Des épées de Damoclès ou les saucissons de Guy Roux

Le coup de gueule de Jean-Pierre Detremmerie dans nos colonnes il y a deux semaines (« Les agents de joueur sont le cancer du foot ») doit peupler les nuits de Jan Peeters depuis qu’il a appris s’être fait pigeonner dans l’affaire du match amical contre le Costa Rica.

Tout le monde du foot est logé à la même enseigne: présidents de club et de fédération. Un jour ou l’autre, on se réveille, mais les regrets sont tardifs. Et inutiles. Le système du foot a toujours admis l’existence de « managers », à tel point qu’aujourd’hui, certains dirigeants ont des membres de leur famille qui pratiquent ce métier. On voit même des dirigeants éclairés être eux-mêmes agents.

Bien évidemment, la corporation se retranche derrière la respectabilité de son titre d’agent reconnu FIFA qui peut se transformer (comme on s’en est rendu compte dans le cas de l’affaire Costa Rica) en permis de voler.

Cela étant, si la colère des dirigeants à l’égard des managers est très souvent légitime et lève comme un incendie de forêt à un moment de l’histoire du foot belge où on compte ses sous comme jamais, ils feraient bien, également, de regarder dans leur propre jardin. Et de travailler à long terme, dans la patience, comme Auxerre le fait avec Guy Roux.

Le football belge se retrouve avec tellement d’épées de Damoclès au-dessus de la tête parce qu’il a trop vécu au-dessus de ses moyens en creusant le trou de ses propres dettes pour courir derrière le succès. Au-dessus de la tête de Guy Roux, il n’y a que des saucissons qui pendent.

Pourtant, en voyant à l’oeuvre les gamins de Malines samedi dernier contre Anderlecht, on doit bien constater une fois de plus qu’il y a du talent en Belgique. Des ados de 16, 17, 18 ans ont plusieurs fois donné le tournis aux millionnaires anderlechtois! C’est plus que la beauté du sport, c’est la preuve qu’il ne faut pas toujours aller chercher à l’étranger ce qui existe en Belgique. Un des plus gros problèmes du football belge est le fait de se sous-estimer, ce qui conduit aux excès qu’on connaît dans bien des clubs en difficultés qui conservent des effectifs pléthoriques.

Le court terme a toujours été favorisé. Et dans le but d’obtenir des résultats miraculeux, on satisfait aux désirs d’un entraîneur en engageant les footballeurs dont il détermine le profil. Mais lesdits joueurs sont toujours sous contrat au moment où l’entraîneur s’en va et où le nouvel arrivé dicte sa liste de courses. Des manoeuvres qui se déroulent toujours avec la bénédiction des agents de joueurs qui -c’est bien connu- ne gagnent de l’argent qu’à condition que les sportifs changent de clubs.

L’argent de la formation file malheureusement sur les comptes en banque des agents et de leurs clients. Et il ne sera jamais récupéré par des clubs à l’équilibre financier rompu.

Pour faire de la formation, il aurait fallu des dirigeants clairvoyants qui décident à long terme de s’engager avec un entraîneur qui favorise le passage des jeunes vers l’équipe Première. C’est l’abc de la direction de club mais la Belgique a raté quelques virages dans ce domaine depuis des années. Et comme par hasard, on en est arrivé à une situation où nombre de clubs sont dans le rouge.

Comment va évoluer le football belge? En tout cas, en voyant la fidélité des supporters de Malines et des autres petits clubs, on doit bien réaliser que ces gens-là ne vont pas terminer d’aimer leur club lorsque la D1 sera réduite à 12 participants. Ils vont se battre pour qu’il se relance à partir de la D3 et n’iront jamais gonfler les rangs des cercles qui auront survécu au couperet de la licence pro. C’est aussi pour ça que les localités doivent faire tout ce qu’elles peuvent pour conserver le foot dans leur tissu socioculturel.

Les politiciens ont raison de dire que le sport est important pour la jeunesse, mais ils doivent savoir que le sport pour tous n’a aucune chance sans clubs locomotives en bonne santé.

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