Dernière sess’

Face au Germinal Beerschot, le capitaine emblématique des Hurlus jouera son dernier match avec son club de toujours.

La décision est tombée : à 34 ans, Steve Dugardein – qui arrivait en fin de contrat comme joueur mais était assuré d’une reconversion dans le club – a choisi de prolonger un peu le plaisir de fouler les pelouses. Il se sentait trop bien pour raccrocher. La petite surprise, c’est qu’il a opté pour l’OHL, qui disputera le tour final de D2. Le match face au Germinal Beerschot, ce samedi, sera donc son dernier sous le maillot des Hurlus. Il s’était affilié à l’Excelsior à l’âge de 6 ans et n’avait quitté le club que pour une petite parenthèse d’une saison à Caen. Une tranche de vie de 27 ans va donc prendre fin. On peut donc supposer qu’il ressentira un gros pincement au c£ur au moment de monter sur le terrain du Canonnier.

Ce sera donc un moment chargé d’émotion ?

SteveDugardein : Oui. ( Ilréfléchit) Oui, et en même temps, un moment qui me laissera un goût amer. Les circonstances ne sont pas comparables à celles qu’a vécues mon vieux pote Olivier Besengez. Dans son cas, il avait lui-même décidé d’arrêter sa carrière et d’intégrer le staff sportif où il est actuellement entraîneur des -19 ans. Dans mon cas, on m’y a un peu forcé. Certaines personnes ont décidé à ma place.

Vous saviez, au départ de cette saison, que c’était la dernière comme joueur. Un contrat de trois ans vous attendait dans le club, dans une fonction qui restait à définir.

Dans ma tête, je voulais arrêter à 35 ans. Terminer ma carrière à Mouscron, là où je l’avais commencée. Il me restait donc une saison à prester. Cette saison supplémentaire, on me l’a refusée.

Les négociations auraient achoppé sur la durée du nouveau contrat ? Vous souhaitiez deux ans alors que le club était prêt à en accepter une seule ?

Ah bon ? Je tombe des nues. Je peux vous assurer que je n’ai jamais demandé un contrat de deux ans. Mon plan de carrière était bien défini : encore une saison, et puis basta : je tournais la page. J’espérais qu’on m’aurait offert cette petite fleur, pour tout ce que j’ai apporté à l’Excel. Car s’il est vrai que je dois beaucoup au club, j’estime que la réciproque est vraie également.

 » Je ne suis pas un fouteur de m… « 

On vous sent amer.

Oui. D’un autre côté, je pars la tête haute. Avec le sentiment du devoir accompli. Je peux être fier de ce que j’ai réalisé. J’ai eu, c’est vrai, la chance d’accrocher le bon wagon. D’être un jeune joueur de l’Excel lorsque le club est monté en D1. Mais, si je n’avais pas démontré mes capacités et ma force de travail aux différents entraîneurs que j’ai côtoyés – et il y en a eu des prestigieux, comme Georges Leekens et Hugo Broos – je n’aurais pas disputé près de 350 matches en D1 -NDLR : 338 à l’heure qu’il est, sans compter une centaine en D2.

Il y a quatre ans, vous pouviez encore ambitionner de devenir l’un des rares joueurs à avoir accompli toute sa carrière dans un même club. Aujourd’hui, vous allez quitter l’Excel pour la deuxième fois.

La différence avec mon départ pour Caen, c’est que cette fois, il n’y aura pas de retour. Du moins, pas comme joueur. En principe, je reviendrai pour intégrer une autre fonction dans le club, puisque c’est prévu depuis trois ans. Je dis bien : en principe. Car, après ce qui s’est passé, je commence à avoir des doutes à ce sujet également. Caen, c’était pour moi une occasion unique d’aller voir ailleurs, de découvrir ce championnat de France qui m’avait toujours fait rêver. Ce fut une saison difficile, qui s’est soldée par une relégation en D2 et durant laquelle les petites blessures ne m’avaient pas épargné, mais qui m’a laissé un très bon souvenir, tant sur le plan sportif qu’humain. Je garde encore dans mon agenda les numéros de téléphone de la plupart des joueurs caennais qui furent mes coéquipiers et on s’appelle encore régulièrement. A l’époque, je pouvais aussi aller au Standard. J’ai refusé – c’est devenu un secret de polichinelle – parce que le club liégeois refusait de payer une commission à mon agent Didier Frenay alors que j’estimais qu’il y avait droit. Certains diront que j’ai été idiot de refuser pour une telle futilité, mais j’ai mes principes.

Cette dernière saison à Mouscron fut difficile. Vous avez pris des coups, avez été relégué sur le banc, privé de votre brassard de capitaine en l’une ou l’autre occasion. Certains ont chuchoté :  » il va f… la m… dans le vestiaire « . Or, ce ne fut pas le cas.

Certains ont pensé cela ? Alors, ils me connaissent très mal. Lorsque j’ai été relégué sur le banc, j’ai pris un coup sur la tête, d’accord. J’étais déçu. Mais je n’ai pas réagi. Je ne suis pas un fouteur de m…

Une rébellion ? Alors, à mon insu !

Reprenons la chronologie de la saison, durant laquelle l’Excel en a vu de toutes les couleurs. Que s’est-il passé après la victoire 0-3 au FC Dender, le dernier succès significatif de l’ère Marc Brys ?

On a partagé 0-0 contre le Standard. Certains diront qu’on a bénéficié d’une grande dose de réussite ce soir-là, mais on a aussi témoigné d’une grande force de caractère. Après, on a perdu 2-1 à Zulte Waregem, en ayant eu la possibilité de revenir à 2-2 alors qu’on jouait à dix contre onze. Je crois que c’est surtout l’élimination en Coupe à Courtrai qui a fait très mal. Par la suite, on a vu que Courtrai était capable de faire mal à d’autres formations de D1, mais on ne le savait pas encore à l’époque. Dans la foulée, il y a eu des matches où la chance n’était pas de notre côté. Contre le FC Brussels, Matumona Zola a égalisé à la 86e minute. Contre Roulers, on a été réduit à dix après 7 minutes. Si on avait gagné ces deux matches, Marc Brys serait peut-être toujours là à l’heure qu’il est. Mais avec des si…

Comment avez-vous appris son limogeage ?

C’était un lundi. J’étais à la maison, avec mon fils. On m’a appelé vers 19 h. Je n’en ai pas cru mes oreilles.

Brys aurait-il été capable de remettre le train sur les bons rails ?

Je le pense. D’ailleurs, on était en milieu de classement, il n’y avait pas le feu au lac. On traversait une mauvaise passe, mais on essayait d’en sortir. La trêve était proche. Le stage en Espagne aurait sans doute fait du bien.

Quelle est la raison exacte de son limogeage ?

Je me le demande toujours. J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles certains joueurs seraient allés trouver la direction pour lui signifier qu’ils en avaient marre de ses méthodes, de ses longues séances de théorie, etc. Je fréquente le vestiaire tous les jours, je suis même l’un des premiers arrivés et l’un des derniers partis. S’il y avait eu une rébellion, je pense que je m’en serais aperçu. Or, je n’ai rien vu. Evidemment, il n’y a pas de fumée sans feu. Je considère toujours Brys comme un très bon entraîneur. Il avait ses idées, en dérogeait difficilement, mais sa porte était toujours ouverte. Comme nous étions tous les deux au stade à 8 h du matin, on discutait souvent avant l’entraînement. Après son discours d’adieu, je suis allé le trouver dans son vestiaire. Il avait les larmes aux yeux. Il se plaisait bien à Mouscron, il voulait y rester longtemps. Puis il m’a glissé, de façon anodine, une petite phrase : – Steve, faisattention : certainssepréparent àteplanteruncouteaudansledos ! Je mesure mieux, aujourd’hui, la portée de ces propos.

Trop vieux ? OK !

Arrive alors Enzo Scifo. Première réaction ?

Beaucoup de respect pour sa carrière de joueur. Je savais, aussi, que ses premières expériences d’entraîneur à Charleroi et à Tubize avaient été mitigées. Mais je me disais qu’un club n’était pas l’autre.

Au début, tout se passe bien : vous êtes dans l’équipe pour le premier match de l’ère Scifo à Gand.

Petite précision : j’étais dans l’équipe parce que Jérémy Sapina s’était blessé deux jours plus tôt. Lors du match suivant contre Saint-Trond, j’étais suspendu. Et lors du déplacement à Mons, j’étais grippé. Pour le quatrième match de 2008 contre Westerlo, qui coïncidait avec l’arrivée des renforts, j’étais sur le banc. Pareil à Anderlecht et contre Malines.

Des explications ?

J’en avais déjà eu avant. En fait, au retour du stage en Espagne, je suis allé trouver Gil Vandenbrouck pour lui demander quelles étaient les intentions du club à mon égard. Il me restait six mois de contrat, je voulais être fixé. Gil m’a répondu : – Onenadiscutépendantlestage, onneprolongerapas ton contrat ! Suite à cela, Scifo m’a convoqué. Il m’a expliqué : – A 34ans, tunereprésentesplusl’avenir ! Cela m’a fait mal d’entendre cela, mais OK, pas de problème. On a été honnête envers moi. C’est clair : je ne rajeunirai pas. Je peux comprendre ce raisonnement.

Les débuts de Scifo furent difficiles : 1 point sur 18.

Je ne m’en réjouissais pas, croyez-moi.

Lorsque vous réintégrez l’équipe, à Lokeren, vous n’êtes plus capitaine…

Cela m’a fait bizarre. Mais, puisque le club ne comptait pas me conserver, je pouvais le comprendre.

Hasard ou pas : le renouveau de l’Excel a coïncidé également avec votre retour dans l’équipe.

Même si ma modestie doit en souffrir, je pense avoir joué un rôle. Quand j’étais sur le banc, je voyais que l’équipe jouait bien, mais il n’y avait pas de communication sur le terrain. Personne pour recadrer ses partenaires. Je pense avoir stabilisé l’équipe, avoir fait prendre conscience de la situation à quelques-uns de mes partenaires. Je suis allé voir certains joueurs, ceux que j’estimais qui avaient besoin d’être recadrés, pour leur parler. D’autres que moi l’ont fait aussi.

 » Il n’a jamais été question d’un contrat de deux ans « 

C’était après la douloureuse défaite contre Malines ?

Non, ce soir-là, je n’ai rien fait. Ce n’était pas le moment. Tout le monde était dépité. J’ai vu Alex Teklak abattu sur le terrain, je suis passé près de lui pour le réconforter : – Alex, relèvetoi, ons’ensortira ! C’est tout. Il fallait digérer cette défaite, et le lendemain au décrassage, tout le monde a vidé son sac. Le déclic, ce fut le penalty détourné par Mark Volders dans les arrêts de jeu à Lokeren. Je venais de quitter le terrain quelques minutes plus tôt. Puis, j’ai entendu ce coup de sifflet de l’arbitre. Je me suis dit : – M…, onvaencorevivrelemêmescenarioquelessemainesprécédentes ! Alors Mark a sauvé ce point qui nous a fait un bien fou au moral. Dans la foulée, on a battu Bruges et Charleroi. On était relancé.

Avec, toujours, Dugardein dans l’équipe. On se dit alors que la direction pourrait peut-être revoir son point de vue à votre sujet…

C’est ce que je me suis dit également. Après la victoire contre Dender, qui assurait quasiment le maintien, je suis retourné voir Scifo pour lui demander : – Avezvouschangéd’avis à monsujet ? Il m’a répondu : – Pourmapart, oui. Situtrouvesunaccordfinancieravecladirection, jesuisprêt àtegarderunesaisonsupplémentaire ! On m’a fait savoir que ce serait simplement un contrat d’un an, à des conditions financières revues à la baisse. Pas de problèmes, cela m’agréait. Mais lorsque, quelques semaines plus tard, j’ai demandé à pouvoir finaliser le contrat, on m’a répondu : – Finalement, on adécidédenepastegarder ! Je ne sais pas où on est allé chercher cette histoire de deux ans de contrat. Il n’en a jamais été question.

Comment voyez-vous Mouscron sans vous ?

Sans moi, mais peut-être aussi sans Teklak, sans Geoffray Toyes, sans Christophe Martin. Eux aussi arrivent en fin de contrat. C’est cela qui m’inquiète. Car, s’ils s’en vont, c’est tout le ciment de l’équipe qui s’en ira. Tous les gens qui savaient garder l’église au milieu du village et incarnaient une certaine mentalité. Le nouveau capitaine sera sans doute Gonzague Vandooren ou Volders. Ils sont capables de s’ériger en leaders. D’autres joueurs sont capables de prendre leurs responsabilités, comme Adnan Custovic ou Mustapha Oussalah. Ou même Daan Van Gijseghem, déjà très mature pour son jeune âge. Je ne souhaite pas que Mouscron s’effondre. Je ne suis pas du genre à dire : – Vousvoyez, jenesuisplus làetrienneva ! Même si je suis déçu de devoir partir dans ces conditions-là.

Vous jouerez samedi votre dernier match avec Mouscron, mais peut-être pas votre dernier en D1 puisque Louvain est susceptible de monter via le tour final. Comment vivriez-vous votre retour au Canonnier sous d’autres couleurs ?

Ce serait la première fois que j’affronterais l’Excel avec un autre club. Lorsque Caen était venu disputer un match amical au Canonnier, dans le cadre de mon transfert, j’étais blessé. Ce serait spécial, c’est sûr. La date de l’événement serait entourée au marqueur fluorescent sur le calendrier. A l’heure actuelle, je suis incapable de dire comment je réagirais. Je n’ai pas encore envisagé cette hypothèse. Je serais sans doute content de revoir les amis que j’aurai conservés. Il y en aura encore beaucoup, même si l’équipe aura radicalement changé de visage. Mais, professionnellement, Louvain sera mon employeur et je me devrai de défendre ses couleurs à 100 %.

Dans quel rôle vous voyez-vous éventuellement revenir à l’Excel ?

Comme entraîneur de jeunes, je ne vois pas d’autres possibilités. J’ai un diplôme d’éducateur, un diplôme d’entraîneur UEFA B également. Entraîner une équipe Première, cela ne me tente pas trop. Ou alors, comme adjoint. Je ne me vois pas trop dans les bureaux non plus : j’ai toujours connu le terrain.

par daniel devos

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