Désenchanté

Seraing, Charleroi, Alost, Molenbeek: Manu Ferrera en a marre des clubs à problèmes. Et envisage de jeter le gant.

A l’image de bon nombre de ses ex-rivaux parmi l’élite, le RWDM aurait dû, logiquement, reprendre les entraînements lundi de la semaine passée. Mais ce jour-là, le coach Manu Ferrera et son adjoint, Marc Wuyts, trouvèrent porte close au Stade Edmond Machtens.

« Mon contrat prenait cours ce jour-là », observe l’entraîneur. « Je me suis donc présenté sur les lieux de mon travail à heure et à temps, afin de ne pas être pris en défaut. A un moment donné, Marc et moi avons même songé à faire appel à un huissier pour faire acter notre présence. Mais 300 euros, c’est quand même cher donné pour un gars qui, comme moi, n’a plus eu de rentrées financières depuis le mois de janvier… Et qui peut faire son deuil de l’argent que lui devait Alost, qui a été mis en liquidation au printemps. Vous avouerez que c’est ahurissant: voilà un club redevable de plusieurs millions à ses anciens joueurs et mentors mais qui, avec la même direction, se voit à présent autorisé à recommencer en D3 avec les compteurs remis à zéro. C’est tout bonnement honteux. Pour ne pas dire dégoûtant ».

Dix heures trente. Enfin du mouvement du côté de la rue Malis. C’est Sophie Henry, la secrétaire, qui se pointe pour ouvrir les bureaux. Ou, du moins, ce qu’il en reste. Car le mobilier a été saisi et le téléphone coupé. Sans compter que des voleurs ont fait main basse sur les équipements récemment.

Vasas

Pas de joueurs, pas de matériel, pas de dirigeants: dans ces conditions, il n’y a évidemment pas de quoi travaillerpour Manu Ferrera. Qui, en compagnie de Marc Wuyts, décide de prendre illico presto la route d’Asse afin de savoir de quoi il retourne exactement auprès du président, Eric De Prins.

« Il était bel et bien présent sur les lieux mais n’a pas voulu nous recevoir », souligne Manu Ferrera. « C’eût été la moindre des politesses, ne fût-ce que pour dire où le RWDM et lui-même en étaient à cet instant. Mon dernier contact avec lui remontait à une dizaine de jours plus tôt. Je l’avais avisé que les Hongrois du Vasas Budapest étaient intéressés par ma candidature et qu’en raison de l’avenir incertain de Molenbeek, je comptais quand même examiner cette demande. Le président voulut m’en dissuader en présentant des documents qui attestaient que l’argent nécessaire pour sauver le club, autrement dit les quatre millions de dollars garantis par le manager Igor Nazgorodnyi, était en route vers la Belgique via les Etats-Unis. Pour prouver tant et plus sa foi vis-à-vis du club, Eric De Prins me montra même le programme qu’il avait concocté de même que les identités de ceux qui étaient appelés à former le futur noyau en D1. Il croyait encore dur comme fer au sauvetage du RWDM à ce moment. Moi-même, j’étais stupéfait. Mais un tantinet plus circonspect tout de même. Et c’est pourquoi je tenais à prendre la température à Budapest, malgré tout ».

Aumône

Avant cette offre du club magyar, le nom de Manu Ferrera avait toutefois été mis en rapport avec Beveren, où son frérot, Emilio, avait réalisé du bon travail en tout début de saison passée, avant de mettre le cap sur Molenbeek.

« Je suis allé trouver Jean-Marc Guillou à la demande de mon frangin car il y avait toujours un problème à régler entre les deux parties à ce moment », explique Manu. « En cours de conversation, le directeur technique du club du Freethiel m’a demandé si le poste d’entraîneur m’intéressait. J’ai répondu par l’affirmative en donnant mes conditions. J’ai finalement appris qu’ Herman Helleputte avait enlevé le morceau. Pour une aumône. Et Etienne Delangre ne s’était guère montré plus gourmand que lui à Charleroi. Si je comprends l’ancien Standardman, qui a fait des concessions en raison du fait qu’il se lance dans le métier, je saisis nettement moins la démarche du nouvel homme fort chez les Jaune et Bleu. D’une manière générale, d’ailleurs, pas mal de choses m’interpellent. Comme la décision du président mouscronnois, Jean-Pierre Detremmerie, de confier les rênes de l’équipe Première de l’Excelsior à l’inexpérimenté Lorenzo Staelens. Des exemples récents ont prouvé que même les meilleurs, comme Enzo Scifo ou Michel Preud’homme, ne s’improvisent pas coach. Moi, j’ai 12 ans de métier derrière moi. Et je m’en suis toujours tiré comme un grand, malgré des situations peu enviables à Seraing, Charleroi ou Alost. J’ai du mal à admettre que ce curriculum vitae ne plaide pas davantage en ma faveur ».

Bidon

A l’instigation du manager hongrois Georges Bala, Manu Ferrera était donc allé jeter un coup d’oeil au Vasas Budapest, un ancien monstre sacré du football hongrois qui n’a cependant pas pu échapper à la relégation en fin de saison passée.

« Pendant cinq jours, j’ai discuté avec les dirigeants de ce club des modalités de mon passage là-bas. Il avait été convenu qu’ils m’envoient une proposition définitive à mon retour en Belgique. Grande fut ma stupéfaction, en parcourant ce contrat, de constater que seuls mon nom et mon prénom correspondaient encore à ce qui avait été convenu entre nous. Les données chiffrées, la durée, l’appartement, la voiture, tout, absolument tout, avait été modifié. Et des clauses dont nous n’avions jamais discuté étaient subitement reprises: comme l’obligation d’être en tête du championnat de D2 après six journées ou celle d’être champion d’automne avec quatre points d’avance au moins, sans quoi j’étais licencié sans la moindre indemnité de rupture. Je me suis ouvert de ce problème auprès de Georges Bala. Il va examiner la situation. Mais tout porte à croire que je n’irai donc jamais au Vasas. Un club turc s’est mis lui aussi sur les rangs, récemment. J’ai bien peur, toutefois, que cette offre ne soit tout aussi bidon. Je ne cache pas que j’en ai marre. Si rien ne bouge dans la quinzaine à venir, je compte même claquer définitivement la porte au milieu du football. Je suis désabusé, désenchanté. A une certaine époque, je songeais encore à me lancer dans le management footballistique avec l’ancien dirigeant carolo Luc Frère. Mais j’aime autant couper tous les ponts avec ce monde-là. Seraing, Charleroi, Alost, Molenbeek: tout s’est toujours terminé en eau de boudin pour moi. Il faudrait peut-être que je me le tienne pour dit une fois pour toutes ».

Bruno Govers

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