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Destiné à l’Europe

Ses parents ont vendu leur maison au Colorado pour qu’il réalise son rêve. Il a joué avec Patrick Vieira et il a été entraîneur adjoint d’une équipe de filles. Le parcours tumultueux d’Ethan Horvath, le gardien n°1 du Club Bruges.

E than Horvath (22 ans) est hors de lui après avoir renvoyé le faible tir de Youri Tielemans, à la 64e du match contre Anderlecht lors des récents PO1. Pourtant, le portier américain de 21 ans a déjà réussi son match.

Une semaine plus tôt, Ludovic Butelle évincé, Horvath a gaffé lors de son premier match : comme d’autres, il a cru que l’arbitre avait interrompu le jeu et il a laissé le Carolo David Pollet marquer. La bourde a heureusement été oubliée, grâce au hat-trick de José Izquierdo.

Bruges a opté pour l’avenir.  » Il me rappelle Mathew Ryan » , a déclaré l’entraîneur des gardiens, Jan Van Steenberghe.  » Comme lui, il est très développé physiquement.  » Il mesure 1m94.  » Il est impressionnant sur les corners et les centres du flanc « , précise Griffin O’Neill, journaliste à Outside of the Boot, qui a suivi le gardien à Molde.  » Il joue simplement, loin de sa ligne, il anticipe mais pas toujours avec succès. Il doit travailler son timing et sa technique de frappe. Durant sa dernière saison en Norvège, il n’a réussi que 58 % de ses passes.  »

Test à Bristol

Ethan Horvath a grandi à Highlands Ranch (Colorado), une ville de 100.000 âmes à vingt kilomètres de Denver, où il a découvert le football aux Real Colorado Foxes. Le club évolue en D4, devant quelque 200 personnes. Ça ne l’a pas empêché d’accéder aux U14 nationaux en 2009.  » Un entraîneur a dit à mes parents qu’il valait mieux que je n’aille pas dans un collège car je pouvais briguer l’Europe ou la MLS « , raconte-t-il en octobre 2011, à quinze ans, lors de sa première interview, accordée au Denver Post.

Tim Howard, gardien d’Everton et de l’équipe nationale, est son modèle. Manchester United est son club préféré, il adore les maths et… il veut devenir footballeur pro en Europe. Un an plus tôt, ses parents, Peter et Deana, ont envoyé une compilation vidéo à Bristol City, un club de D2 anglaise.  » Des amis y vivent et nous avons pensé, sans nous faire trop d’illusions, que ce serait l’endroit idéal pour débuter. J’ai été invité à un test d’une semaine « , écrit-il dans un blog.

Il s’entraîne avec les U18 et participe à deux matches de l’équipe première. Il rencontre David James, l’ancien gardien international de Liverpool, Aston Villa et West Ham United.  » C’était la première fois de ma vie que je voyais de près un joueur de ce niveau.  » Impressionné par le jeune portier, Bristol City lui offre un contrat de stagiaire. Malheureusement, Horvath, qui n’a pas encore seize ans, est confronté aux strictes lois anglaises et n’obtient pas de permis de travail.

Les Orange County Blue Stars, une équipe réunissant les plus grands espoirs US, l’invitent pour une tournée en Europe. Il est le plus jeune jamais repris. Après un match contre Munich 1860, un scout norvégien l’invite à passer une semaine à Molde.  » Dès la première séance, le club voulait m’engager, en précisant qu’il ne savait pas comment, à cause des lois sur l’immigration. Une fois de plus.  »

Coach des filles

En octobre 2011, la famille reçoit la visite d’un scout norvégien et de Mario Weger, qui va devenir son agent. En attendant une solution, il doit retourner en Europe pour s’habituer au niveau, plus élevé. On lui arrange une semaine de stage à Manchester City.  » Une expérience unique : à l’entraînement, j’ai joué avec et contre Patrick Vieira.  »

Arrêt suivant : Stoke City. Il joue avec les U16, s’entraîne avec les U18 et étudie avec sa mère le reste du temps, à l’hôtel. Il est déçu par le gouffre qui le sépare de l’équipe première. Fin mars, il retourne aux States pour un stage en U18. Ses parents sont là, après un trajet de 1.500 kilomètres. Ils ont vendu leur maison, pour investir dans sa carrière. Alors qu’il s’apprête à effectuer de nouveaux stages en Allemagne, Molde lui annonce qu’il peut signer un contrat. La date : le 1er avril. Ce n’est pourtant pas une blague.

Un mineur américain ne peut toutefois résider en Norvège que 90 jours sur six mois. Son père prend alors un congé sabbatique de deux ans et s’installe en Norvège. Il se bat pour mettre les papiers de son fils en ordre. Richard Hartis, l’entraîneur des gardiens, contacte ses relations et trouve un job au gamin de 17 ans : il devient entraîneur adjoint du … Syracuse University Women’s Soccer Team.  » Dix semaines inoubliables.  » En octobre 2012, ses papiers en ordre, il retourne à Molde et y signe son premier contrat pro, à 18 ans. Le club est entraîné par Ole Gunnar Solskjaer, qui lui offre le titre en 2011 et 2012 plus la coupe en 2013, lors de la première saison d’Horvath. C’est sous les ordres de Tor Ole Skullerud, en janvier 2014, qu’Horvath effectue ses grands débuts, en Coupe contre Surnadal, un club amateur. Ses parents retournent en Amérique, le laissant seul, mais il apprécie Molde, une ville entourée de fjords. Bien que la vie soit chère.  » Je gagne peu. Je mange deux fois par jour au club mais je prépare moi-même mon repas du soir. Il y a un McDo mais le club nous interdit d’y manger.  »

Débuts européens

Il dispute son premier match de championnat en mai 2015, grâce à la blessure d’Örjan Nyland, le gardien de l’équipe nationale. Trois mois plus tard, Nyland est transféré à Ingolstadt 04.  » Il m’a fallu le temps de réaliser que j’étais le numéro un.  » Il tient bon, même dans le chaudron d’Istanbul, où Molde s’impose 1-3.  » Je n’oublierai jamais ce match.  » Deux semaines plus tard, il plonge les attaquants de l’Ajax dans le désespoir et est repris dans l’équipe UEFA de la semaine.  » Il a réussi des arrêts superbes. Un gardien très talentueux « , s’exclame Edwin van der Sar, un de ses modèles. Horvath se présente poliment à lui.  » Il a travaillé avec Richard Hartis, mon coach des gardiens en Norvège, qui m’a souvent montré des vidéos de ses entraînements.  »

Jürgen Klinsmann le sélectionne l’automne dernier en équipe nationale.  » Avec Ethan, nous sommes parés pour des années.  » Bruges l’a repéré aussi.

PAR CHRIS TETAERT – PHOTO BELGAIMAGE

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