« Des matches truqués ? Il y en aura toujours… »

Depuis deux ans, l’une des figures les plus sulfureuses du foot belge contemporain nage avec les dauphins de l’Océan Indien, y fait du business et prépare son retour aux affaires en Belgique !

Retrouver la trace de Pietro Allatta n’est pas forcément facile. On le dit passer le plus clair de son temps à l’Ile Maurice, dans l’océan Indien, à l’est de Madagascar. A l’aube de congés au soleil à la mi-décembre dans cette terre de vacances, on tente plusieurs fois de le joindre sur son ancien numéro de gsm pour arranger une interview. S’il est d’accord,… quitte à torpiller quelques heures de farniente mais pas d’hésitation : on fera toujours tout pour le magazine !

Sans réponse de la part d’Allatta sauf quelques sms absolument illisibles, on tente sa chance sur le portable de Sergio Brio, l’ex-défenseur star de la Juventus, mieux connu en Belgique comme ex-entraîneur de Mons qu’il sauva en 2004 de la descente avant d’être viré avec grand fracas. Brio et Allatta étaient très proches, peut-être que le Transalpin pourrait aider. Mais comme Sport/Foot Magazine a relaté les faits à l’époque et qu’ils n’arrangent toujours pas Brio, ce dernier fut très sec au téléphone :  » Je n’ai aucun renseignement à vous donner et si vous m’appelez encore sur ce numéro privé, j’intenterai une plainte en justice contre vous.  » Après avoir dit à Brio qu’on tremblait de peur, on lui a souhaité beaucoup de réussite pour la suite de sa carrière d’entraîneur…

Finalement, direction l’Ile Maurice sans rancart avec l’une des figures les plus sulfureuses du foot belge contemporain. Mais la bonne fortune nous attendait à 19 heures de voyage de Bruxelles. A peine installé à l’ombre des palmiers, où il fait toujours 30 degrés et où la température de l’océan est à 27 degrés, ne voilà-t’y pas que notre gsm se met à sonner. C’est Allatta, ravi de nous recevoir, qui nous fixe derechef un rendez-vous pour quelques jours plus tard. La ligne était enfin passée…

Rendez-vous devantle magasin Astuce

Grand Baie, dans le nord-est de l’Ile Maurice. A l’entrée de cette ville réputée pour étant la plus hot de l’Ile du fait de sa vie nocturne intense, Rue de la Sellette, à gauche du Super U, on trouve une boutique de vêtements, Astuce. C’est là que Pietro Allatta nous a fixé rendez-vous un vendredi matin de décembre à 10 h du mat’.

Il arrive avec son perpétuel grand sourire. Il n’a pas changé : toujours bronzé comme un p’tit Lu. Sur le pif des lunettes de soleil hors de prix et vêtu de superbes vêtements en lin, tissu indispensable pour le look et le confort sous ces latitudes. Il dit qu’il est un peu fatigué parce qu’il a reçu des amis jusqu’à six heures du matin et qu’il n’a qu’une mi-temps à nous consacrer. Bon, on va faire avec.

Allatta prend la parole et raconte son histoire, faisant semblant d’écouter attentivement les questions, mais répondant quand même ce qu’il veut, de la manière qu’il a choisie. Bref, le genre d’interview catenaccio où c’est surtout le lecteur qui score quand il sait lire entre les lignes.

 » Brio ne voulait pas aller en Grèce « 

 » C’est vrai que j’ai essayé un moment de placer Sergio Brio comme entraîneur, ici à l’Ile Maurice, mais ils n’ont pas d’argent. J’avais d’abord pensé à l’équipe nationale mais ça n’a pas marché. Et puis, j’ai un peu regardé ce qu’il y avait ici comme jeunes footballeurs en pensant éventuellement à une académie mais il n’y a pas grand-chose comme joueurs. Maurice attend toujours les successeurs de Vikash Dhorassoo, hein ! D’ici, j’ai aussi eu des touches pour Sergio en Grèce, mais il ne voulait pas aller là-bas. Finalement, il est très content de sa vie actuelle en Italie où il travaille pour la RAI.  »

 » C’est ma prison dorée « 

 » Mes comptes en banque sont toujours bloqués en Belgique ( cf cadre) mais je suis libre d’aller et de venir. Je vis ici depuis octobre 2007 et je fais ce que je veux. Je dois aussi 1,2 million d’euros au fisc belge et alors ? Je suis Italien, domicilié en Belgique et résidant à l’Ile Maurice… Je vis dans une prison dorée ici et je n’ai pas l’intention d’être le plus riche du cimetière. Je suis résident mauricien et j’ai des papiers totalement en ordre en tant qu’investisseur. Je rentre six fois par an en Europe pour passer mes commandes, mais en général c’est ma famille qui me visite ici. Je vis trop bien : je loue une splendide villa avec plein de chambres et de la domesticité pour 600 euros par mois tout compris.  »

 » Je suis contre les imitations « 

 » J’ai ouvert plusieurs magasins de vêtements féminins ici, Astuce, Energizer, Miss Sixty. Pas des imitations comme c’est souvent le cas ici. Non, des produits authentiques que j’achète en France et en Italie auprès de producteurs de lignes classiques reconnues. Je vends des beaux produits que les femmes des cadres directoriaux environnants viennent acheter ici. Mes affaires marchent bien puisque je sers aussi de distributeur pour d’autres boutiques non concurrentes. Je vends aussi des tringles et des mannequins et suis en train d’investir dans une société immobilière… Je rêve aussi de deux mégaprojets : affréter le plus gros catamaran qui ait jamais sillonné les eaux de l’Ile Maurice pour le louer aux touristes et rentabiliser un nouveau restaurant pieds dans l’eau face à l’Ile aux cerfs ! Ma vie est chronométrée. Je n’arrête pas. J’ai une vingtaine de personnes qui travaillent déjà pour moi. Et quand je vous quitte, je vais réceptionner 100 écrans plasma pour un hôtel… « 

 » Je nage avec les dauphins « 

 » C’est le rêve ici, je travaille énormément mais j’ai toujours l’impression d’être en vacances. Comme j’ai travaillé dans une autre vie au Club Med, j’ai conservé énormément d’amis dans le secteur du tourisme. Et ils ont toujours dit que l’Ile Maurice était un paradis sur terre,… ce que je suis venu voir sur place et j’ai vite été convaincu. En plus j’ai rencontré pas mal de Belges qui ont des commerces ici. Ce que je fais en dehors du travail ? Du ski nautique, de la planche à voile, nager avec les dauphins. « 

 » Ye avait investi quatre fois 500.000 euros en Belgique « 

 » Je ne rentrerai définitivement en Belgique que quand le procès des matches présumés truqués sera terminé et que tout aura été tiré au clair. Parce que dans le public, on pense toujours que j’ai été un des maîtres de l’ouvrage, mais pas du tout. J’ai été interrogé par la juge d’instruction Sylvania Verstreken mais jamais, je n’ai été inculpé. Au contraire, quand je lui ai raconté tout ce que je savais sur Zheyun Ye, dans le cadre de son harcèlement sur une mineure d’âge à l’Hôtel Hilton à Bruxelles et la manière dont j’y avais mis fin, elle m’a dit que j’étais un type bien. Moi, je lui ai simplement répondu que j’étais un père de famille et que si en Chine, on traitait mal les mineures, il n’était pas question de faire de la sorte en Belgique. A ce moment, Ye avait été arrêté par la police, puis libéré. Aujourd’hui, personne ne sait où il est. J’avais rencontré le Chinois lors de contacts dans le milieu de la mode parce qu’il avait des superbes vêtements de cuir à Paris. Ce furent nos premiers contacts, après il m’a demandé de lui trouver des joueurs et des coaches pour ses équipes. Notamment pour Alliansi ? Oui mais je n’en dirai pas plus. Ce que je sais d’autre sur Ye ? Qu’il a investi quatre fois 500.000 euros dans des clubs en Belgique. Pour truquer des matches ? C’est vous qui le dites, mais des matches truqués, il y en a toujours eu, il y en a actuellement et il y en aura toujours. Tant qu’il y a de l’argent à gagner, il y aura toujours des gens qui en voudront une partie. Surtout que les paris ont fort évolué ces dernières années On parie en ligne pendant un match, sur des tranches de matches, sur des buts marqués ou non… Si j’ai encore des contacts avec Filippo Gaone ? Evidemment qu’on se parle quand on se croise, mais brièvement. Ecoutez, on se connaît depuis 30 ans et on a toujours bien travaillé ensemble…  »

 » Silvio Porto et moi, on se reparlera « 

 » Silvio Proto est toujours le meilleur gardien de Belgique. Anderlecht a tout fait pour que nous ne nous parlions plus et c’est de bonne guerre. Silvio pouvait aller à Barcelone, à Arsenal mais il ne voulait pas être deuxième… Donc, je ne parle plus à Silvio malgré qu’on ait eu un lien très fort. J’envoie encore des sms pour un anniversaire, une fête ; ça oui. C’est tout. Mais je pense qu’un jour on se reparlera. Si ça fait quelque chose ? Évidemment.  »

 » Anderlecht a mal agi « 

 » Le club m’a fait citer en justice parce que je l’ai critiqué et le juge m’a demandé de ne plus parler d’Anderlecht dans les journaux. Ce que je respecte à la lettre, je ne les critique plus, je ne dis plus rien. Mais je n’oublie jamais, tout va rebondir encore plus fort. J’ai écrit un livre sur tout ce que je sais sur le foot belge et quand je le sortirai, ça va faire mal, je vous le garantis. Son titre ? Je n’ai oublié personne. C’est la vérité : je n’ai oublié personne en écrivant tout ça ! Et Anderlecht a peur, évidemment. Il a mal agi et le sait : il n’y a pas de fumée sans feu.  »

 » Alors, Mogi Bayat a frappé un de vos journalistes ? »

 » Alors, il paraît que Mogi Bayat a frappé un de vos journalistes ? Les nouvelles vont vite hein… Ha-la-la-lala, quel numéro celui-là. J’ai eu affaire à lui quand Majid Oulmers m’avait dit qu’il était fin de contrat et voulait aller au Standard. Je suis allé avec lui chez Pierre François pour discuter, mais on a constaté qu’Oulmers n’était pas fin de contrat. Il m’avait raconté des salades. François était mal placé car c’est un grand pote de Mogi Bayat. Ce dernier a râlé à fond sur moi parce que, du coup, il a quand même dû augmenter le contrat d’Oulmers. Alors, il me téléphonait pour me demander de lui faire un cadeau… On ne s’est jamais entendu jusqu’au jour où mon frère, Salvatore, lui a dit qu’il avait une grande gueule et qu’il devait la fermer. Du coup, je n’ai plus entendu Mogi Bayat. Il a peur de mon frère, apparemment…  »

 » Je reste branché « 

 » Attention, qu’on ne se méprenne pas : vous devez savoir que je reste toujours hyper actif quant au monde du foot… Je regarde tous les grands matches à la TV et puis, grâce au téléphone, je suis en contact avec qui il faut. De plus, l’Ile Maurice est devenue une destination favorite de la jet-set européenne en hiver et je rencontre des tas de gens importants ; des gens qui ont des intérêts dans les grands clubs. Des Italiens et des Français surtout. « 

par john baete

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