© BELGAIMAGE

Des géants aux pieds d’argile

C’est un  » Je t’aime, moi non plus  » qui se susurre à rebours six mois durant. Au début de l’été 2015, Nicolas Anelka est annoncé repreneur du Royal Géants Athois, alors en Promotion B. À la fin de la même année, le club déclare forfait et finit par disparaître dans l’indifférence générale.

L’outil de communication peut surprendre, mais se veut finalement dans l’air du temps. En mode  » selfie « , dans une vidéo postée sur YouTube, Nicolas Anelka cherche à mettre les choses en clair en ce mois d’octobre 2015. Ou presque.  » J’ai été contacté par un fonds d’investissement ou un groupe ou une personne en particulier – appelez-le comme vous voulez -, cet été. Cette personne était intéressée pour acheter un club de foot « , explique l’ancien du PSG, de Chelsea ou du Real, qui enfile son plus beau marcel et ses plus belles lunettes noires pour l’occasion.

 » Cette même personne m’a nommé président à titre honorifique. Il m’a demandé de constituer […] une équipe de jeunes joueurs français et belges, et d’autres nationalités, s’il y avait. Chose que j’ai faite, c’est pour ça que vous m’avez aperçu sur les terrains en Belgique. C’est tout, c’est très, très simple.  » Enfin, pas forcément pour tout le monde. Anelka réagit en fait à la publication d’un article du quotidien français, Le Parisien, qui le présente comme le propriétaire du Royal Géants Athois.

Deux forfaits d’entrée

Pour comprendre l’histoire, il faut revenir aux origines. Nicolas Anelka partage sa vie avec la chorégraphe belge, Barbara Tausia, orginaire de Châtelineau, à quelques encablures de Charleroi. D’autant plus mal aimé en France, il se rapproche naturellement de la Belgique. On associe notamment son nom à celui du Standard à l’été 2014. Son agent de toujours, Doug Pingisi, contacte un autre de ses proches pour qu’il lui trouve un matricule à acquérir.

On est à la fin de l’exercice 2014/2015 et Fabrice Van Robays, manager français qui se fait connaître à La Louvière et au FC Charleroi, propose trois projets. Celui des Géants Athois tient la corde.  » Ce qu’ils voulaient, c’était un matricule vierge de toutes autres personnes à la date du rachat « , rembobine-t-il dans nos colonnes, à la fin de l’été 2015.  » Le RG Athois remplissait ces conditions : il n’y avait plus de joueurs, plus de coach, plus personne au conseil d’administration et une dette relativement faible.  »

Le clan Anelka ne veut composer avec personne. Pingisi devient le directeur général, Van Robays le directeur sportif et donc, Nicolas Anelka, le présumé  » président honorifique « . Le groupe a le mérite de sauver un club prêt à disparaître, en alignant entre 300 et 320.000 euros. Sauf que la reprise prend du temps. En juillet 2015, le RG Athois nouveau organise une série de matches d’essais, à un petit mois de la reprise. C’est là qu’Anelka se montre pour la première fois.

Julien Toussaint, qui va devenir son capitaine, vient de terminer son bail avec la réserve de Strasbourg et participe à l’un d’eux.  » À la fin du match, il m’a dit que c’était bon. Forcément, quand ça vient de lui, c’est toujours motivant. J’ai considéré que c’était une bonne opportunité. Il nous a surtout dit que le projet allait nous permettre de nous relancer, que lui n’avait rien à y gagner.  »

Le problème, c’est que rien n’est encore acté. Il faut attendre mi-août pour que le rachat soit officialisé, du moins en théorie. Ath déclare dès lors forfait en coupe puis en championnat, en Promotion B.

D’Ath à Renaix via Couillet

L’équipe n’a pas assez de joueurs sous contrat.  » Tout a mis vachement de temps à être validé. J’ai su une semaine avant où j’allais loger. Mais après le premier match, ça allait « , poursuit Toussaint. Le milieu de 20 ans à l’époque se pose d’abord dans un gîte avec ses coéquipiers, avant de rejoindre une colocation pour tous,  » à quinze, vingt minutes  » de Fleurus. Le clan Anelka aménage deux grandes maisons et peut compter sur la belle-famille de l’ex-international des Bleus.

 » Ils sont du coin, donc on les appelait dès qu’il y avait un problème. Par exemple, ils sont venus nous faire les réglages pour le wi-fi. Ils étaient très proches des joueurs. Et on avait aussi tout le confort dont on avait besoin.  » Mais, sur le terrain, les certitudes sont moindres. Ath recrute dans l’urgence, majoritairement des Français, mais aussi un Grec, ancien partenaire d’Anelka à Bombay, où il occupe alors le poste d’entraîneur-joueur.

Deux Camerounais, l’un passé par River Plate, l’autre par la Sampdoria, rejoignent également le navire. Et plus que la difficulté à trouver des automatismes, l’équipage reste dans le flou de son port d’attache. Il ne peut pas jouer à Ath. La commune anticipe le coup de Trafalgar et cède son enceinte au CS Pays Vert Ostiches-Ath, qui évolue en P1.

 » On est une petite ville de 29.000 habitants. Nous avons une infrastructure communale et ça a toujours été très clair : ceux qui veulent nous suivre dans notre démarche suivent, ceux qui ne veulent pas ne suivent pas.  » S’il n’entre pas dans les détails, Marc Duvivier, le bourgmestre, se souvient d’une  » affaire délicate, particulièrement bizarre et puis, c’est tout. Je n’ai jamais eu aucun contact avec M. Anelka.  »

Alors les Géants migrent chez les Rhinos de Couillet-Fleurus, pour… un mois. Mécontents de l’état du terrain, tandis que l’échevin des Sports, François Fievet, dénonce leur  » amateurisme  » à Sudpresse, les dirigeants du RGA changent à nouveau de plan et installent leur QG à Renaix, en Flandre.

Forfait général puis radiation

Dans sa vidéo d’octobre, Anelka assure que  » le groupe  » qui l’a nommé n’a toujours pas  » racheté le club « . Alors même que des langues se délient et l’annoncent comme T1 dès le mois de janvier suivant. Mais le RGA n’ira pas jusque-là. Le manque de sérénité impacte le bilan sportif (13 rencontres, dont 9 défaites), pour un forfait général en décembre.

Pour Toussaint, il relève avant tout de la  » faute des joueurs « . Le board athois visait une montée directe en D2 amateurs, grâce à la réforme du foot belge.  » C’était un projet solide, très structuré. On était même sponsorisés par une agence de voyages du Qatar « , dit-il, lui qui retrouve rapidement un club, à Acren, grâce au réseau d’Anelka et des siens.

 » On n’a pas trop eu d’explications, mais pour nous, joueurs, on avait l’occasion de bien évoluer. Quand on voit le PSG, on se dit qu’avec l’argent, on peut tout faire.  » En juillet 2016, soit un an après la naissance du  » FC Anelka « , le matricule 2899 est définitivement radié par l’Union Belge.

PAR NICOLAS TAIANA – PHOTO BELGAIMAGE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire