Dépression automnale

Pour le défenseur hongrois, Anderlecht n’est pas moins fort que la saison passée. Il compose simplement avec une entrée en matière laborieuse. Une fâcheuse habitude qu’il traîne depuis des années.

Le premier tiers de la compétition, dans sa phase initiale du moins, a vécu et force est de reconnaître qu’Anderlecht n’a toujours pas séduit. Pire même, les champions cafouillent de plus en plus leur football, comme ils viennent de tristement l’illustrer la semaine passée en étant battus coup sur coup par l’Hajduk Split (1-0) et par le Standard (5-1). Deux défaites d’affilée qui ne relèvent plus, simplement, d’accidents de parcours, comme ce fut le cas soi-disant à Charleroi ou au Lierse, mais qui traduisent bel et bien un malaise profond. Même si, à l’image d’un Roland Juhasz, par exemple, beaucoup en minimisent la portée et refusent de parler de crise.

Roland Juhasz : Nous devançons toujours nos rivaux traditionnels que sont le Club Bruges et le Standard et, malgré deux revers en compétition européenne, rien n’est encore perdu non plus puisqu’il reste 12 points à prendre. En lieu et place de parler de crise, je préfère évoquer la malchance qui nous poursuit depuis le tout début de la saison. A cet égard, je citerai pêle-mêle le but annulé injustement pour hors-jeu, de Romelu Lukaku, qui nous aurait propulsés dans les poules de la Ligue des Champions au détriment du Partizan Belgrade, les trois envois sur le cadre lors de notre fin de rencontre endiablée devant Zulte Waregem, où nous avions perdu deux unités, voire l’auto-but de Jan Lecjaks en Serbie. En 2009-10, tout ce qu’on touchait se transformait en or. A présent, tout se mue en cauchemar.

Anderlecht n’est-il pas aussi moins fort que l’année passée ?

Je ne suis pas de cet avis. Moi, la question qui m’interpelle davantage est de savoir pourquoi l’équipe termine toujours beaucoup mieux la saison qu’elle ne la débute. Je suis Sportingman depuis 2005, et le club n’a pas dérogé à cette mauvaise habitude durant tout ce temps. C’est évidemment bien de clôturer l’exercice en force, dans la mesure où les prix sont distribués en cette période-là. Mais les rencontres les plus importantes de l’année se situent toujours au c£ur de l’été. C’est le money time par excellence, puisqu’il est synonyme de qualification pour la phase finale de la Ligue des Champions, ou pour la moins lucrative Europa League. Et ces rendez-vous, nous avons la fâcheuse idée de les louper systématiquement.

Des débuts de match catastrophiques

A choisir entre BATE Borisov ou le Partizan Belgrade, quelle fut l’éviction la plus cruelle ?

Sans conteste la dernière. Face aux Biélorusses, nous étions très mal embarqués dès le départ en raison de notre défaite 1-2 à l’aller chez nous. Renverser cette situation n’était dès lors pas évident. Devant les Serbes, par contre, nous avions fait un grand pas en arrachant le nul 2-2 en déplacement. Nous étions réellement dans un fauteuil pour aborder le retour. Et là, tout a coincé. En réalité, ce qui vaut globalement pour la saison, comme je viens de l’expliquer, est perceptible aussi dans nos matches, en ce sens que nous les finissons mieux également. Contre le Partizan, chez nous, nous avions fait une deuxième mi-temps de toute beauté. Idem contre le Zenit. Mais dans les deux cas, notre entrée en matière avait été calamiteuse. Idem au Standard d’ailleurs. Comme si on ne savait pas comment entrer dans le vif du sujet. C’est d’autant plus bizarre que nous comptons pas mal de gars chevronnés.

Le contraste est saisissant aussi entre la moyenne des buts concédés en championnat et en compétition européenne : d’un côté 7 sur 8, soit moins d’un but par match et de l’autre 9 sur 5, soit une moyenne d’1,5. Comment expliquez-vous cette différence ?

A la valeur de l’adversaire d’abord. Le Zenit n’est manifestement pas le premier venu, même si j’admets que le Partizan et les New Saints n’étaient pas hors normes. Je mettrais peut-être l’accent également sur un autre facteur : en championnat, chaque secteur de l’équipe se borne au rôle qu’on attend de lui. Je veux dire par là que les arrières défendent, que les milieux orientent la man£uvre et que les avants attaquent. C’est ce qui explique nos bonnes notes en matière de buts pris et de buts marqués. En Europe, toutefois, cette implication seule ne suffit pas. Il faut sortir de son registre pour épauler les autres. Comme à Belgrade, par exemple, où nos deux buts ont été marqués par Guillaume Gillet et moi-même, deux défenseurs. Si nous parvenons à appuyer les attaquants, il me semblerait des plus logiques qu’eux nous viennent en aide aussi. Mais je constate qu’on a moins tendance à faire bloc dans ces conditions. Harceler l’adversaire dans son camp se fait par intermittences, jamais de façon systématique. Pourtant, cette méthode a sans conteste du bon. C’est grâce à un pressing de Matias Suarez que nous avions inscrit le but d’ouverture face à Malines.

Pas de solutions pour le porteur du ballon

La défense elle-même n’aime guère y être confrontée, manifestement. Dans ce cas, on remarque que vous usez et abusez de passes latérales.

Quand l’opposant chasse le ballon dans notre camp, il me semble tout à fait normal de procéder ainsi pour tenter de trouver un homme libre susceptible d’acheminer le ballon vers l’avant. Le plus simple, bien sûr, serait de balancer un long service à suivre. Ce n’est pas le style de la maison. Ici, l’accent est toujours mis sur une progression méthodique. Dès lors, on prend le temps de construire. Parfois, je sens que le public s’impatiente. Mais il n’y a pas d’autre alternative tant qu’un partenaire n’est pas démarqué. C’est là aussi une différence par rapport à la saison passée : au deuxième tour, tout le monde débordait à ce point de confiance qu’il y avait invariablement une, voire deux solutions pour le porteur du ballon. A présent, c’est plus laborieux. Les relais sont moins évidents. Depuis le retour de Jan Polak, je remarque quand même une amélioration car, à l’image de Lucas Biglia, le Tchèque n’hésite pas à venir réclamer le ballon devant la défense. C’est un appui appréciable.

On a parfois l’impression, malgré tout, que certains, dans l’arrière-garde, se cachent pour ne pas hériter du ballon ?

Moi, je ne me dissimule pas en tout cas. Je ne fuis pas mes responsabilités. La seule chose qu’on puisse peut-être me reprocher est de ne pas donner suffisamment de la voix par moments. Le contexte n’y est sans doute pas étranger. La saison passée, nous jouions quasi toujours avec un quatre immuable formé de Gillet, Ondrez Mazuch, Olivier Deschacht et moi-même. A la longue, on n’avait pas besoin de se parler pour se comprendre. En ce début de saison, la donne a un peu changé puisque Victor Bernardez et Nemanja Rnic ont déjà été utilisés. Dans ces conditions, un coaching plus pointu eût probablement été utile de ma part lors de notre match contre le Zenit. Mais nous avions déjà joué dans cette configuration à Lokeren et tout s’était déroulé ce soir-là comme sur des roulettes. Face aux Russes, en revanche, ce fut la cata. J’aurais peut-être plus dû me faire entendre à cette occasion.

Un marquage trop lâche

Vous n’auriez pas réussi à gommer les erreurs individuelles, de toute façon. Car c’est là que le bât avait blessé. Idem face au Partizan, où certains ont fixé le ballon au lieu de prêter attention à leur adversaire direct.

S’il y a un domaine où on peut progresser, c’est dans le marquage. On est souvent trop lâches en la matière. En championnat, ça ne porte pas à conséquence mais en coupe d’Europe, ça s’est déjà retourné à plusieurs reprises contre nous, c’est vrai. Peut-être n’y a-t-il pas assez de défenseurs de formation au Sporting. Car le quatuor que nous formions derrière la saison passée est formé, en vérité, d’anciens attaquants. Si c’est peut-être un atout quand il faut mettre le nez à la fenêtre devant, c’est peut-être un inconvénient aussi sur le strict plan défensif.

Vous attendiez-vous à l’enrôlement d’un défenseur à l’entre-saison ?

Oui, car il y a tout de même moins de possibilités de changement à l’arrière, chez nous, que dans les autres secteurs de l’équipe. Rnic et Gillet entrent en ligne de compte pour le poste de back droit ; Mazuch et Bernardez ont été utilisés tous deux comme stoppeurs droits également mais pour me doubler, il n’y a pas vraiment de solution. Dans ce cas, il faut déloger Deschacht de sa place d’arrière latéral et titulariser quelqu’un d’autre sur le flanc. Comme Lecjaks, par exemple, qui avait joué à cette place au Partizan.

Il y avait plus de possibilités avec Jelle Van Damme, qui semble déjà regretter d’avoir quitté le RSCA à destination de Wolverhampton. Qu’est-ce qui vous a poussé à rempiler, alors que vous étiez fort branché sur l’Angleterre aussi ?

A un moment donné, j’ai laissé la porte ouverte pour savoir à quoi m’en tenir. Mais pour avoir joué les premiers rôles avec les Mauves ces dernières années, je n’avais pas envie d’aboutir dans un club de deuxième zone là-bas. C’est ce qui m’a incité à rester. Je suis bien à Anderlecht et j’adore Bruxelles. Je viens d’ailleurs d’acheter un appartement dans le quartier des communautés. Si mon placement sur le terrain n’est peut-être pas toujours judicieux, comme ce fut le cas à Hajduk Split, je me dis que celui-là au moins, dans l’immobilier, est excellent ( il rit).

par bruno govers

« Mes placements dans l’immobilier sont meilleurs que sur le terrain !  »

« Si les défenseurs aident les attaquants, je ne vois pas pourquoi ces derniers ne nous aident pas… »

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