Dessy chez Duracell

Pour deux équipes qui devront ramer jusqu’au bout, c’est le genre de match à gagner sans faute.

Ce week-end, c’est Tubize-Mons. Quels Wallons pleureront samedi en fin de soirée ?  » Mons a deux fois plus de talent mais Tubize est trois fois plus fort sur le plan mental « , lâche Philippe Saint-Jean (54 ans). Il connaît bien les deux clubs : il a fait monter Tubize puis a entraîné Mons pendant l’été, avant de quitter son poste au lendemain du premier match de championnat. Ce départ soudain, est-ce un regret ?  » Pas du tout. Je ne regrette qu’une chose : m’être engagé à Mons. J’étais épuisé nerveusement et je souffrais physiquement.  » Il souffrait du dos, son talon d’Achille depuis une opération ratée… du genou, il y a une trentaine d’années.

En fait, son plus gros regret est de ne pas avoir pu rester à Tubize.  » J’avais un accord avec le président pour devenir directeur technique. Mais tout s’est compliqué à deux mois de la fin du championnat. Raymond Langendries m’a dit : -Imagine que nous montions. Je ne sais pas payer un directeur technique et un entraîneur de D1. Si Tubize était resté en D2, j’y serais toujours. Finalement, je me suis sabordé en faisant monter ce club !  » Récemment, il a repris du service à Mouscron, au Futurosport.

Au moment où Saint-Jean s’installe pour l’interview, un employé du Futuro lui annonce que Thierry Pister vient d’être viré de Mons et remplacé par Christophe Dessy. Surpris par ce limogeage ?  » Oui « . Sur sa table, le Sport/Foot Magazine de la semaine dernière.  » J’ai lu l’analyse des problèmes de l’Albert : c’est exactement ça. Peut-être qu’il y a quatre clans de joueurs au lieu de trois, mais dans les grandes lignes, j’ai retrouvé exactement l’ambiance que j’y ai vécue.  »

On raconte que la fatigue et les problèmes physiques de Saint-Jean n’étaient que la partie visible de l’iceberg, voire des excuses faciles. Que la principale explication de son départ après un seul match officiel était un ras-le-bol total face à cette atmosphère plombée.  » J’ai vite compris que ce ne serait pas simple. Aucun match amical n’était encore programmé et il fallait attirer des nouveaux joueurs sans rien dépenser parce que le président avait encore mis beaucoup d’argent en janvier et il voulait récupérer une partie de sa mise. J’ai directement programmé des entretiens individuels avec les leaders du noyau. Adriano Duarte a été direct : -Je ne jouerai plus jamais pour Mons. Cédric Roussel m’a dit la même chose. Puis, la série des matches amicaux a commencé : ça se passait bien sur le terrain mais mal en dehors. Les joueurs n’étaient jamais contents : -Celui-là ne vaut pas Benjamin Nicaise ; -Celui-là, ce n’est pas Wilfried Dalmat. Le départ de Duarte a été très mal vécu. Frédéric Herpoel n’avait plus le feu sacré. Il aime toujours autant s’entraîner mais tout le reste l’ennuie. S’il pouvait arriver au stade un quart d’heure avant le début de l’entraînement, il le ferait. J’ai instauré le petit-déjeuner au stade mais ça ne plaisait à personne. Les joueurs en test étaient très mal accueillis, je suis même presque sûr que certains ont été sabotés dans des matches où je voulais les juger. Ce groupe m’obligeait à couper sans arrêt dans le jambon (sic) ! J’entendais des réflexions du style : -Si je joue, c’est avec untel et pas untel. On se serait cru chez des Scolaires. Ils se plaignaient du terrain, de la salle de musculation et d’autres choses. Certains menaçaient continuellement de partir si l’équipe n’était pas renforcée. Mais tout le monde craignait pour sa place. Ils demandaient des entraînements pas trop exigeants. J’entendais : -Je ne joue pas ; -J’arrête ; -Je suis malade. Là-bas, si tu éjectes un joueur de l’entraînement, il est dans les bureaux de la direction en trois minutes.  »

 » Les gars de Tubize me font penser à des piles « 

On le comprend : Philippe Saint-Jean est un homme soulagé de ne plus travailler dans un tel contexte.  » Etre confronté à un problème à la fois, ce n’est pas un drame. Mais quand les soucis s’accumulent, ça devient vraiment compliqué. J’ai démissionné après la première journée alors que je mûrissais ma décision depuis un long moment déjà. Ce premier match, à Gand, ce fut l’horreur. La licence de Frédéric Jay n’était pas arrivée à temps. Nous étions passés in extremis au marquage individuel sur les phases arrêtées parce que quelques joueurs ne voulaient pas jouer la zone. Nous avons encaissé trois buts en 20 minutes : j’étais dégoûté. Pour prendre ce groupe en mains, il faut rentrer dedans non stop. Vu mon état de fatigue, je n’en avais pas la force. C’est malheureux car si tous les joueurs de Mons tiraient sur la même corde, l’équipe serait sans problème à la place de Westerlo ou de Mouscron. Mons devrait déjà être sauvé. La montée en grade de Dessy est une bonne chose. Je suppose qu’il aura la poigne nécessaire. Avec tout ce que le club vient de vivre, c’est le bon moment pour rentrer dedans. J’espère pour lui qu’il aura Domenico Leone à ses côtés, que le prochain joueur qui mettra un pied de travers recevra une amende ou son C4.  »

Pour le match de samedi, Saint-Jean prévoit que :  » Si Tubize prend l’avance, Mons ne reviendra pas. Par contre, Tubize peut recoller si Mons marque en premier. Il n’y a pas photo au niveau du talent : Mons est loin devant. Mais c’est incomparable aussi en matière de mentalité : les gars de Tubize ne lâchent rien. Avec Albert Cartier, Michel Bertinchamps et Eric Deleu, il ne faut pas pleurer. Ces joueurs me font penser à des piles Duracell : ils ne réfléchissent pas trop et ils ne s’arrêtent jamais. C’est malheureux que le club n’ait pas fait le maximum pour garder quatre bons joueurs de la saison dernière : David Vandenbroeck, Christophe Lepoint, Jonathan Mununga et Thierry Berghmans. Avec ceux-là en plus de Nicolas Ardouin, Jérémy Perbet, Gregory Dufer et Vittorio Villano, on ne parlerait déjà plus de lutte pour le maintien à Tubize, l’équipe serait sauvée.  »

par pierre danvoye – photo: reporters

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