DES HAUTS ET DÉBAT

Les clichés qui collent à la peau de l’entraîneur israélien du Standard sont-ils vrais ? Analyse au cas par cas.

A mi-parcours des play-offs et alors que le bilan du Standard est maigrichon (six points sur 15 mais une seule défaite), la tactique et le comportement de Guy Luzon refont débat. Sport/Foot Magazine a tenté de délier le vrai du faux.

Il n’a qu’un seul plan en tête – faux/vrai

On reproche souvent à l’entraîneur du Standard d’avoir un schéma de jeu stéréotypé. Un 4-4-2 immuable basé sur la vitesse des deux attaquants et sur un pressing exacerbé en début de rencontre. Il ne reste plus aux talents offensifs qu’à faire la différence. Cependant, confronté à la crème des entraîneurs, le jeu du Standard manque de surprise. On a souvent vu un entrejeu débordé lorsqu’il avait affaire à un adversaire disposant trois hommes dans ce secteur. Et quand les attaquants du Standard n’ont pas l’espace espéré et sont bien muselés, cela manque d’imagination. Mais comme le Standard a gagné énormément avec ce système et cette animation et occupe toujours, à cinq matches de la fin, le siège de leader, pourquoi changer ?

De plus, on remarque que Luzon peut parfois effectuer des petites retouches. Contre Lokeren, les Rouches n’ont joué qu’avec un seul avant. Et à Bruges, c’est l’animation qui était différente puisque William Vainqueur était le seul récupérateur et que Paul-José Mpoku était recentré pour apporter de la créativité et une qualité dans la dernière passe. Cependant, comme ses deux tentatives n’ont pas été concluantes, cela ne fait qu’inciter Luzon à revenir à son schéma et son animation classique.

On peut simplement se demander, quand le match semble fermé, pourquoi avec un Igor De Camargo dans le noyau, il ne change pas d’animation, passant davantage vers les flancs.

Il est de mauvaise foi – vrai

De mauvaise foi ou mauvais perdant, c’est selon. Prenons le dernier match à Genk où il tire à boulets rouges sur l’arbitrage de Johan Verbist. Il clame d’abord que Yoni Buyens ne doit pas être exclu. La télévision flamande lui montre alors la phase en disant que Jelle Vossen a admis avoir été touché. Pris en défaut, il change alors de sujet :  » Et le numéro 38 de Genk, pourquoi n’a-t-il pas reçu de deuxième carte jaune, alors ?  » Le journaliste lui fait remarquer qu’il confond le 38 (Siebe Schrijvers qui avait déjà reçu une jaune) avec le 39 (Pieter Gerkens). De nouveau mal pris, il dévie alors en demandant pourquoi Anderlecht ne s’était pas vu siffler de pénalty et pourquoi Idrissa Sylla n’avait pas été exclu après sa faute sur Laurent Ciman, la semaine d’avant. Des soi-disant grossières erreurs de Verbist (qui, c’est vrai, n’avait pas réalisé le match de sa vie), la conversation s’était déplacée sur le grand complot de l’arbitrage contre le Standard.

Mais pourquoi donc lancer un débat perdu d’avance ? Depuis lors, les médias ont largement repris toutes les phases litigieuses… en faveur du Standard, comme un penalty oublié et une exclusion de Kanu évitée à Ostende, ou comme la semelle non-sanctionnée de William Vainqueur lors du match retour contre le même Ostende. Le Soir a ciblé cinq erreurs d’arbitrage en faveur des Liégeois. En agissant de la sorte, Luzon escamote la prestation de ses joueurs.  » Ok, à Zulte Waregem, ils ont été lésés « , explique Philippe Albert,  » mais cela ne sert à rien de revenir avec le même refrain chaque semaine. Son équipe défend moins bien et encaisse plus mais ça je ne l’ai pas entendu sur ce sujet-là ! C’est bien de protéger son groupe mais il faut rester réaliste. Cela ne sert à rien de passer pour quelqu’un qui ne sait pas perdre…  »

Mais sa mauvaise foi n’a pas trait qu’à l’arbitrage. Lors d’une interview en début de saison, il s’était offusqué de nos questions sur son passage à l’Hapoel Tel Aviv (alors qu’on avait évoqué tous les clubs de sa carrière, sans exception), affirmant :  » Pendant douze ans et demi, j’ai réussi. Pourquoi se concentrer sur ces dix matches ? Ce n’est même pas 1 % de ma carrière.  » Il refusait de parler de ce passage comme d’un échec, préférant le rôle de victime d’une politique menée par les dirigeants.

Autre exemple de mauvaise foi : son refus de parler de jeu. Tout simplement parce qu’il ne comprenait pas que les journalistes s’étonnent du manque de fonds de jeu alors que les résultats suivaient.

Enfin que dire de certains passages de ses discours ? En début de saison, il refusait de dire qu’il alignait une équipe B en Coupe d’Europe.  » Chaque équipe alignée est la meilleure à mes yeux « . Or, tout le monde, supporters et journalistes, se rendaient bien compte qu’il y avait une différence de niveau entre l’équipe-type du championnat et les formations bricolées de Coupe d’Europe. L’absence de rotation après l’élimination en Coupe d’Europe a donné raison à tous ceux qui parlaient d’équipe B et qui osaient dire que certains compositions étaient plus faibles que d’autres.

Il est aimé par le public – faux

Son opération séduction a duré un mois. Pas plus. Alors que les supporters n’avaient encore d’yeux que pour son prédécesseur, Mircea Rednic, il était parti communier avec le public lors des premières victoires. On l’avait même vu présenter sa famille à tout Sclessin. Mais la greffe n’a jamais pris. Malgré un championnat sans fautes et une première place à l’issue de la phase classique, son nom n’a jamais été scandé par les supporters. Peut-on imaginer pareil scénario avec Michel Preud’homme, Laszlö Bölöni ou Rednic ? Impossible. Lorsque MPH occupait la tête du championnat, à pareille époque, en 2007-2008, il était considéré comme un dieu vivant. Pas Luzon. Les scènes de jeudi dernier à l’issue du partage face à Lokeren ne font que confirmer cela. Les premiers cris – Luzon démission, aggravés par des paroles antisémites inadmissibles, ont fusé alors qu’au soir de ce match, le Standard était encore en tête !

En conférence de presse, Luzon ne s’en est pas offusqué mais son comportement plus renfermé avec le public depuis quelques mois prouve que cela le touche, bien qu’il ait toujours souligné dans ses interviews la ferveur du public rouche.

Comment expliquer cette impopularité ? Par les circonstances de son arrivée mais également par sa proximité avec le président, lui aussi malaimé des supporters. Luzon n’a toujours eu que des louanges pour Roland Duchâtelet et cela n’a pas l’air de plaire aux supporters. Son discours plat, sa mauvaise foi et l’absence d’explications sur sa philosophie et ses choix ne conduisent pas à l’empathie. Alors que les joueurs parlent de lui comme de quelqu’un ouvert, plaisant et rigolard, il n’a jamais laissé voir cette image-là de sa personnalité.

Ses changements n’apportent rien – faux

A plusieurs reprises, les changements apportés par Luzon en cours de rencontre ont fait basculer le match. A Charleroi, il fait rentrer Igor De Camargoet Mehdi Carcela à 0-0 et c’est Carcela qui marque sur une frappe contrée de De Camargo. Même chose jeudi contre Lokeren : c’est Geoffrey Mujangi Bia, entré en cours de jeu qui offre le partage à son équipe. Contre Malines, c’est Imoh Ezequiel, rentré au jeu une demi-heure plus tôt, qui rassure et inscrit le 2e but. Et à Bruges, la rentrée de Yoni Buyens rééquilibre l’entrejeu.

Par contre, on peut plus facilement critiquer ses onze de base. A Lokeren, personne n’a compris pourquoi il n’avait aligné qu’un seul attaquant, à domicile. Ni pourquoi Frédéric Bulot, toujours aligné sur les flancs, évoluait en soutient d’attaque. Pendant une mi-temps, le Français a semblé perdu. Et à Bruges, pourquoi avoir mis Mpoku dans l’axe ?

Sa rotation en Coupe d’Europe fut un échec à court terme. Il y a de grandes chances que le Standard aurait connu un autre parcours européen si le premier match face à Esbjerg avait été entamé avec davantage de titulaires. Par contre, sur le long terme, sa rotation a permis d’installer Dino Arslanagic et Julien de Sart.

Il meurt avec ses idées – faux

Certes, il ne déroge pas à son 4-4-2, il croit fortement en ses idées et est fidèle à son onze mais certains signes nous montrent qu’il peut changer son fusil d’épaules si nécessaire. Après chaque défaite ou contre-performance, il modifie légèrement ses batteries. Il n’a pas hésité à remettre sur le banc de Sart un peu émoussé après une première saison au plus haut niveau. Juste après la défaite à Zulte et le partage à Genk, il a agi de la même manière avec Ezequiel qui éprouvait un peu plus de difficultés ces derniers mois. Il a donné sa chance à Ron Stam, après plusieurs dépannages concluants. Même chose avec Arslanagic. Après la défaite contre Gand, il a modifié ses batteries, changeant Carcela pour Bia. Et à Bruges, il a tiré les conclusions de la faillite défensive des dernières semaines pour relancer Kanu.

Enfin, alors que tout le monde croyait qu’il allait privilégier ses compatriotes, il a vendu rapidement Maor Buzaglo, a très peu utilisé Dudu Biton et a plié en écartant Tal Ben Haim, déclinant (même si certains n’ont pas compris son retour dans l’équipe lors des play-offs au détriment du jeune Ibrahim Cissé, par exemple).

Tous ses exemples montrent qu’il veut tenir le vestiaire en montrant qu’il est impartial et qu’il compte sur tout le monde.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

Son nom n’a jamais été scandé par les supporters alors que le Standard est en tête. Inimaginable avec un Preud’homme.

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