Deux planètes

Mis à part le fric qui ruisselle, Chelsea et Manchester ne se ressemblent pas du tout.

Non : Bosingwa. Prénom : José. Voici le nouveau symbole de la lutte acharnée que se livrent depuis le début de la saison Chelsea, qui semblait, avec sa palette de stars, parti pour survoler la Premier League, et Manchester United qui stoppa l’hégémonie des Blues après deux titres (seulement). Depuis deux ans, c’est United qui a la main (deux titres d’affilée) mais Chelsea n’a pas dit son dernier mot. Sa manne financière lui permet de faire des mauvais coups à l’ennemi mancunien. Comme le transfert de ce Bosingwa. Alors que MU en faisait une de ses priorités après les acclimatations réussies de sa colonie portugaise ( Anderson, Nani et Cristiano Ronaldo), il s’est fait chiper le défenseur droit par son rival londonien qui vient de débourser 23 millions d’euros pour s’attacher les services de ce joueur de 26 ans.

Car, depuis le début de la saison, les deux clubs se courent après. Arsenal a bien tenté de mettre tout le monde d’accord mais a été renvoyé à ses chères études en fin d’exercice. Et pourtant, mise à part une plateforme financière plus qu’enviable, les deux clubs se différencient à bien des niveaux.

Palmarès : fabuleux pour Manu, quasi nul pour les Blues

Au niveau de l’histoire d’abord : les Mancuniens rayonnent de l’aura conférée par des drames (le crash de Munich) mais surtout des victoires. Ainsi, United restera comme le premier club anglais à avoir remporté la C1 (c’était en 1968). Manchester, c’est un mastodonte : 17 titres de champion, 11 Cups, 2 C1, une Coupe des Coupes, une Supercoupe, une Coupe Intercontinentale. Un tel palmarès fait de vous un éminent membre de la noblesse du football anglais. Là où Chelsea apparaît comme un nouveau riche. Il faut dire qu’avant l’arrivée de Roman Abramovitch en 2002, Chelsea ne comptait qu’un titre (1955), trois Cups, deux Coupes des Coupes et une Supercoupe. Depuis lors, deux titres et une Coupe sont venus s’ajouter au palmarès. Et une présence accrue à tous les niveaux (deux demi-finales de Ligue des Champions, deux accessits en championnat, une finale en Coupe de la Ligue).

Pourtant, on ne s’achète pas une réputation à coup de millions. Si, chez les plus jeunes, Chelsea a la cote, il n’a jamais réussi à se faire aimer. Chelsea est même devenu le club le plus honni d’Angleterre (alors que ce traitement avait été réservé longtemps à MU lors de sa domination écrasante dans les années 90 et 2000).

Coaching : Alex la légende v. Grant le nobody

Au niveau du manager ensuite. En septembre, Chelsea pouvait encore rivaliser. La belle gueule et l’arrogance de José Mourinho donnaient même un coup de vieux à la figure rubiconde d’ Alex Ferguson. Mais depuis lors, Sir Alex a pris sa revanche. Les costumes Armani de Mourinho ont été remisés au placard et c’est le pâlot Avram Grant qui lui a succédé sur le banc de Chelsea. D’un côté une légende vivante (23 trophées en 22 ans de management à MU), de l’autre un illustre inconnu qui, à 52 ans, ne peut se targuer que d’avoir entraîné Maccabi Tel Aviv et Maccabi Haifa avant de rejoindre la sélection israélienne, de débarquer comme directeur technique de Portsmouth et ensuite au même poste à Chelsea. Trois mois plus tard, il remplaçait Special One. En acceptant ce job, il est devenu la risée de toute l’Angleterre, qui lui préférait sa femme, présentatrice de télévision en Israël. La presse anglaise ne l’a jamais pris au sérieux, mettant sans cesse le doigt sur son manque d’imagination et sur ses improvisations tactiques foireuses, et son noyau le déteste. Le clan de Mourinho (les Portugais, John Terry, Didier Drogba et Frank Lampard) n’a jamais accepté l’arrivée de Grant l’imposteur et n’hésite pas à le lui faire savoir.

Grant fait face. Pendant des semaines, il a courbé l’échine. Il a compris que cela ne servait à rien d’imposer ses vues. Il a repris le système mis en place par Mourinho (le 4-3-3) après avoir essayé le 4-4-2 et a laissé les pleins pouvoirs à ses joueurs. Ainsi, quelques jours après son arrivée, Grant avait voulu partir à Hull (en Coupe de la Ligue) le jour même du match, supprimant ainsi la tradition de dormir la nuit précédant le match dans un hôtel luxueux. Tollé des joueurs et marche arrière de Grant. Pourtant, l’entraîneur israélien rumine sa vengeance. Les résultats plaident en sa faveur et les déclarations tapageuses commencent à fleurir.  » Depuis que je suis là, aucune équipe n’a pris plus de points que Chelsea « , dit-il malicieusement pour souligner un bilan de 74 points sur 96 en championnat, de 5 défaites en 53 matches toutes compétitions confondues. Ou encore :  » Nous avons commencé la saison plus tard que les autres. Si nous échouons, on saura d’où vient le problème « . De Mourinho ?

Noyau : discipline Ferguson et autogestion vache

Ainsi, lorsqu’on demande à Drogba son avis sur Grant, l’Ivoirien réplique – Il ne vaut pas mieux que je vous dise ce que j’en pense. Un mois plus tôt, le même Drogba avait mis en cause le schéma tactique de Grant en réclamant un deuxième attaquant à ses côtés en la personne de Nicolas Anelka.

Les joueurs sont donc en autogestion. Ils n’écoutent pas et veulent tous remplir leur coffre de trophées avant de partir chercher un autre club. Car on annonce un exode massif cet été. De plus, les supporters ne sont pas là pour atténuer les souffrances de Grant. Car, divers groupes de supporters de Chelsea ont une réputation d’antisémite. Alors, accepter un entraîneur juif à sa tête, ça ne passe pas.

Jeu : croisements entre style et bulldozer

Au niveau du style enfin. Manchester a longtemps montré le plus beau football d’Europe (avec Arsenal). Frais, en un temps, cherchant toujours l’offensive, les Mancuniens ont enchaîné les performances de haut niveau, comme une équipe à pleine maturité. Chelsea, c’est le calcul, le rouleau compresseur qui se met en route à un moment donné, qui fait la différence, et qui bloque ensuite toutes velléités adverses. Mais tout cela sonne parfois comme des préjugés. La belle chevauchée des hommes d’Alex Ferguson a connu quelques ratés dans la dernière ligne droite. L’Ecossais a montré qu’il savait jouer  » à la Chelsea  » lorsqu’il misa tout sur les contres à Rome et face à Barcelone pour obtenir sa qualification. Et Chelsea a prouvé, en fin de saison, qu’il pouvait développer un football léché. Contre Liverpool et Manchester, c’est Chelsea qui fut percutant et éblouissant.

par stéphane vande velde

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