DES FOOTEUX AU POIL

Excitant comme un branle-bas de combat, le Spécial Compétition belge de FootMag est sorti voici 15 jours : aussi ai-je extirpé de mes archives celui de 2001-2002, le premier à adopter la présentation de type/photo d’identité pour chaque joueur de chaque club, et deux changements m’ont sauté aux yeux. D’abord l’ampleur des noyaux présentés : une moyenne de 23 joueurs en 2001, mais de 27 aujourd’hui. C’est évidemment excessif par rapport aux besoins que requerra la compétition : ça dénote une trouille généralisée et des pulsions de business, davantage qu’une gestion sportive simplement raisonnable. En mai 2016, sur ces 27 gars, 18 au maximum se seront partagé l’essentiel du temps de jeu ; les 9 restants auront eu des miettes, le moral dans les jambières par sentiment d’une saison foirée, et forcément une baisse de leur valeur marchande. Malheur aux rêveurs…

Second changement : les tronches, les binettes ! Les footballeurs de 2001 étaient pour la plupart sobrement rasés, quelques-uns arboraient une barbe dite de trois jours (en prétendant que cela faisait garder l’influx !), et les vraies barbes bien poilues n’étaient pas d’actualité. Aujourd’hui par contre, les rasés de près sont minoritaires, les poils épars envahissent joues, mentons et cous des mal rasés, c’est fashion de la jouer badboy ! Et chaque noyau compte deux ou trois barbes dignes du nom, parfois boucs, et souvent bien fournies : avec à l’extrême le look/Islam comme Anthony Vandenborre même s’il n’a rien d’un salafiste, ou le look/hipster comme Damien Marcq même s’il n’est pas chasseur de rennes dans le Grand Nord…

Esthétiquement, c’est rigolo, chacun son trip, mais il est intéressant de constater l’épidémie.

Epidémie à mon sens différente de celle qui atteint les tatoués, et les clowns du crâne comme notre Radja Nainggolan : autant ceux-ci s’extirpent de la norme par leur look, autant les mal rasés contemporains rejoignent désormais la norme en se mal rasant ! On laisse traîner ses poils pour faire comme tout le monde, c’est une fièvre, un virus : la preuve par la pub qui ne ment jamais sur ceux qu’elle vise,…et y’a plus une pub sans au moins un mâle avec poils faciaux ! Oui, faire comme tout le monde ! Car y’a pas que les footballeurs, y’a aussi les coaches, les gars de la télé (de Marc Delire à Stéphane Pauwels en passant par Benja Deceuninck), les journalistes pas sportifs, les acteurs, le show-bizz, et même les politiques de tous âges et de tous bords : voyez Paul Magnette ou Charles Michel en épinglant chez nos voisins le pourtant vieux Jacques Attali, plus moyen d’ouvrir une télé sans être assailli par les visages-poils !

Reste l’explication dite sociétale, j’en ai une ! Paraîtrait que nous avons trois cerveaux, nés successivement au cours des ères d’hier : un vieux cerveau reptilien, responsable des comportements primitifs et de la survie de l’individu ; un cerveau limbique, qui refile des émotions et permet la mémoire ; et un p’tit dernier, le néocortex spécifiquement humain, responsable du langage et du raisonnement logique. Yes ? Parfait. Par ailleurs, la tendance branchée contemporaine est à la théorie du genre : volonté d’abolir les différences entre les sexes, affirmation que notre identité est construite par la société et non par la biologie. Yes ? Parfait. Eh bien nous les mecs, dans notre tête et à notre insu, se déroule un GROS MATCH entre notre néocortex et notre cerveau reptilien ! Le premier nous pousse à adhérer à la théorie du genre et nous le faisons par peur de ringardise, nous concédons rationnellement que la femme est un homme comme les autres… Reste que ce vieux macho de cerveau reptilien contre-attaque : et sans nous dire explicitement d’arrêter ces conneries, il nous incite, pour que survivent les mâles, à laisser surgir ces poils faciaux dont nos femelles sont dépourvues. CQFD, fallait pas dire ça deux fois à des footballeurs. Même si mon néocortex me traite de sociologue de bazar… ?

PAR BERNARD JEUNEJEAN

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