» Des changements à tous les niveaux « 

Après quatre ans et deux mois à Zulte Waregem, ce trentenaire brabançon est le nouveau directeur général des Blauw en Zwart. Entretien.

Quand avez-vous réalisé que vous pourriez changer de couleurs ?

Le 8 janvier, j’ai eu un premier entretien avec Bart Verhaeghe, le nouveau président de Bruges, mais je ne pensais pas encore à un transfert.

Zulte Waregem n’était donc pas une voie sans issue ?

Non. J’étais bien à Zulte Waregem, qui venait de créer une société permettant à terme d’opérer une augmentation de capital. Le projet de rénovation du stade venait d’être approuvé par la province.

Zulte Waregem peut-il devenir un rival pour le Club, comme l’a affirmé son président Willy Naessens à votre départ ?

Pourquoi Zulte Waregem ne serait-il pas sacré champion un jour, comme le Lierse ? Par contre, tripler le budget, qui est actuellement de huit millions, est une autre paire de manches. Cela requiert du temps. Même rénové, le stade a ses limites, malgré la motivation de Patrick Decuyper. Trois clubs disposent de grandes possibilités : le Standard en Wallonie, Anderlecht à Bruxelles et le Club en Flandre. Une bonne marque de football attire les entreprises. Gand a accompli de grands pas en quelques années mais son assistance reste largement inférieure à la nôtre.

Pourquoi partir à l’aventure au lieu de continuer à progresser à Zulte, un club stable et bien organisé ?

Le football est un petit marché, avec seize clubs de D1. Les postes de direction ne sont donc pas nombreux. Passer d’un club moyen à un grand est une étape logique et la vision du Club me séduisait. Je suis pourtant tombé des nues quant Bart m’a présenté son projet puis m’a demandé d’en assurer la gestion quotidienne. J’ai réfléchi une semaine mais je n’avais pas beaucoup de temps, Bart voulant aller de l’avant. J’ai accepté à condition que la nature du travail soit très claire. Je voulais que le management puisse travailler de manière indépendante, en présentant certes des rapports mais pas toutes les semaines.

Vous êtes un produit de l’école des jeunes d’Anderlecht. Ce club ne vous a-t-il jamais approché ?

Si. J’ai eu des contacts concrets quand Van Holsbeeck y a pris ses fonctions. Je devais devenir son adjoint mais je ne m’estimais pas encore prêt.

Vous avez travaillé avec le Club quand SEM (société de management) a amené Trond Sollied ici.

J’ai eu des entretiens chez Michel Van Maele et Antoine Vanhove. Je connais Jacques Denolf depuis dix ans. A l’époque, Anderlecht se professionnalisait, suivi dans une moindre mesure par le Standard, mais le Club accusait un certain retard. Les résultats le démontrent à suffisance. En sept ans, il n’a gagné qu’une Coupe. Le Club avait perdu son atout : la stabilité. Hugo Broos l’a entraîné cinq ans, comme Trond. Ils ont bénéficié d’une large autonomie. Puis cette stabilité s’est envolée.

Pas question de FC Flandre

Avez-vous choisi Verhaeghe ou le Club ?

Le Club ne s’arrête pas à Verhaeghe. C’est pour cela que j’ai d’abord vérifié si sa vision correspondait à celle du conseil d’administration.

L’ancrage régional a disparu : vous êtres Brabançon, Sven Vermant est Malinois, Henk Mariman vient de Lokeren et Jesse De Preter de Lierre.

Et Verhaeghe habite le Brabant. Je trouve bizarre que vous considériez le Club comme le FC Flandre : ses supporters viennent de tout le pays, d’Ostende à Bastogne. Le Club Bruges ne peut pas se replier sur sa seule région, pas plus que les autres clubs belges. Pouvoir enrôler des gens issus de tout le pays est un atout. Pourquoi se confiner à sa région ? Nous ne perdons pas notre ancrage pour autant, puisque le conseil d’administration est brugeois.

Quel a été l’argument décisif dans votre choix ?

La volonté réelle de changer. Après avoir perdu des années à prendre des demi-mesures, le Club a compris qu’il devait mettre en place une structure moderne. L’essentiel est de développer une vision : qui sommes-nous, où en sommes-nous et où voulons-nous aller ?

Quelle garantie avez-vous que le Club n’effectuera pas un nouveau grand nettoyage l’an prochain, si cette vision n’aboutit pas ?

Le processus de changement n’a jamais été aussi étendu. Nous nous attaquons à tous les compartiments, de bas en haut. Chaque département a un responsable. Nous sommes parvenus à embaucher des personnes compétentes, capables de travailler indépendamment. Quand on place les gens dans des structures claires et qu’ils sont prêts à travailler dur, on est déjà loin.

Vous êtes rapide : à Gand, Michel Louwagie a travaillé dix ans dans l’ombre.

J’ai tissé mon réseau pendant cinq ans. Ceux qui ont été engagés doivent exploiter et agrandir leur réseau. Paul Okon est un nom en Australie, comme Mario Stanic en Croatie et en Italie. Louwagie a élaboré son réseau en dix ans mais avec tout mon respect, contrairement à Stanic et Okon, il n’a pas ouvert de portes en un an.

Vous ne voulez plus dépendre de certains managers sous prétexte que vous n’aviez pas d’appareil de scouting fonctionnel dans d’autres pays ?

Nous devons collecter un maximum d’informations nous-mêmes et être en mesure de bien juger celles qui émanent de l’extérieur.

Allez-vous rapidement muer le Club en SA ?

Les clubs ont quitté la vie associative pour devenir des entreprises. Le fait qu’on se demande ce que des Anversois ou des Brabançons font à Bruges illustre parfaitement le conservatisme du football belge. Avant de devenir une SA, nous devons faire fonctionner notre nouvelle structure, afin d’avoir une équipe compétitive la saison prochaine.

Quid de Koster ?

Avez-vous déjà procédé à l’analyse du noyau ?

Nous n’avons pas encore effectué un tri définitif. Notre message à ceux qui se tracassent ? Montrez ce dont vous êtes capables. Le fossé séparant le Club du top belge s’est grandi en quatre ans. Si nous voulons réintégrer l’élite absolue, nous devons renforcer l’équipe, en injectant des qualités à chaque ligne. Je ne connais pas de grande équipe qui se renforce à cinq postes en l’espace d’un an. Le Club aura effectué du bon boulot s’il parvient à enrôler deux ou trois renforts réels. Le Club est financièrement sain et en a les moyens.

Allez-vous nettoyer le vestiaire ?

Mariman et Vermant sont les premiers responsables de l’aspect sportif, Patrick Orlans gère le commercial et De Preter se penche sur les problèmes juridiques. Ils doivent veiller à ce que leur département soit en ordre.

Vous n’allez donc pas chaperonner Mariman et Vermant, bien qu’ils soient nouveaux à leur poste ?

Non, je sais déléguer. Je suis là pour veiller à ce qu’ils puissent travailler dans de bonnes conditions. Si j’ai des questions à propos d’un contrat de Jesse, je lui en parlerai, c’est tout.

Quelles sont les chances d’Adrie Koster d’entraîner le Club la saison prochaine ?

Notre objectif est clair : nous qualifier pour une coupe d’Europe. Si nous y parvenons, je ne vois pas pourquoi Koster n’entraînerait pas le Club la saison prochaine. Lors de notre entretien, il m’a dit être satisfait par la création d’une structure. Il retrouve au Club des éléments qu’il a connus à l’Ajax. Selon moi, l’entraîneur est responsable des directives dans le vestiaire et sur le terrain. Il est le patron des aires d’entraînement et de jeu ainsi que du vestiaire. Nous avons formé tout un staff, nous allons améliorer les infrastructures en rafraîchissant les vestiaires, qui seront dotés d’écrans vidéo. Nous allons aménager une nouvelle salle de fitness et un terrain artificiel. Cela va nous coûter un million car je ne pense pas que notre déménagement se fasse avant quelques années. Dans six mois, le nouveau bâtiment des joueurs sera fantastique.

Le Club a tourné le dos aux joueurs de caractère, au profit des techniciens. L’absence de gardiens de la culture du Club et la présence de nombreux jeunes difficiles ne posent-elles pas problème ?

Par moments, le Club développe le plus beau football de Belgique mais il lui manque une certaine dose de caractère quand le match est plus difficile. Quand je parle d’injection de qualité, je pense aussi à la personnalité et à la rage de vaincre. Avant de transférer un footballeur, nous n’allons pas nous limiter à l’analyse de ses qualités techniques mais nous demander s’il peut être un meneur, s’il est capable de mouiller son maillot et d’être un exemple pour les autres. La différence s’opère de plus en plus sur le plan mental.

Waregem a travaillé avec Portsmouth. Pensez-vous qu’une telle collaboration soit susceptible d’aider le Club ?

Je ne crois pas en un accord formel entre deux directions autonomes. La collaboration libre de Waregem et de Lille a été plus réussie parce que le courant passait mieux entre les personnes concernées et que chacun en sortait gagnant. Je n’exclus pas que le Club paraphe un accord de ce genre avec un grand club étranger mais il ne doit pas se contenter d’éléments qui sont insuffisants aux yeux du club étranger. Il vaut mieux enrôler de bons joueurs dont on a le contrôle financier.

Vous vous êtes fait mal voir des ténors quand vous étiez le porte-parole des petits clubs.

Je suis prêt à discuter si on juge que la formule actuelle est meilleure que celle que nous avons proposée mais l’essentiel était de trouver une solution rapide. Il y a trois ans, on a dit qu’il faudrait évaluer cette réforme en 2010-2011. Cette évaluation n’a pas eu lieu et chacun est parti de son côté. La cellule fondée en janvier 2010 s’est réunie deux fois. La discussion doit dépasser le cadre du prochain contrat TV ou du championnat suivant.

Comprenez-vous les remarques de D’Onofrio et de Bayat, qui jugent la solution actuelle purement flamande ?

Il y a trois ans, Charleroi était partisan d’un championnat à 14. En cinq ans à la Ligue pro, j’ai rarement pu apprécier une quelconque solidarité du Standard.

PAR GEERT FOUTRÉ ET PETER ‘T KINT

 » Quand Van Holsbeeck a débuté à Anderlecht, j’ai eu des contacts mais je n’étais pas encore prêt.  »  » En cinq ans à la Ligue pro, j’ai rarement pu apprécier une quelconque solidarité du Standard. « 

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