« Des touristes seront attaquÉs ! »

Le jeune défenseur rêve d’être repris dans l’équipe sud-africaine mais met tout le monde en garde…

Le 7 juin 2009, on a procédé à Port Elizabeth, à l’inauguration du Nelson MandelaBay Stadium. A cette occasion, l’Afrique du Sud a reçu le Japon, face auquel elle a réalisé un nul blanc. Un de ses joueurs gagne sa vie en Belgique : Anele Ngongca, le défenseur du RC Genk, a disputé l’intégralité de la joute. Le lendemain, après un vol de deux heures, la délégation a atterri à Bloemfontein pour y affronter la Jamaïque. Une blessure à la cuisse a renvoyé Anele au vestiaire à mi-parcours. Le score a encore été de 0-0.  » Nous ne parvenons pas à marquer, c’est notre problème.  »

Ces deux matches étaient les premiers sous la direction du coach brésilien Carlos Alberto Parreira, revenu après avoir démissionné l’année dernière, juste avant la Coupe des Confédérations, pour soigner son épouse, gravement malade. Sous la houlette de son successeur, un autre Brésilien, Joel Santana, l’Afrique du Sud a perdu huit de ses neuf matches amicaux. Santana a été limogé et Parreira est réapparu.

 » Santana n’avait aucune expérience « , commente Anele.  » Il a certes entraîné Vasco de Gama et Flamengo mais une équipe nationale fonctionne autrement. Il ne parlait pas anglais. La Fédération a donc rappelé le mage, celui qui a remporté une Coupe du Monde avec le Brésil.  » Mieux même, Parreira a conduit quatre nations au Mondial : le Koweït en 1982, les Emirats Arabes Unis en 1990, le Brésil en 1994 et l’Arabie Saoudite en 1998. Il a participé à un cinquième Mondial en 2006 avec le Brésil. Seul Bora Milutinovic a fait mieux avec cinq pays différents. Les états de service de Parreira sont impressionnants et le Brésilien concocte un solide programme de préparation à l’Afrique du Sud.

Anele :  » En mars, il veut effectuer un stage d’un mois au Brésil. Ensuite, nous séjournerons quelques semaines au quartier central d’Adidas en Allemagne, avant de retourner en Afrique du Sud pour le tournoi. A ce moment, le championnat de Belgique ne sera pas achevé. Benny McCarthy et Elrio Van Heerden connaissent le même problème à Blackburn. Ce sont les clubs qui nous paient et avec tout mon respect pour l’équipe nationale, c’est pour notre club que nous travaillons.  »

Anele comprend évidemment le point de vue du sélectionneur.  » Il doit former une équipe. Nous devons au moins atteindre le deuxième tour. Nous n’attendons pas beaucoup de cette Coupe du Monde mais quand même, d’autant qu’après le premier tour, tout est possible. Rappelez-vous qu’en Coupe des Confédérations, nous n’avons été battus qu’en demi-finales, par le Brésil. « 

Merci, Parreira

Anele, qui vient de fêter ses 22 ans, ne compte encore que trois sélections.  » J’aurais dû être repris quand je jouais en Afrique du Sud mais je n’ai pas obtenu ma chance en -20 ans, à cause des managers. Ils veillent à ce que leurs joueurs soient repris. Et je viens du Cap alors que la Fédération est sise à Johannesburg, ce qui me complique la vie. « 

Son éclosion chez les Bafana Bafana vient à point nommé :  » C’est mon billet pour la Coupe du Monde ! C’est le rêve de tout enfant, le plus grand événement footballistique au monde. Je suis très heureux que Parreira soit de retour car il croit en moi et apprécie mon style. « 

Même s’il a joué à l’arrière droit, aux côtés d’ Aaron Mokoena, un ancien joueur de Genk et du Germinal Beerschot ?  » Ce n’est pas vraiment pas ma position favorite « , reconnaît-il.  » Je n’en fais cependant pas un problème : je joue où l’entraîneur le désire. Parreira est suffisamment expérimenté pour me poster là où je suis le plus utile. Je ne me plains jamais.  »

Parreira a été franc avec Anele :  » Le coach a dit qu’il ne me connaissait pas et que nul ne m’avait recommandé. Mais il est satisfait de moi et me juge bon. Nous avions beaucoup de problèmes à ce poste. Le joueur qui l’occupait évoluait en Afrique du Sud et était irrégulier. Parreira souhaitait plus d’éléments issus des championnats européens. Les Sud-Africains aiment le show, ils dansent avec le ballon, alors que le coach préfère un jeu simple, ce qui correspond à mon registre… « 

Le retour de McCarthy

Si les Bafana Bafana sont en progrès, c’est grâce à Parreira, selon Anele :  » Il a immédiatement amélioré l’organisation. Avec Santana, nous encaissions au moins deux buts par match alors que nous avons réalisé deux nuls blancs. Or, le Japon a une bonne équipe. Il s’est qualifié pour le Mondial. La priorité est donc de ne plus encaisser de buts. Reste à marquer. « 

Parreira, explique Anele, allie le flair brésilien au réalisme :  » Il croit au jeu et il est un motivateur-né. Il nous inspire réellement avant un match et insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas que de football mais de mentalité. Il nous a dit que s’il n’était plus capable de courir, nous l’étions encore et que nous devions le faire comme si notre vie en dépendait. Il a ouvert nos esprits. N’imaginez pas que tout va marcher d’un coup de baguette magique. Il nous a aussi convaincus que nous étions capables de mieux. Selon moi, il n’y a rien de tel que ces speeches pour nous motiver. Parreira est un grand nom du football. Il nous a raconté comment il avait gagné la Coupe du Monde avec le Brésil. J’ai été surpris par son ouverture et sa façon de partager ses succès avec nous. « 

La finition pose problème mais l’équipe retrouve McCarthy. Anele :  » Avant, il choisissait ses matches. Il se distinguait face aux adversaires prestigieux et il s’effaçait quand nous affrontions des petites équipes. Il ne respectait pas son pays. Il a présenté ses excuses. C’est important car il est notre meilleur buteur. « 

Les bienheureux

Anele a joué pour la première fois devant son propre public contre le Japon et la Jamaïque :  » Une expérience fantastique, avec tous ces vuvuzelas ! Les stades étaient combles. Les gens sont prêts à accueillir le Mondial. Nous avons des stades superbes, dignes de l’Europe. Chapeau à ceux qui y ont travaillé jour et nuit. Au Cap, un ouvrier est mort d’un accident pendant la construction. Il ne faut pas l’oublier.  »

Selon Anele, il reste une question : que va-t-il advenir de ces arènes ensuite ? Le Cap possède l’impressionnant Green Point Stadium, le deuxième plus grand stade du pays. Anele :  » Les stades ont absorbé beaucoup d’argent mais comment les villes vont-elles les entretenir et les rentabiliser ? Grâce à des chanteurs ? Le Cap a deux équipes, l’Ajax Capetown et Santos. 12.000 personnes assistent en moyenne aux matches de l’Ajax. Cela représente une tribune de ce stade de 60.000 places. C’est une honte. Les habitants du Cap sont heureux d’accueillir le Mondial car ils aiment le football mais ils sont supporters d’une des trois grandes équipes : les Orlando Pirates, les Kaizer Chiefs et les Mamelodi Sundowns, trois formations de Johannesburg, à deux heures d’avion. « 

Comment former de nouveaux héros ?

 » Le Mondial ne va pas relever le train de vie des gens « , pense Anele.  » Rien ne changera mais la population est heureuse de pouvoir organiser le plus grand événement footballistique planétaire. La ville va vivre au rythme du tournoi. Les gens veulent voir leurs représentants se mesurer aux meilleurs du monde. Ensuite, cela n’ira ni mieux ni plus mal. Si certains pourront en retirer quelque chose, ce seront les enfants. J’ai assisté à un tournoi qui se disputait à côté du Green Point Stadium. J’ai aperçu deux Néerlandais. Des managers, je pense. C’est bien pour les joueurs. « 

Le Mondial est une affaire d’argent. Anele le sait, il n’est pas naïf.  » L’argent est souvent source de maux. Quand la Fédération sud-africaine distribue de l’argent aux clubs, il se perd souvent dans les poches des propriétaires. J’espère que cette Coupe du Monde permettra d’investir dans le développement de bons footballeurs, dans les jeunes. Ce Mondial sera le dernier de McCarthy. Qui lui succédera ? Qui admirer ensuite ? Pourvu que ce soient les jeunes que nous allons former. « 

par jan hauspie – photos: reuters

Parreira nous a dit que nous devions courir comme si notre vie en dépendait.

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