Dernière ligne droite

Entretien avec le président de The Bid 2018 et 2022 : le dossier final est rentré. On attend la visite et le vote de la FIFA pour le 2 décembre.

On est dans la dernière ligne droite pour la candidature belgo-néerlandaise en vue de la Coupe du Monde 2018 et 2022. Au même moment que ses adversaires (Australie, Espagne et Portugal, États-Unis, Royaume-Uni et Russie pour les deux dates; Qatar, République de Corée et Japon pour 2022), nos plats pays ont remis leur Bid Book à la FIFA.

Dernier délai : 14 mai pour ce document d’environ 1.000 pages destiné à expliquer à la FIFA comment les pays comptent organiser la CM. Le Bid Book comporte de nombreuses informations techniques, entre autres sur les hôtels, l’infrastructure, les stades et l’écologie. A l’automne prochain, une délégation de la FIFA visitera les pays candidats pour une inspection technique, notamment des stades. Et le 2 décembre 2010, les 24 membres du Comité exécutif de la FIFA se réunissent pour prendre une décision sur l’attribution des CM de 2018 et 2022.

A combien évaluez-vous vos chances ?

Ruud Gullit : On est un outsider. L’organisation de la Coupe du Monde a, le plus souvent, été attribuée à des grands pays. Mais je persiste à croire en nos chances. La Belgique et les Pays-Bas ont prouvé, lors de l’EURO 2000, qu’ils étaient aptes à organiser un événement d’une telle ampleur. L’un de nos atouts majeurs est l’étroitesse des deux pays. On peut facilement se rendre d’un stade à l’autre, en utilisant le train, la voiture. Pas besoin de prendre l’avion, Ce sont deux pays multiculturels, accueillants pour les étrangers. La Belgique a un autre atout : celui de la langue française, largement répandue à travers le monde. Et les Belges ont toujours eu de grands hommes : Jacques Rogge est le président du CIO, Herman Van Rompuy est président du Conseil de l’Europe. Les Pays-Bas, eux, ont la culture sportive. Lorsque je voyage, on me demande souvent : -Pourquoi l’équipe Oranje n’a-t-elle pas encore remporté la Coupe du Monde ? Je prends cette question comme un compliment : on a remporté l’EURO 1988 et on a été à deux reprises finalistes de la Coupe du Monde, en 1974 et 1978. La Belgique, elle, a été demi-finaliste en 1986. Actuellement elle traverse une période plus difficile, mais les beaux jours peuvent revenir. Les Belges ont vraiment une bonne génération de jeunes talents.

Les résultats sportifs influencent souvent les votants, non ?

Cela peut aider. Si les Pays-Bas pouvaient aller loin à la Coupe du Monde, ce serait un atout supplémentaire. La Belgique, elle, ne sera malheureusement pas en Afrique du Sud. C’est dommage, mais j’ai connu la période difficile des Pays-Bas également. A l’époque où je débutais en équipe nationale, on a aussi loupé plusieurs fois la qualification pour des grands tournois. Pour, finalement, terminer en apothéose.

Et le charisme des présidents des différentes candidatures, cela peut aider ? Vous êtes le seul à avoir reçu un Ballon d’Or…

Là encore, je ne sais pas si c’est tellement important. On ne m’a pas désigné comme président uniquement parce que je suis une figure charismatique, mais surtout parce que je crois en ce projet. C’est, pour moi, une occasion unique de rendre au football néerlandais ce qu’il m’a apporté. Je sais que nos chances de réussite sont minces mais j’ai envie de les jouer à fond.

Quelles leçons avez-vous retenues de l’EURO 2000 ?

Cet événement fut un succès, mais on peut toujours faire mieux, c’est clair. Précisément, le fait d’avoir déjà organisé un événement de grande envergure peut se révéler un atout, par rapport à d’autres pays qui en seraient à leur coup d’essai.

La décision sera prise par les 24 membres du Comité exécutif de la FIFA. Pour être élu, vous avez donc besoin de 13 voix. Je suppose que vous connaissez les noms des votants par c£ur…

Oui, bien sûr. Mais je ne peux rien présager. Ils ne laissent rien apparaître de leurs intentions. On peut avoir une petite idée, sur base d’impressions ou d’intuitions. On peut penser, par exemple, que les hispanisants (j’y inclus les Sud-Américains) auront tendance à voter pour des pays latins. Mais rien n’est moins sûr. Si l’un des votants hispanisants hésite sur son choix, on peut présenter une bonne alternative. J’ai déjà parcouru le monde entier pour vanter la candidature belgo-néerlandaise. J’ai été partout bien accueilli. Je me suis notamment rendu à Sao Paulo, puisque le Brésil organisera la Coupe du Monde 2014, et j’ai beaucoup appris de la manière dont les Brésiliens comptaient appréhender l’événement. C’est très différent de l’approche européenne, mais il n’y a pas de modèle figé : chaque Coupe du Monde a quasiment été organisée de façon différente.

Après l’Afrique du Sud en 2010 et le Brésil en 2014, ne craignez-vous pas que la FIFA ait tendance à confier l’organisation à un grand et riche pays ?

La Belgique et les Pays-Bas sont des pays riches. La FIFA a démontré, avec l’Afrique du Sud, qu’elle n’allait pas toujours vers les plus riches. Je pense que l’Afrique méritait de recevoir l’organisation d’une Coupe du Monde. Je serai présent pendant cinq semaines en Afrique du Sud et je suis persuadé que l’événement débouchera sur un succès. Les conditions climatiques seront idéales : on sera en hiver. Il fera doux, avec parfois même des nuits un peu fraîches. Le rythme des matches sera donc élevé. Le Brésil sera en hiver aussi, mais le climat varie d’une ville à l’autre, tant le pays est immense. En Belgique et aux Pays-Bas, on sera au début de l’été en juin, mais on sait que le climat est tempéré sous nos latitudes. Je ne pense pas que tout cela influencera le vote pour 2018.

Allez-vous présenter le dossier d’une façon spéciale à la FIFA le 2 décembre ?

Avec orchestre et cheerleaders ? ( Ilrit) Non, ce sera une présentation très formelle. Pour nous, la chose la plus importante est d’être pris au sérieux. Et je pense qu’on l’est. C’est une occasion unique, pour montrer au monde qu’on existe. Tout ne doit pas tourner autour de l’argent.

En parlant d’argent : le football belge est dans une piètre situation. Il y a aussi eu des  » affaires « . Les Pays-Bas ont été un peu épargnés, mais les difficultés économiques surgissent également.

La crise économique n’épargne personne. Même dans les plus grandes compétitions européennes, comme la PremierLeague anglaise et la Liga espagnole, on trouve des clubs en difficultés financières.

La capacité des stades, aux Pays-Bas mais encore plus en Belgique, est aussi très loin des normes habituelles pour une Coupe du Monde.

D’accord, mais il faut garder le sens des réalités. Construire un stade de 80.000 places à Heerenveen, cela n’aurait aucun sens. Il faut que les stades que l’on construise soient aux normes d’une Coupe du Monde, mais puissent aussi être utilisés plus tard.

« Si on m’a désigné président c’est surtout parce que je crois en ce projet. « 

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