Dernier tango

L’attaquant argentin est actuellement le seul buteur du Sporting en championnat.

Le but de Sergio Rojas à Molenbeek a été plébiscité comme le plus beau de la deuxième journée de championnat. Ce lob long, astucieux, plein de technique, a rapporté trois points à Charleroi. Malheureusement pour les Zèbres, il est le seul inscrit jusqu’à présent par le Sporting. Mais il est porteur d’espoirs pour l’attaquant argentin, qui arrive en fin de contrat et qui entend bien rebondir après deux saisons au Mambourg au cours desquelles il a alterné le bon et le moins bon.

Vous voilà reparti pour une troisième saison à Charleroi. En fin de saison dernière, des rumeurs faisaient pourtant état d’un retour en Argentine pour des raisons familiales.

Sergio Rojas: Mon épouse, effectivement, s’était difficilement adaptée à la Belgique et souhaitait rentrer au pays. Footballistiquement, j’avais une possibilité de poursuivre ma carrière à Huracan, un bon club de D1 argentine. Mais il me restait un an de contrat à Charleroi et, sur l’insistance d’Enzo Scifo, j’ai accepté de l’honorer. Avec mon épouse, j’ai trouvé une solution susceptible de satisfaire tout le monde. Pour l’instant, elle réside toujours à Charleroi, mais elle effectuera de fréquents allers-retours avec l’Argentine. Elle partira bientôt, reviendra en Belgique en novembre, puis nous rentrerons tous ensemble pour les vacances de Noël. Certes, ce n’est pas l’idéal, car ce sont de longs voyages: deux heures d’avion de Bruxelles à Madrid, puis encore douze heures de Madrid à Buenos Aires. Mais, si cela lui convient, j’en serai ravi, car il est évident que lorsqu’elle n’est pas heureuse, cela déteint sur mon moral. Mon adaptation personnelle n’a pas été facile non plus. Mais je jouais, je m’entraînais, j’avais une occupation. Mon épouse devait rester seule à la maison, et comme elle ne parle pas le français, elle ne trouvait pas beaucoup de monde avec qui elle pouvait engager la conversation. Elle s’occupait de notre enfant. Il a deux ans aujourd’hui: il est né en Argentine, juste un mois à peine avant notre départ pour la Belgique. La solution trouvée n’est évidemment que temporaire. On ne pourra pas continuer éternellement de cette manière-là, mais on fera le point en fin de saison.

L’Europe ou l’Argentine en fin de saison

Au terme de cette saison, rentrerez-vous définitivement en Argentine?

Je l’ignore. Mon objectif, au départ, était d’utiliser Charleroi comme tremplin pour aboutir dans un grand club européen. Cet objectif n’a pas changé. Mais tout ne tourne pas toujours comme on le souhaiterait. Si je ne trouve rien d’intéressant en Europe, je rentrerai en Argentine.

Ce serait un échec?

Au cours de mes deux premières saisons, je dois admettre que je n’ai pas percé comme je l’avais espéré. Il y a diverses explications à cela: les petites blessures dont j’ai été victime, une adaptation difficile à la vie belge, les soubresauts qui ont agité le club. Ma première saison fut très décevante. Pour moi, mais aussi pour le Sporting qui a dû se battre jusqu’au bout pour éviter la relégation. La saison dernière fut un peu meilleure. J’espère que nous suivrons la même courbe et que celle-ci sera encore un peu meilleure.

Etes-vous confiant?

Tout à fait. Le Sporting a réalisé trois ou quatre acquisitions très importantes, qui devraient lui permettre d’élever le niveau de jeu. De mon côté, je suis content d’avoir résolu mes problèmes familiaux car cela me permettra de me concentrer davantage sur le football. Je me suis aussi adapté au pays et j’aborde cette troisième saison belge dans de meilleures conditions: je me sens mieux mentalement, mais aussi physiquement. J’ai bien travaillé pendant les vacances, j’ai respecté le programme que nous avait soumis Enzo Scifo. Je me suis entraîné individuellement, mais j’ai aussi un peu joué avec mes anciens amis du club de mes débuts, Don Orione, qui peut être comparé à un club de Provinciale en Belgique. Je ressens également une plus grande confiance de la part des entraîneurs à mon égard. Ces deux dernières saisons, j’ai alterné le bon et le moins bon. Il m’a manqué la régularité dans mes prestations. J’en ai discuté avec Enzo Scifo et nous essayerons de corriger cette lacune.

Mon plus beau but

Vous avez inscrit un but magnifique à Molenbeek. Le plus beau depuis que vous jouez en Belgique?

Je le pense, oui. J’en ai inscrit d’autres qui étaient très jolis. Contre Beveren et contre le GBA, notamment. Mais celui de Molenbeek tient une place à part. Actuellement, j’en suis à un but en trois matches. C’est bien mais peut-être pas encore suffisant. D’autant que je suis toujours le seul buteur du Sporting. Il faudrait faire preuve d’un peu plus de réalisme devant les buts si nous voulons empocher les trois points plus régulièrement.

Actuellement, le Sporting en est à une victoire, un partage et une défaite.

Oui, nous sommes déjà passés par tous les sentiments. Curieusement, la seule victoire fut obtenue en déplacement alors que Charleroi avait la réputation d’être surtout intraitable à domicile. Mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Le partage contre le Standard n’était pas mauvais en soi. En revanche, la défaite contre St-Trond fut très décevante. Nous étions un peu endormis ce jour-là. J’ignore ce qui s’est passé. On ne peut pas invoquer la chaleur, car elle était aussi étouffante pour les deux équipes. Je pense plutôt que nous avions abordé le match trop confiants, et lorsque nous nous sommes réveillés, le marquoir affichait déjà 0-2. C’est dommage car c’est le genre de matches que nous devons absolument remporter si nous voulons livrer un bon championnat. Mais il reste beaucoup de points à prendre. Cette contre-performance ne doit pas altérer notre confiance.

Vous êtes au seuil d’une saison importante?

Oui, puisque j’arrive en fin de contrat et que j’ignore de quoi mon avenir sera fait. Les propositions que je recevrai dépendront forcément de mes prestations. Il est dans mon intérêt de m’illustrer.

L’Espagne serait idéale

Votre rêve demeure l’Espagne?

Oui, cela n’a pas changé. Le football espagnol est très technique et devrait me convenir. En outre, je ne serais plus confronté à la barrière de la langue. Mais les rêves ne deviennent pas toujours réalité. Si j’ai d’autres propositions intéressantes émanant d’autres contrées, je les examinerai également.

Le championnat de Belgique est-il suffisamment médiatique pour vous permettre d’attirer l’attention des recruteurs espagnols?

Il est clair que Charleroi ne dispute pas la Ligue des Champions et que je ne suis pas mis en vitrine comme les joueurs d’Anderlecht. Mais un transfert est souvent une question de managers. Si l’on a un bon manager, on peut aller n’importe où.

Votre style a-t-il évolué en deux années passées dans le championnat de Belgique?

Pas énormément. J’ai surtout acquis un peu plus de physique. Je travaillais déjà bien en Argentine, mais pas au même rythme qu’ici. Lorsque j’évoluais en Argentine, j’étais un peu enveloppé. Je me suis affûté.

Si vous êtes devenu une pièce importante sur l’échiquier du Sporting, c’est peut-être aussi en raison de la retraite anticipée de Dante Brogno?

(il rit) C’est vrai que nous évoluions un peu dans le même registre. Dante Brogno a toujours été une idole pour le public du Mambourg. C’était un grand joueur et il faisait partie des meubles au Sporting. Dans ce contexte, ce n’était pas facile pour un joueur venu de l’extérieur de prendre sa place. Depuis qu’il est devenu l’adjoint d’Enzo Scifo, je ne suis plus confronté à ce genre de concurrence. Mais cela ne signifie pas que la voie royale me soit grande ouverte. Je dois démontrer mon utilité en marquant régulièrement lors des matches et mériter ma place dans l’équipe par mon travail à l’entraînement.

« Je suis mieux préparé qu’avant »

A votre arrivée, Dante Brogno avait été d’une aide précieuse pour vous car il était l’un des rares qui pouvaient converser avec vous en espagnol?

Effectivement, il m’avait tendu la main et m’avait aidé à résoudre tous les petits problèmes auxquels j’étais confrontés lorsque j’ai emménagé à Charleroi. Je lui en suis reconnaissant. Je ne parlais pas un mot de français et les problèmes administratifs étaient particulièrement délicats à règler. Je n’ai jamais eu de différend avec Dante Brogno, que ce soit sur le terrain ou en dehors. A l’heure qu’il est, nous entretenons toujours d’excellentes relations, mais il est vrai que lorsque nous jouions tous les deux, nous étions un peu en concurrence pour la même place.

Etant confronté à la barrière de la langue, vous avez dû apprécier le passage de Manu Ferrera à Charleroi?

Le fait de pouvoir converser en espagnol a effectivement été un plus dans nos relations. Aujourd’hui, je suis capable de comprendre les directives données en français, mais à l’époque, ce n’était pas encore le cas. Je ne jouais pas beaucoup lorsque Raymond Mommens était l’entraîneur et Manu Ferrera m’a imposé dans l’équipe. Je pense lui avoir rendu la confiance qu’il m’avait accordée. J’ose l’affirmer aujourd’hui: si Manu Ferrera n’était pas arrivé à Charleroi, le Sporting aurait effectué la culbute en D2.

Qu’avez-vous pensé lorsqu’il a été limogé?

J’ai été surpris car les résultats n’étaient pas mauvais, à l’époque. Mais ce fut une décision de la direction et, en tant que joueur, je me dois de la respecter. Un entraîneur limogé, cela arrive dans le monde du football…

J’ai admiré Enzo Scifo au Mundial 86

Comment jugez-vous l’évolution d’Enzo Scifo comme entraîneur?

Il apprend match après match. Il fut un grand joueur, mais dans le métier d’entraîneur, tout est nouveau pour lui. Je suis très fier de l’avoir comme entraîneur. Lors de la Coupe du Monde 1986, je l’ai admiré dans la demi-finale face à l’Argentine. Lorsque j’ai débarqué en Belgique, j’attendais le moment où Charleroi devait rencontrer Anderlecht, afin de l’avoir en face de moi. Aujourd’hui, il est mon patron sportif. Cela m’a fait bizarre au début, mais je m’y suis habitué.

Au vu du joueur qu’il a été, il doit apprécier votre style de jeu?

Je le pense, oui. Chacun sait qu’Enzo Scifo a toujours été un adepte du beau jeu. Avec la technique que je possède, je pense répondre au profil du joueur qui lui plaît. Il s’efforce donc de me placer dans les meilleures conditions. Un attaquant a besoin de se sentir en confiance. Et cette assurance se trouve encore décuplée lorsqu’il trouve le chemin des filets.

Vous formez désormais le duo d’attaque avec Eduardo. Un duo complémentaire?

Je le pense. Il est plus rapide que moi et recherche davantage la profondeur. Nous devrions donc parfaitement nous entendre. Les chiffres, pourtant, donnent à penser le contraire. Le Sporting n’a encore inscrit qu’un seul but en trois matches de championnat, mais ce n’est pas une raison pour jeter uniquement la pierre aux attaquants. Dans le football moderne, tout le monde doit marquer, à l’exception du gardien de but.

Daniel Devos

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