Deux livres et un film

Bernard Jeunejean

En vous conseillant deux bouquins puis un DVD par moi consommés avec bien du plaisir ces derniers mois, je vous refile non seulement des idées de cadeaux pour les fêtes, mais aussi de quoi passer la prochaine trêve sans vous ennuyer: c’est pas gentil, ça? Let’s go.

Philippe Guillard, Petits bruits de couloir, La Table Ronde/Poche N°138.

Un petit bijou, devenu méritoirement « Grand Prix de la Littérature sportive » en 1999. Serti de quelques jolis aphorismes (Un mélomane, c’est pas forcément un homme qui aime les mêlées), ledit bijou est façonné par une demi-douzaine de nouvelles puisées dans le monde du rugby. Mais nul besoin d’être expert en jeu à XV pour en raffoler: tout l’humain qui rôde dans la pratique du sport collectif en général, Guillard est ici parvenu à le prendre dans les mailles de ses mots. Le club qui perd son âme en gagnant le championnat lui permettant d’évoluer un échelon plus haut. La tournée/java de fin de saison où l’on a moins l’ovale en tête que d’autres rondeurs. Le mec que le coach veut mettre sur la touche le jour où toute sa famille débarque de loin pour le voir. Avec chaque fois un épilogue inattendu. Et une dernière nouvelle (La belle histoire) qui ausculte la camaraderie, la rivalité et la jalousie tissant les rapports de groupe: pour mieux filer la larme à l’oeil en même temps que la moelle des valeurs sportives. Je le répète: un petit bijou.

Philippe Housiaux, Sport: enjeu ou hors-jeu?, Luc Pire, 2001.

A lire par tous ceux qui ont des choses à dire (ou à râler!) sur la pratique sportive en Belgique,… et par tous ceux qui ont le tort de s’en foutre! Athlète, universitaire, consultant-médias, businessman du sport, COIB-iste à ses heures, Housiaux est depuis 30 ans « transversal » de tout le sport dans notre pays petit. Il se fait ici idéologue et polémiste pour passer au peigne archi-fin tout ce qui a lieu, n’a pas lieu et devrait avoir lieu chez nous: fiscalité et bénévolat, pouvoirs publics et subsidiations, élite et masse, formateurs sportifs et infrastructures, évidemment dopage et télévision, sport scolaire et olympisme,… tout y passe et c’est passionnant, qu’on adhère plus ou moins à la thèse de départ! Celle-ci dit que le sport chez nous est absent des grands débats de société, et doit s’organiser en groupe de pression pour avoir la place qu’il mérite et qu’il n’a pas: et ce serait un groupe de pression autrement « presseur » et costaud que celui des philatélistes ou des bédéphiles! Housiaux l’enthousiaste développe un credo corporatiste, et pourquoi pas dès le moment où il est convaincu jusqu’à ses tréfonds des valeurs éthiques et intrinsèques du sport? Mon petit regret au sortir du livre étant que ces valeurs restent sommairement définies: comme s’il suffisait d’éradiquer toutes les non-valeurs évidentes (affairisme, dopage, corruption…) pour qu’émerge un sport à l’évidence éthique.

Mick Davis, Le match, 1999.

Une chose est sûre, ce film est de loin le plus beau match qu’il m’ait été donné de voir cette année! Et pas seulement parce qu’il fut le plus fou! C’est dans le même créneau britannique et social que le récent Billy Elliot de Stephen Daldry (qui évoque la boxe et la danse) ou que le My name’s Joe de Kenneth Loach en 1997 (qui parlait déjà de football). Mais ici, le contexte est rural et le social vire davantage à l’humoristique. Dans un bled écossais d’au bout du monde, les bistroteurs des deux pubs s’affrontent chaque année depuis 99 ans, et c’est toujours le même qui gagne! Mais si l’autre perd la 100e édition, selon l’accord séculaire… Je ne vous en dis pas plus: sinon qu’on rit beaucoup, et qu’on a rarement fait mieux pour transcrire ce que ceux qui nous méprisent ne comprendront jamais: la profonde convivialité dans le foot, fût-elle parfois alcoolisée.

Bernard Jeunejean

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