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Après une mi-temps avec la Réserve à Westerlo, il s’est rendu à l’évidence: le foot de haut niveau, c’est terminé.

Vendredi soir, au ‘t Kuipke, la Réserve de Westerlo accueille son homologue mouscronnoise devant 200 spectateurs et… une caméra de télévision. Le joueur qui fait office d’attraction porte le n°6 dans les rangs de l’Excelsior: Lorenzo Staelens. « En principe je n’avais pas prévu de jouer », raconte-t-il. « Mais jeudi après-midi, Hugo Broos m’a posé la question de confiance: -Quand t’essayes-tu en Réserve, ce week-end ci ou le week-end prochain? Mes quinze jours d’essais à l’entraînement étaient passés, j’ai donc répondu: -OK, va pour ce week-end ci! »

Lorenzo Staelens évolue au libero, dans l’axe de la défense, et doit notamment contenir les assauts d’un autre vieux de la vieille, de quatre ans son cadet, Francis Severeyns.

La mi-temps est sifflée sur le score de 0-0. Mais, après la pause, Lorre ne paraît plus: « J’ai dû me rendre à l’évidence », avoue-t-il. « Je n’ai plus suffisamment de vivacité, il est inutile d’insister: j’arrête ». La question que tout le monde se posait a donc trouvé une réponse: non, Lorenzo Staelens ne jouera plus pour Mouscron cette saison.

Votre décision est-elle définitive?

Lorenzo Staelens: Tout à fait. Si cela ne va déjà pas en Réserve, cela n’ira forcément pas en Première. Je dois être honnête et ne pas vouloir tirer sur la corde jusqu’à l’usure. Je veux que l’on garde une bonne image de moi. Je n’ai pas envie de disputer le match de trop et de sortir du terrain en étant ridicule.

Les tests physiques auxquels vous aviez été soumis étaient pourtant positifs et votre aisance aux entraînements en avait surpris plus d’un.

Entre un entraînement et un match, fût-il de Réserve, il y a encore une grande différence. Physiquement, il n’y a pas de problème. C’est surtout au niveau de la mobilité et de la vivacité que cela ne va plus. J’arrive toujours un temps trop tard sur le ballon. A l’entraînement, c’est plus relax. Le rythme est moins élevé. En match, on ne peut pas se permettre d’erreur.

« J’avais encore envie de jouer »

Pourquoi avez-vous voulu essayer? Est-ce tellement difficile de tourner la page?

J’avais encore envie de jouer, je ne le cache pas. Quand on est possédé par le démon du football, c’est dur de s’en défaire. Je n’étais pas sûr de mon coup. C’est la raison pour laquelle j’avais voulu cette période d’essai de quinze jours. Je devais me tester à différents niveaux. Mentalement, d’abord: je devais avoir envie de rejouer parmi l’élite, avec tout ce que cela implique: les entraînements quotidiens, les sacrifices personnels, la pression médiatique. Physiquement, aussi: je devais savoir si je tiendrais le coup, car entre la D2 japonaise et la D1 belge, il y a encore une sacrée différence. Si je rejouais, c’était avec l’ambition d’apporter quelque chose à l’équipe. Sinon, cela ne valait pas le coup.

Lorsque vous aviez décidé d’anticiper votre retour du Japon, Mouscron venait de débuter le championnat par un 0 sur 15. De nombreux observateurs y avaient vu un lien de cause à effet. La vraie raison était donc d’ordre familial?

Tout à fait. Ma famille me manquait. Lorsque j’entendais mes enfants au téléphone, j’avais le coeur déchiré. Et, après être revenu pour quelques jours en Belgique, j’éprouvais de plus en plus de difficultés à me réinstaller, seul, dans mon appartement d’Oita. J’attendais avec impatience le moment de rentrer au pays. J’ai utilisé une clause de mon contrat pour anticiper mon retour. Mais, au moment où je suis revenu, Hugo Broos et Jean-Pierre Detremmerie m’ont demandé si j’avais encore envie de jouer. Je n’ai pas pu leur cacher qu’au fond de moi-même, effectivement, j’avais encore des démangeaisons. Ils ne m’ont imposé aucune pression. Ils m’ont laissé le libre choix. Ils ont accepté que je me joigne au groupe, pour voir quelles sensations je ressentirais. Voilà, c’est fait: j’ai essayé. Maintenant, je dois me rendre à l’évidence: j’ai 37 ans et je ne rajeunirai plus. Certains joueurs qui évoluaient à mes côtés dans ce match de Réserve avaient vingt ans de moins que moi. Cela ne pardonne pas.

Est-ce un moment difficile, lorsque vous vous dites que le football de haut niveau n’est plus qu’un souvenir pour vous?

Non, c’est un moment par lequel tous les footballeurs passent à un moment donné. Je n’ai pas de regrets à avoir et on ne pourra rien me reprocher. J’ai essayé d’ajouter un chapitre à ce bel ouvrage. J’ai connu les plus grands clubs en Belgique: Bruges et Anderlecht. J’ai aussi connu l’équipe nationale. J’ai terminé ma carrière par une expérience à l’étranger. Maintenant, je dois me résoudre à refermer le livre.

On vous sent déçu malgré tout…

Oui, en effet. J’aurais aimé jouer pour Mouscron. C’est une équipe chaleureuse et le public se comporte toujours de façon très correcte. J’ai assisté au match face au GBA. Cela m’avait beaucoup plu. J’ai eu envie de monter sur le terrain.

« Anderlecht a bel et bien été mon dernier club en Belgique »

Vous aviez encore évolué aux côtés de Gordan Vidovic en équipe nationale?

Effectivement. Nous avons disputé la Coupe du Monde 1998, ainsi que la campagne de qualification, ensemble. Cela avait très bien fonctionné. Avec peu de mots, on se comprenait parfaitement.

Lorsque vous aviez quitté Anderlecht, vous aviez déclaré que ce serait votre dernier club en Belgique.

C’est exact. Mais on ne peut pas toujours tout prévoir: l’expérience japonaise s’est terminée prématurément et je suis revenu en Belgique plus tôt que prévu. Finalement, je n’aurai pas menti: Anderlecht aura donc bel et bien mon dernier club en Belgique.

Ce ne sera pas le travail qui manquera. Un nouveau chapitre de votre existence va s’ouvrir.

C’est la raison pour laquelle j’estime qu’une carrière de footballeur professionnel aurait été difficilement compatible avec mes obligations comme échevin des Sports et de la Jeunesse à Menin. C’eut été très lourd.

Comment êtes-vous entré dans la politique?

Les membres du SP m’ont demandé si cela m’intéresserait de rejoindre le parti. Je me suis inscrit sur les listes et j’ai été élu. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Quels objectifs vous êtes-vous fixés?

J’aimerais améliorer la qualité des infrastuctures sportives à Menin. Les développer, également. Et j’aimerais orienter davantage les jeunes de 6 à 18 ans vers la pratique sportive. Car, à ce niveau-là, les vocations se font rares à Menin.

Vous prendrez aussi, dès le 1er janvier, vos fonctions comme responsable de la section « élites » du Futurosport. Avez-vous déjà rencontré Eddy Mestdagh, qui assure actuellement l’intérim?

Oui, bien sûr. Il avait été convenu que, si je continuais à jouer, il remplirait encore cette fonction seul pendant quelques mois supplémentaires. Puisque j’ai décidé d’arrêter, je le rejoindrai donc dès le début de l’an 2002, comme cela avait été convenu au départ. Je me mettrai déjà à la disposition du club dès à présent. Je connais bien Eddy Mestdagh. Il ne devrait y avoir aucun problème de collaboration. Il me reste deux mois et demi pour me familiariser avec la maison. Eddy Mestdagh m’a déjà présenté au staff d’entraîneurs, m’a fait visiter les installations. Dans les semaines qui viennent, j’irai voir les entraînements des jeunes afin de me faire une idée de ce qui m’attend.

« J’espère découvrir d’autres Jonathan Blondel »

C’est une rôle nouveau pour vous. Comment appréhendez-vous cette mission?

Ce qui apporte le plus de satisfactions, dans ce rôle, c’est lorsque l’on constate, après quelques années, que quelques-uns des gamins que l’on a eu sous ses ordres frappent à la porte de l’équipe Première. L’objectif, à terme, est de trouver d’autres joueurs comme Jonathan Blondel. Mettre sur pied une école de jeunes, ce n’est pas uniquement un travail de formation, mais également de recrutement. J’irai voir, dans un périmètre de 25 à 30 kilomètres autour de Mouscron, s’il y a des jeunes susceptibles d’intégrer nos équipes. Il faudra déterminer si nous avons, par exemple, besoin d’un back gauche pour l’équipe des -15 ans ou d’un demi défensif pour celle des -17 ans. A partir de là, l’appareil de scouting entre en jeu.

L’objectif n’est toutefois pas de jouer la championnite, mais de former des jeunes dans l’optique de l’équipe Première?

Evidemment. Cela a été très clair dès le départ: c’est toujours agréable de gagner, mais l’objectif n’est pas d’être champion dans toutes les catégories d’âge. Il faut d’abord donner une bonne éducation aux joueurs et espérer que, plus tard, ils pourront faire carrière en D1.

Est-ce un rôle qui vous plaît?

Oui, bien sûr. Je suis diplômé en éducation physique. J’ai toujours apprécié de travailler avec des jeunes, lors des stages notamment. Le football est un domaine que je connais particulièrement bien. Ma voie était donc toute tracée.

Les joueurs qui, comme vous, ont une carrière internationale derrière eux, ne revendiquent-ils pas plutôt un poste d’entraîneur en D1?

Il ne faut pas nécessairement franchir le pas du jour au lendemain. J’ai effectivement l’ambition de devenir, un jour, entraîneur en D1. Mais Mouscron m’a offert une très belle occasion de débuter dans la carrière. Je reste dans le domaine du football, je reste en contact avec des entraîneurs, je continue à aller voir des matches. Rien ne dit que, plus tard, je n’essayerai pas plus haut.

Vous ne serez donc pas à vie au Futurosport?

J’ai un contrat de cinq ans. Après, on verra. Si ce travail me plaît, rien ne dit que je ne pourrai pas le poursuivre.

Si vous avez choisi Mouscron, était-ce uniquement par amitié vis-à-vis d’Hugo Broos?

Cela a certainement joué, mais c’est loin d’être l’unique raison. Je trouve que Mouscron est une équipe bien structurée. Ce fut un argument important dans mon choix. J’ai pu me rendre compte de la qualité du staff d’entraîneurs et de collaborateurs. En outre, le club est situé à proximité de mon domicile de Menin. C’était un autre argument. Dommage que je n’ai pas pu jouer pour Mouscron. Oui, vraiment, je le regrette!

Daniel Devos

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