Dernier RÊVE

Le 18 octobre dernier, Martina Navratilova a fêté ses 47 ans. Auprès de ses amies proches qui continuent à lui tourner autour comme des abeilles. Auprès de son chien, également, qui faillit l’empêcher de disputer récemment la phase finale de la Fed Cup à Moscou. En cause, un problème de passeport, dans lequel était apposé le visa obligatoire pour se rendre en Russie, que le charmant animal pourtant pas plus haut que trois pommes déchiqueta quelques jours avant que l’ex-numéro 1 des courts ne prenne l’avion. Tout rentra dans l’ordre et Navratilova put, à défaut d’emmener les Etats-Unis vers la victoire finale, du moins garder intact son palmarès dans cette compétition qu’elle disputa pour la première fois en… 1975.

C’était à Aix-en-Provence. Grâce à cette star naissante, la Tchécoslovaquie remporta le titre. Malgré l’âge, malgré les pérégrinations à travers le monde entier, Martina n’a rien oublié de cet épisode. Mieux, elle est encore capable de le décrire dans les moindres détails.  » Avec Renata Tomanova, nous avions battu les Australiennes en finale, lesquelles avaient elles-mêmes écarté les Américaines en demi « , se souvient-elle ainsi.  » Nous avions défait Evonne Goolagong, Kerry Reid et, je crois, Janet Young « .

Une autre pièce dans l’intarissable juke-box, et la rengaine redémarre.  » Mon autre meilleur souvenir de Fed Cup remonte à 1982 « , poursuit Navratilova.  » C’était la première fois que je m’alignais en tant que citoyenne américaine. C’était quelque part en Californie, à Santa Clara je pense. Chris Evert et Pam Shriver figuraient dans l’équipe. Je remportais le trophée un an après avoir acquis ma nouvelle nationalité !  »

Difficile de distinguer la carrière de cette légende vivante des courts, des innombrables problèmes politiques qui la jalonnèrent et qui lui imprimèrent sur le visage un éternel air de nostalgie. En total désaccord avec le régime communiste qui sévissait dans son pays natal, Navratilova vécut un enfer pendant de longues années. Une torture dont elle ne parle plus que du bout des lèvres tant les souvenirs ont marqué au fer rouge sa mémoire.

C’est en 1975, à l’âge de 19 ans à peine, qu’elle décide de faire le grand saut dans l’autre monde. Tandis qu’elle participe à l’US Open, elle demande l’asile politique pendant le tournoi. Malgré la présence incessante d’officiels du FBI et de l’immigration dans sa chambre d’hôtel où elle est cloîtrée à l’écart de tous, elle parvient malgré tout à se hisser en demi-finales où elle sera battue par celle qui deviendra sa plus grande rivale, Chris Evert.

Nouveau coup de foudre… derrière un micro

Rien, à l’époque, ne peut la détourner de sa volonté. Sa vie future, c’est aux Etats-Unis qu’elle la vivra et nulle part ailleurs. Elle ne pense pas alors devoir souffrir le martyre pour réussir à se faire accepter. Car dénoncée par son ancienne patrie, Navratilova est également une suspecte aux yeux des Américains. Sa masse musculaire, déjà hors norme, ne peut être que le résultat de la politique sportive douteuse pratiquée de l’autre côté du Mur.

Au bord du gouffre, abandonnée par tous, Navratilova connaît des temps difficiles. En 1976, elle disparaît dès le premier tour à Flushing Meadows. Elle devra attendre deux années pour s’imposer comme la meilleure joueuse du monde et comme l’une des premières sportives de renom à dévoiler son homosexualité.

Navratilova va dominer l’univers du tennis féminin pendant huit ans. Et bien que ses victoires majeures soient superbement ignorées par les médias tchécoslovaques, sa popularité commence à croître tant à l’Est qu’à l’Ouest. Lorsque la Révolution de Velours donne naissance à la République Tchèque en 1989, l’immortalité sportive de Navratilova est assurée depuis longtemps.

Quand elle annonce sa retraite fin 1994, la joueuse aux lunettes a engrangé 56 titres du Grand Chelem, dont 18 en simple. Neuf d’entre eux ont été signés sur le gazon sacré de l’All England Club de Wimbledon (auxquels il convient d’ajouter 4 US Open, 3 Open d’Australie et 2 Roland Garros). Gauchère surdouée, Navratilova a également assis sa domination en double (31 doubles dames et 7 doubles mixtes). Surtout, elle a occupé la première place mondiale durant 331 semaines (seule Steffi Graf a fait mieux) entre 1978 et 1986.

 » La chose la plus étrange est que, jamais, je n’ai regretté ma décision de raccrocher « , dit-elle récemment.  » Durant cinq années, j’ai eu une vie très agréable en dehors des courts. Le tennis ne me manquait absolument pas et l’adrénaline de la compétition non plus puisque je pratiquais le ski, le basket et le hockey sur glace. Un jour, j’ai accepté de commenter les matches à Wimbledon pour la télévision. Et là, ce fut à nouveau le coup de foudre !  »

L’ultime défi : une médaille olympique

Tandis que l’humanité vient de basculer dans le 21e siècle, Navratilova effectue un incroyable come-back à l’âge de 43 ans pour disputer, au départ, quelques doubles. La planète entière se demande comment une femme qui a amassé une véritable fortune peut reprendre ainsi le chemin de la routine. Simple : le tennis agit sur elle comme une drogue.

Satisfaite de son niveau de jeu, elle rejoue carrément à plein temps (en double) au point de terminer la saison 2003 à la… sixième place mondiale et de remporter deux nouveaux titres du Grand Chelem en double mixte aux côtés de l’Indien Leander Paes à l’Open d’Australie (le seul qui manquait à sa collection) et à Wimbledon.

C’est cette femme exceptionnelle que l’on eut récemment l’occasion de voir à l’£uvre dans l’immensité du stade olympique de Moscou où n’avait pris place qu’une poignée de spectateurs. Qu’importe : Navratilova avait eu une nouvelle fois raison du qu’en-dira-t-on en prouvant qu’elle affichait un niveau de jeu encore suffisant pour tenter de réaliser le dernier rêve qui hante encore ses nuits : remporter une médaille olympique !

Car aussi surprenant que cela puisse paraître, Martina ne s’est jamais alignée aux Jeux. Athènes sera l’occasion idéale d’autant que le probable forfait des s£urs Williams (médaillées d’or en double à Sydney) apporterait de l’eau à son moulin. Elle le sait et ne s’en cache pas. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si elle a déjà annoncé qu’elle mettrait un terme, définitif cette fois, à sa carrière à la fin de l’année 2004.  » Si j’ai bien compris, la fédération américaine a l’intention de sélectionner quatre joueuses de simple et une paire de double « , dit-elle ainsi.  » Les joueuses du double ne seront pas nécessairement les mêmes que celles du simple. De ce fait, nos chances d’être sélectionnées sont réelles puisque Venus et Serena ne jouent plus ensemble qu’à l’occasion des Grands Chelems « .

Lorsque Navratilova emploie le  » nous « , elle englobe dans la conversation LisaRaymond, une joueuse douée qui est l’une des rares à savoir encore pratiquer le service-volée, et avec qui elle a prévu de s’aligner sur une base régulière dès le 1er janvier prochain.  » Lisa m’a demandé un jour si j’étais intéressée par une association « , révèle Navratilova.  » Elle veut aller aux Jeux. Quant à moi, cette compétition m’intrigue. J’avoue avoir eu des doutes pour 2004. Je ne savais pas si je voulais vraiment continuer mais la proposition de Lisa m’a relancée. Même si mon niveau de jeu et mon classement font que j’avais de toute façon une chance réelle d’être sélectionnée pour Athènes, le fait de m’aligner sur le circuit aux côtés d’une Américaine plutôt qu’une étrangère ne peut que donner un poids supplémentaire à notre candidature « .

Même si elle reste l’une des championnes les plus abordables (elle a toujours adoré la publicité faite autour de sa personne), il ne fait aucun doute que Martina Navratilova s’enfermera en compagnie de son entraîneur physique qui ne la quitte pas d’une semelle dans une préparation minutieuse au fur et à mesure qu’approchera le rendez-vous grec.  » Mes entraînements ne sont pas aussi intenses que jadis « , expose-t-elle à ce sujet.  » Je ne passe bien sûr plus autant de temps dans une salle de musculation ou sur un terrain que lorsque j’avais 20 ou 30 ans, mais mes entraînements sont plus spécifiques et plus fréquents. Chaque minute de travail compte double et je ne peux plus me permettre de me reposer une semaine en me disant que j’arriverai de toute façon à rattraper le temps perdu. Je dois faire preuve de rigueur jour après jour, semaine après semaine « .

On peut compter sur elle pour ne pas en manquer dans les huit mois à venir. Pour elle, comme pour beaucoup d’autres, elle veut voir Athènes avant de mourir.

Florient Etienne

 » Je ne peux PLUS me permettre UNE SEMAINE D’ARRêT « 

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