» Derrière le NO COMMENT « 

Les Belges abordent le déplacement au Pays-de-Galles en pleine confiance après un match plein en France, même si le possible départ du sélectionneur a plané sur le stage.

« Allez Willy, reste avec nous « . Nul ne sait si ces chants repris par les 6.000 supporters belges massés dans les travées du stade de France auront influencé la décision de Marc Wilmots. Toujours est-il que cette victoire prestigieuse (3-4), acquise avec la manière, a encore renforcé l’aura d’un sélectionneur qu’on pourrait pourtant très vite perdre. Car, il y avait comme une ambiance de fin de règne qui a flotté sur le stage de Knokke et de Bordeaux, tout au long de la semaine.

Entre ceux persuadés que le sélectionneur national allait partir pour Schalke et les autres, convaincus du contraire, le mystère ne s’en faisait que plus pesant. Oppressant comme la canicule qui toucha Bordeaux en fin de semaine.  » On n’a jamais vu autant de gens accrochés à leur téléphone « , commentait un suiveur de la délégation belge.

Chacun guettant le moindre mot, le moindre geste de Marc Wilmotsafin de le décrypter, les journalistes avançaient déjà leur pion.  » Si Wilmots reste, il aura forcé chacun à se dévoiler et pourra dire qui dans la presse et à l’Union Belge est pour ou contre lui « , nous lâche un membre de la l’URBSFA. Wilmots est lui-même tiraillé entre continuer sa mission avec les Diables Rouges et partir pour le club de son coeur.

Avait-il déjà pris sa décision avant de partir en stage ? Si oui, elle ne peut être qu’en faveur de Schalke. Car si Wilmots avait opté pour les Diables, il aurait d’emblée clarifié la situation en disant qu’il avait décidé de rester. Cela aurait apaisé une délégation à la recherche de la moindre parcelle d’information. Cela aurait eu également le mérite d’épargner le groupe.

Le mercredi 27 mai, quand Wilmots annonce qu’il ne dira rien sur le sujet avant le 12 juin, soit il a donc déjà dit oui à Schalke (et ne veut pas perturber la préparation des deux matches des Diables Rouges), soit il est encore en pleines négociations. Mais en aucun cas, il n’a donc écarté cette proposition allemande.

Autre phrase d’importance : la divulgation du nom de son agent. Alors que Wilmots a toujours laissé le soin à sa femme de négocier ses contrats, il dit qu’il fait désormais appel à Jorge Mendes. Or, pourquoi, alors qu’il est encore sous contrat trois ans, faire déjà appel à un agent si ce n’est pour lui trouver un nouvel employeur ?

Pendant les trois premiers jours du stage à Bordeaux, chaque média (belge ou étranger) a essayé de relancer Wilmots mais s’est toujours heurté à un no comment, et parfois même à l’absence du sélectionneur, celui-ci préférant envoyer à deux reprises son adjoint, Vital Borkelmans, ce qu’il n’avait jamais fait auparavant.

Les limites financières de la Fédé

Au coeur de cette affaire, l’Union Belge patiente, comme tout le monde. Il a fallu plus d’une semaine avant que la Fédération et Wilmots discutent de ce problème. Philippe Collin, envoyé en démineur, a eu une brève discussion avec le sélectionneur. Dans ce dossier, l’Union Belge estime devoir attendre.  » Ce n’est pas à nous d’aller au-devant du sélectionneur. S’il veut partir, c’est à lui de nous le dire « , explique un haut dirigeant de la maison de verre.

Si l’UB n’a pas encore préparé la succession, elle a mis sur place les éléments qui lui permettront d’être efficace en cas de départ de Wilmots. Une commission technique de 5 personnes a été désignée, avec le président fédéral comme observateur, Gérard Linard pour s’occuper du volet financier et juridique – il est là pour veiller au respect des limites budgétaires – et trois personnes (Johan Timmermans, Joseph Allijns et Collin) pour choisir le nom de l’éventuel successeur.

Soit deux néerlandophones et un francophone. La répartition linguistique est importante car elle explique notamment pourquoi le nom de Dick Advocaat (qui avait les faveurs de l’opinion publique néerlandophone et qui était rejeté en bloc par les francophones) est apparu et comment cette piste aurait pu se concrétiser.

L’autre candidat potentiel, Michel Preud’homme, est également prisé par les néerlandophones. Mais cette piste risque de se heurter à des obstacles financiers. L’Union Belge ne veut pas entrer en guerre avec le Club Bruges, d’autant plus que Bart Verhaeghe occupe un poste au Comité exécutif (et ce malgré le fait que le Club avait joué un sale tour à la Fédé en débauchant Georges Leekens).

Et même si les 2 millions de dédit du départ de Wilmots pourraient servir à rembourser le Club Bruges, l’Union Belge qui ne veut pas dépasser le montant du salaire de Wilmots (soit un million d’euro), risque de ne pouvoir s’aligner sur les prétentions financières de MPH.

Depuis le départ de Steven Martens, jeter l’argent par les fenêtres n’est plus d’actualité. Linard épluche tout. Et cet étranglement financier pourrait poser problème en cas de départ de Wilmots. L’ampleur prise par les Diables exclut l’arrivée d’un second couteau mais comment payer un cador de la profession ?

Tel est le dilemme qui ne pourra se résoudre que si certains candidats, séduits par le potentiel de cette équipe, décident de revoir leurs prétentions à la baisse. A moins que Wilmots ne résolve le problème en restant, ce qui, d’un point de vue financier, serait accueilli avec le sourire à la Fédération.

L’héritage Wilmots

Ces derniers temps, Wilmots a dû se faire son propre ambassadeur et parer de plus en plus aux critiques. Sont-elles légitimes ? L’appétit ne vient-il pas en mangeant ? Les Diables, désormais sûrs de leur talent, fortifiés par des résultats acquis ces trois dernières années, savent qu’ils peuvent rivaliser avec les plus grandes nations européennes. Chaque semaine, nos Diables sont confrontés avec ce qui se fait de meilleur sur un terrain de foot, que ce soit en Angleterre, Allemagne ou Italie.

Petit à petit, l’opinion publique a également acquis cette certitude et attend de cette équipe qu’elle écrase tout sur son passage grâce à un jeu léché. Et c’est un peu là que le bât blesse. La sélection a acquis de la maturité, elle gère ses temps forts et faibles de mieux en mieux, mais elle ne produit pas encore un jeu fluide et alléchant à tous les matches.

A cela, on peut rétorquer qu’aucune nation mondiale n’arrive à produire du jeu sur la longueur. Depuis son sacre mondial, l’Allemagne a été médiocre à plusieurs reprises ; l’Espagne a subi une défaite peu glorieuse en Slovaquie. Le Portugal a été battu d’entrée par… l’Albanie et n’a gagné ses trois autres matches qu’avec un but d’écart (2-1, 1-0 et 0-1).

Tout cela en jouant trois de ses quatre rencontres à domicile ! Et demandez aux Néerlandais ce qu’ils pensent du match de leur Oranje face à la Turquie (1-1), en Islande ou en République tchèque. Si la Belgique a été médiocre contre le Pays-de-Galles et en 2e mi-temps en Israël, elle fut emballante contre Chypre et dimanche, en amical en France où il y eut à la fois l’organisation et la manière.

Même en termes de points, la Belgique fait figure de bon élève. Elle compte 11 points (en 5 matches), soit un de moins que l’Espagne et un de plus que l’Allemagne. L’Italie en a 11 également, les Pays-Bas n’en comptabilisent que 7. La preuve que les Belges naviguent dans les mêmes eaux (ou font mieux) que les cadors européens que sont l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et les Pays-Bas ! Seuls les Anglais font mieux.

S’il devait quitter la Belgique, Marc Wilmots laisserait derrière lui les meilleurs résultats de l’histoire belge, et une équipe classée à la 2e place du classement FIFA (soit un bond de 52 places).

Tacticien moyen, vraiment ?

Reste alors le côté tactique. Wilmots traîne l’image d’un tacticien moyen. Est-elle justifiée ? Difficile à dire si on analyse sa carrière de coach fédéral. Comme jeune entraîneur, il a fait quelques erreurs mais il a aussi réussi quelques coups fumants. Ses erreurs (comme les changements en Israël) n’ont pas prêté à conséquence ; ses changements gagnants (comme les remplacements face à l’Algérie) ont rapporté des points. Ça, ce sont les faits.

Au-delà de ceux-ci, il y a des choix. Si les changements face à l’Algérie ont réussi, c’est aussi parce que son onze de base était raté. Il y a la trouvaille Steven Defour en Ecosse, ses bons choix de sélection (avec l’intégration de Divock Origi ou Jason Denayer). D’autres choix n’ont pas marché : ne miser que sur la taille avec la montée de Nacer Chadli et le repositionnement de Daniel Van Buyten face à l’Argentine ne fut pas sa meilleure idée (mais ceux qui le critiquent sur ce point oublient que Michel Preud’hommea fait exactement la même chose avec Ogushi Onyewu à plusieurs reprises avec le Standard).

Et puis, il y a l’évolution des joueurs-clés et la façon dont ces joueurs évoluent ensemble. Autant Kevin De Bruyne et Christian Benteke doivent une partie de leur éclosion finale à Wilmots, autant il n’a pas su instaurer une réelle osmose entre De Bruyne et Hazard. Et surtout, jamais Hazard n’a atteint le niveau qu’il a à Chelsea.

Wilmots a voulu donner un visage plus séduisant après la Coupe du Monde mais les partages en Bosnie et contre le Pays de Galles l’ont conduit à revenir à ses certitudes. Et cela a fonctionné avec le 6 sur 6 face à Chypre et contre Israël.

Demeure alors la question : qu’est-ce qui prime ? Qu’est-ce qui va permettre à cette génération de marquer l’histoire du football belge ? Les résultats ou la manière ? Chacun a sa réponse et elle varie souvent en fonction du degré de sympathie éprouvé à l’encontre du sélectionneur fédéral.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE À BORDEAUX ET À PARIS

 » Si Wilmots reste, il aura forcé chacun à se dévoiler et pourra dire qui est pour ou contre lui  »

Si Wilmots avait opté pour les Diables, il aurait d’emblée clarifié la situation en disant qu’il avait décidé de rester.

Pendant le Mondial, Wilmots était journellement en contact avec le président de Schalke 04.

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