Des Lions en cage

Le Sénégal et le Maroc sont les grosses déceptions de cette édition. Retour sur deux éliminations inattendues.

Elles faisaient figure d’outsiders derrière les deux grands favoris, la Côte d’Ivoire et le Ghana. Et pourtant après seulement deux journées, leur sort était plié. Direction maison pour la sélection sénégalaise comme pour celle du Maroc et d’énormes regrets ramenés dans les bagages. Tentatives d’explication de deux spectaculaires sorties de route.

Maroc : joueurs hors forme

Il était arrivé tel un messie au Gabon et avait affirmé les plus hautes ambitions. Dix jours plus tard, Eric Gerets a vu son statut totalement chamboulé. Les deux défaites coup sur coup face à la Tunisie (2-1) et le Gabon (3-2) ont fait oublier la bonne campagne de qualification, pimentée par une victoire éclatante et prestigieuse face à l’Algérie en juin dernier (4-0). Aujourd’hui, les critiques fusent, et la positon de Gerets vacille malgré un contrat qui court jusqu’en 2015. L’intéressé, lui, ne cherche pas à se dédouaner.  » Au milieu de la route, il y a un énorme échec. Si on me laisse faire mon travail, je reste. Si les dirigeants de la Fédération ne sont pas contents de mon travail, ils me le diront. Pendant 15 mois, personne ne m’a dit que j’étais mauvais. En foot, lundi tu es un roi, le lendemain tu n’es plus rien. On gagne ensemble et on perd ensemble. Mais j’aime autant prendre tout sur la gueule.  »

Si le Lion de Rekem a aussi rappelé son désir de poursuivre l’aventure avec les Lions de l’Atlas, la crainte de se voir chaperonner est grande suite à la désillusion canoise. Et on imagine difficilement l’ex-coach de l’OM se voir mettre des bâtons dans les roues. L’opinion publique marocaine et les médias, malgré la virulence de certains, n’ont pas encore totalement retourné leur veste. Ceci étant, dans un pays où le foot va très vite, qui depuis 2005 a déjà usé sept sélectionneurs, il faut s’attendre à tout. D’autant que la faiblesse des prestations à la CAN et l’absence de ligne de conduite inquiètent.

Aujourd’hui, nombreux sont les observateurs à critiquer la liste des 23 dressée par son sélectionneur. Pour se qualifier, Gerets, dont c’est à 55 ans la première expérience à la tête d’une équipe nationale, rappelait régulièrement environ dix joueurs évoluant au pays. Ils n’étaient finalement que quatre à l’heure des 23, dont un seul titulaire, le gardien Nadir Lamyaghri. Plus surprenant : le nombre de joueurs hors forme qui faisaient partie du voyage alors que Gerets avait pointé comme critère de sélection, le fait d’être titulaire dans son club. Une exigence qui semble avoir été revue à la baisse puisque Marouane Chamakh, très critiqué lors du match face à la Tunisie et absent face au Gabon pour cause d’intoxication alimentaire, n’a disputé que 128 minutes du côté d’Arsenal depuis l’entame de la saison. D’autres cas sont plus étonnants encore comme la sélection de Mehdi Carcela, crédité d’une bonne prestation face au Gabon, mais qui n’est rentré qu’une fois au jeu avec Anzhi Makhatchkala. La présence d’ Adel Taarabt, avec qui Gerets s’était fritté avant le match face à l’Algérie, et qui n’impressionne guère la Premier League avec QPR, soulève les critiques.

Gerets : un salaire qui le protège

Gerets a également totalement chamboulé son onze de base entre le match face aux Aigles de Carthage et celui face aux Etalons qui les a définitivement condamnés. Avec pas moins de quatre changements dans le secteur offensif, difficile d’y voir très clair.

Le stage de préparation à Marbella était annonciateur d’un fiasco. Alors que les autres sélections africaines s’acclimataient sous des températures élevées, et disputaient des rencontres amicales entre elles, les Lions de l’Atlas ont choisi la douceur du soleil andalou et des matches amicaux face à des formations européennes (Grasshopper Zurich et Bâle). Au-delà de cette approche particulière, il semble que l’entourage des joueurs s’est invité durant ce stage  » Club Med  » comme le décrivent différents médias marocains. La mainmise des agents de joueurs sur la sélection est un mal qui ne date pas d’hier. Différents sélectionneurs comme MohamedFakhir ont tenté de se débarrasser de cette coutume malheureuse en le payant au prix fort. Après avoir connu des clubs aussi bouillants que Galatasaray ou Marseille, Gerets est habitué aux pressions en tous genres. Reste qu’on l’a senti particulièrement irrité lors des différentes conférences de presse.

Un point important devrait empêcher Gerets d’être délogé de son siège de sélectionneur : son salaire. Les trois millions d’euros annuels qui lui sont versés ont fait jaser et reviennent sur la table depuis l’élimination. Un licenciement mettrait à mal la Fédération marocaine dont la gestion est fortement critiquée. Autre élément en faveur du maintien de Gerets : la proximité des éliminatoires pour la Coupe du Monde 2014. Quelques bons résultats devraient permettre à notre compatriote de se remettre en selle et pourquoi pas, récupérer la confiance du peuple marocain.

Sénégal : une défense en carton et une attaque embouteillage

Davantage encore que le Maroc, le Sénégal faisait figure de grand outsider lors de cette 28e édition de la CAN. Et là encore, il n’a fallu que deux matches pour voir les espoirs s’effondrer. Vingt premières minutes catastrophiques face à la Zambie et une incapacité à créer du jeu face à la Guinée équatoriale ont été fatales. Parallèle encore avec le Maroc : le coach, AmaraTraoré, débarquait avec une image séduisante ; celle-ci est aujourd’hui sérieusement écornée. Un membre de la fédé sénégalaise n’a pas hésité à balancer sous couvert d’anonymat :  » Nous avons été éliminés de la CAN 2012, à cause du mauvais coaching de Traoré. Et rien d’autre. Puisque ce n’est pas un problème d’effectif qui se pose au Sénégal. Sur ce plan, nous avons, je pense bien, sur le papier, le meilleur groupe du tournoi. Mais, Amara n’a pas su exploiter toute sa richesse. Il a toujours fait dans le cafouillage pour finir par nous ridiculiser.  »

L’ex-attaquant de Bastia ou de Gueugnon dans les années 90 et membre du Sénégal 2002 qui avait accédé aux quarts de finale de la Coupe du Monde, devrait selon toute vraisemblance sauter. Si les mots employés sont durs, la vérité n’est pas loin. Jamais, durant cette CAN qu’elle termine avec zéro point (!), la sélection sénégalaise n’a ressemblé à une équipe. Face à la Zambie, la défense est passée complètement au travers alors qu’elle est composée de joueurs comme Souleymane Diawara, Kader Mangane ou Ludovic Sané. Devant, les noms sont encore plus clinquants mais les Moussa Sow, Mahamadou Niang, Demba Ba ou Papiss Cissé se sont marchés dessus, n’inscrivant que deux buts sur le tournoi.

Les stars souffrent à la CAN

L’élimination de ces deux nations confirme une tendance : la difficulté pour les stars  » européennes  » de s’illustrer durant la CAN. 2004 et la victoire de la Tunisie suivis du triplé de l’Egypte, tous ces titres ont été remportés par des sélections composées d’une forte ossature locale. A Didier Drogba, André Ayew et les autres de faire mentir cette statistique.

PAR THOMAS BRICMONT

 » Pendant 15 mois, personne ne m’a dit que j’étais mauvais. Mais en foot, lundi tu es un roi, le lendemain tu n’es plus rien.  » (Eric Gerets)

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