zulte Waregem où il tentera de lancer sa carrière et de sortir de l’ombre de son frère.

Il y a des situations compliquées à gérer. Quand deux frères pratiquent le même sport et que l’un des deux s’inscrit parmi les meilleurs de sa profession, l’autre doit se frayer son propre chemin et se forger son propre caractère. Dans la famille Hazard, on sait qu’il y a Eden, l’homme aux 40 millions d’euros de transfert, l’homme qui éclabousse de sa classe la Premier League sous le maillot de Chelsea. Il y a aussi Thorgan, 19 ans, transféré comme Eden par Chelsea mais prêté aussi vite à Zulte Waregem, endroit bien moins glamour que Stamford Bridge, situé dans un des quartiers huppés de Londres, à quelques mètres des magasins à la mode de King’s Road. Pourtant, Thorgan a lui aussi du talent, adoubé le 19 novembre 2008 par son frère au soir de son premier match sous la vareuse nationale contre le Luxembourg.  » Thorgan est meilleur que moi « , lance ce soir-là celui qui allait faire les beaux jours de Lille. Bonjour la pression pour ce petit frère plus jeune de deux ans. Mais qui est donc ce Thorgan, qui, comme son grand frère, a transité par les jeunes du Stade Brainois et de Tubize avant de rejoindre l’hexagone ?

L’échec à Lens ?

Thorgan a aujourd’hui 19 ans. Dès le début, alors que les projecteurs commencent à s’allumer autour du grand frère, les parents guettent les dangers de la comparaison. L’exil à Lille a développé Eden. La France constitue donc un bon choix. Mais pour ne pas attiser les comparaisons et les jalousies, pour que le cadet se développe à son propre rythme, à l’écart de son grand frère, les parents optent pour Lens, dont la courbe de progression est certes inversement proportionnelle à celle de Lille mais dont la réputation du centre de formation de la Gaillette n’est plus à démontrer. Thorgan a alors 15 ans. Pendant trois ans, il va s’amplifier, se perfectionner jusqu’en août 2011, date de ses débuts professionnels sous la vareuse sang et or face à Reims. Quelques mois plus tôt, suite à la relégation du club nordiste en Ligue 2, Lille avait tenté d’attirer le frère de celui qui survolait la Ligue 1. Refus catégorique de Thorgan.

Un an plus tard, le petit s’inscrit dans les traces de son frère en le suivant à Chelsea. Une promotion, un aboutissement ? Pas vraiment. Une surprise surtout. Car, en L2, Thorgan n’a rien survolé du tout. 11 petits matches dans une équipe engluée dans le milieu de classement de cette L2.  » Il n’a pas crevé l’écran à Lens « , explique Pierre Dieval, journaliste à la Voix du Nord, et spécialiste du Racing Club de Lens.  » Tous les techniciens n’en disaient que du bien mais ajoutaient qu’il n’était pas encore prêt. L’entraîneur, Jean-Louis Garcia ne croyait pas vraiment en lui, même s’il n’a cessé de tenir un discours positif. Pour Garcia, Hazard était un joueur capable d’apporter la dernière passe. Cependant, les rares fois où il fut aligné, on ne l’a pas vu et il n’a jamais été décisif. Il faut dire que dans le Nord, on était obnubilé par les exploits d’Eden. Alors, forcément, on attendait peut-être la même chose de Thorgan.  » La comparaison n’est donc jamais loin.  » On a souvent entendu, à Lens, qu’il était meilleur qu’Eden mais cela reste à prouver. Lors de ses débuts, il ne m’a pas semblé disposer du même volume de jeu que son frère à ses débuts.  »

Pourtant, à peine un an après ses débuts comme pro, Thorgan quitte Lens.  » Le paradoxe, c’est qu’il n’a pas encore décollé à Lens qu’il est déjà parti ! « , ajoute Dieval.  » Le Racing a reçu 1,5 millions d’euros, ce qui constitue un très bon prix, mais c’est dommage pour Lens de se séparer d’un joueur à la marge de progression supposée. « 

Il laisse donc une image d’inachevé à Lens.  » Il sait très bien qu’il reste sur un échec à Lens « , a dit Eden pour expliquer son transfert à Chelsea. Pourtant, certains nuancent cet échec.  » Il a reçu pas mal de temps de jeu pour quelqu’un qui dispute sa première saison chez les pros « , dit Marc Van Geersom qui l’a eu sous ses ordres en équipe nationale des -19 ans.  » Il n’avait que 18 ans !  »

Comment il a abouti à Zulte Waregem

Dès que son transfert à Chelsea est acté, tout le monde se doute que Thorgan, au même titre que Romelu Lukaku, Thibaut Courtois ou Kevin De Bruyne, va être prêté. Le Standard se montre intéressé mais le deal n’aboutit pas. Tout se décante durant les Jeux Olympiques. Alors que Thorgan fait forte impression lors de ses débuts sous la vareuse des Blues dans un match de réserves face à Manchester City, son agent John Bico, également l’agent de son frère, rencontre Patrick Decuyper et Francky Dury à la Belgium House, lieu de rassemblement des Belges lors de l’événement olympique.  » On avait déjà travaillé avec son agent et conclu le prêt de Chahir Belghazouani lors des six derniers mois de la dernière saison « , explique Dury.  » Il nous a demandé si on voulait prolonger Belghazouani. On lui a répondu – Non, on veut Thorgan Hazard. Il a répliqué – Vous êtes sérieux ? « .

Les négociations s’engagent à partir de cette rencontre. Si Dury était convaincu par Hazard, c’est parce qu’il l’avait déjà visionné à plusieurs reprises à Lens lorsqu’il officiait comme directeur technique et coach des Espoirs à l’Union Belge.  » Je l’avais dans le collimateur depuis un an « , reconnaît Dury.

Il ne reste plus alors qu’à convaincre le garçon.  » On lui a expliqué notre changement de vision « , dit Dury.  » On a décidé de former des jeunes et de donner une opportunité à des joueurs en post-formation. Sur nos 24 joueurs, 50 % ont moins de 21 ans. On lui a dit qu’il aurait sa chance et que la D1 était mieux exposée que la L2 française. Cela lui a plu et il a accepté le challenge. « 

Peut-il se défaire de l’ombre pesante de son frère ?

Son premier match s’est donc déroulé il y a dix jours face à OHL. Titulaire, Hazard a montré de bonnes choses. De quoi déjà susciter l’attention. En une semaine, Zulte Waregem a reçu plus de six demandes d’interviews individuelles, devant finalement opter pour une interview collective pour toute la presse. Les parents de Thorgan ont également décidé de fermer leur porte.  » Depuis qu’Eden est transféré en Angleterre, nous n’arrêtons pas d’être sollicité et nous devons refuser les interviews afin de protéger notre vie de famille « , explique Thierry Hazard,  » Au début de la carrière d’Eden, je montais souvent au front pour protéger Eden et j’acceptais toute demande. Aujourd’hui, Il y a une volonté de ne pas reproduire avec Thorgan ce qu’on a vécu avec Eden.  »

Ce paramètre médiatique, Dury devra en tenir compte.  » Mentalement, il est très fort « , explique l’entraîneur de Zulte Waregem.  » On ne sent pas qu’il vit dans l’ombre d’Eden. Mon discours consiste à lui dire qu’il doit travailler à son identité, à son développement personnel. Notre but est qu’à l’avenir, on ne dise plus – C’est le frère d’Eden mais – C’est Thorgan.  »

Johan Walem, qui l’a sélectionné pour les matches des Espoirs contre la Norvège et l’Islande abonde dans le même sens.  » Il faut dissocier les deux joueurs. Je refuse de faire des comparaisons avec Eden. Je ne lui parle jamais de son frère. Moi, je trouve qu’il a un très gros potentiel et j’aimerais qu’il l’exploite à fond…sans être bloqué par cette comparaison avec son frère.  »

Que peut-il apporter à Zulte Waregem ?

Hazard peut jouer à trois positions, sur les flancs ( » même s’il n’apprécie pas trop « , dixit Walem), derrière l’attaquant ou dans un triangle médian.  » Il a un côté créatif un peu fou-fou qui me plaît. Il fait les choses comme ça vient « , dit Walem.  » Il est attiré par le but et sait amener le danger « , ajoute Van Geersom.  » Il bouge bien « , résume Dury.  » Il est toujours libre, il sait faire la différence et travaille en perte de balle. Il protège très bien le ballon mais sa principale qualité, c’est sa lecture du jeu. Il sait déjà ce qu’il va faire quand il reçoit la balle. Contre OHL, il s’est bien fondu dans le collectif. Ce qui m’a plu, c’est qu’en 10 minutes, on a commis trois, quatre fautes contre lui. Il ne s’est pas blessé, s’est remis debout tout de suite, n’a pas râlé et s’est directement concentré sur l’action suivante. Il ne perd pas d’énergie à des futilités. Ce sont ces détails qui me disent qu’il peut faire carrière. Dans un onze de base, certains jouent parce qu’ils ont une bonne mentalité et donc du répondant physique. D’autres parce qu’ils ont un bagage technique. Lui, il a les deux.  » n

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

 » Certains jouent parce qu’ils ont une bonne mentalité, d’autres parce qu’ils ont un bagage technique. Lui, il a les deux.  » (Francky Dury)

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